À cœur vaillant, rien d’impossible !

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Avant ses trente ans, Valentin Roulière a mis sur pied près du théâtre Edouard-VII, Mon Paris, une vaste brasserie haut de gamme qui se positionne, deux ans après sa création, comme une adresse parisienne de référence. Formé à l’école de son oncle, Jean-Luc Roulière, Valentin risque fort de faire parler de lui dans les années qui viennent.

Valentin Roulière
Valentin Roulière, le jeune restaurateur tourangeau, a été formé par son oncle. Crédit L'Auvergnat de Paris.

Il faut désormais compter avec les Tourangeaux dans le CHR parisien, et notamment la famille Roulière. On connaissait déjà Jean-Luc qui, depuis une vingtaine d’années, s’est employé à coloniser la rue Guisarde puis à essaimer dans le 6e arrondissement et à Boulogne où il a racheté le Poulet-Purée pour y créer la Terrasse Seguin.

Désormais, c’est au tour d’un de ses neveux, Valentin, d’occuper le devant de la scène. Ce jeune homme de 32 ans est en train de réussir une belle performance. En deux ans, ce surdoué de la restauration a mis sur orbite Mon Paris, une vaste brasserie disposant de 120 places et d’une terrasse de 150 places, rue Edouard-VII. Il a réussi à positionner l’établissement sur un créneau haut de gamme avec un ticket moyen oscillant entre 50 et 55 euros au déjeuner et 70 euros au dîner. Cet audacieux a pourtant frôlé le bord du gouffre.

En avril 2015, il rachète Le Bertie.

Cet établissement, installé sur deux niveaux et disposant de 400 m², n’a jamais trouvé sa vitesse de croisière malgré la qualité de l’emplacement dans une rue piétonne proche de l’Olympia et du théâtre Edouard-VII. Avant le Bertie, les murs abritaient le Bubbles, un bar exclusivement consacré au champagne qui avait brièvement défrayé la chronique.

Un investissement conséquent

En arrivant dans les lieux, Valentin ne s’est pas contenté de l’exploiter en l’état. Il a voulu mettre les chances de son côté en créant l’outil dont il rêvait avec un décor soigné. Il a totalement rénové l’établissement en installant à l’étage une cuisine de dernier cri avec un fourneau Rorgue sur mesure, deux grands fours mixtes et deux Vario Cooking Center de Frima. Dans ce restaurant, le chef, Mathieu Alfonso, réalise toutes ses préparations en cuisine à partir de produits bruts. Glaces, sorbets, fonds de sauce sont faits maison grâce à la présence d’une cellule de refroidissement. Au total, entre l’achat de l’établissement et les travaux, Valentin Roulière a investi 2,8 millions d’euros dans Mon Paris. Un engagement financier important pour un trentenaire qui ne disposait pour seul capital que le produit de la vente des parts de l’établissement où il était précédemment associé avec son oncle. Mais ce commerçant-né a usé de son pouvoir de conviction pour obtenir une garantie de la BPI et le soutien de la BNP. Il connaît une première déconvenue avec les travaux qui durent six mois alors qu’ils étaient prévus sur trois mois. Néanmoins, le démarrage de l’établissement plutôt dynamique rassure vite le jeune patron. Les attentats de novembre vont doucher son enthousiasme. La fin de l’année 2015 est catastrophique et l’exercice 2016, très morose. « J’avais de grosses difficultés à faire face à mes échéances. Mais je n’ai pas voulu descendre en qualité, brader mes prestations, insiste Valentin. J’ai tenu bon. » Il entame un bras de fer avec son banquier en lui faisant comprendre qu’il aurait davantage à perdre en poussant l’établissement à la cessation d’activité. Mais, surtout, il bénéficie de la compréhension de la plupart des ses fournisseurs, et notamment du groupe Rouquette, qui savent se montrer patients en attendant des jours meilleurs. Depuis un peu plus d’un an, les tables de Mon Paris ne désemplissent pas, midi et soir, et la terrasse exceptionnelle de l’établissement est devenue un spot parisien. Pas moins de 35 employés sont nécessaires pour faire fonctionner cette brasserie gastronomique sept jours sur sept.

Enfance à Savonnières

Enfant, Valentin ne se destinait pas à la restauration. Il rêvait de prendre la suite de son père, boucher éleveur à Savonnières (Indre-et-Loire).

Ce dernier exploitait notamment la boucherie du marché couvert de Tours et était une référence en matière de viande dans la région. Un jour, son oncle, qui avait réussi une brillante carrière dans la restauration à Paris, vient passer un dimanche en famille. Il remarque ce jeune adolescent débrouillard aux yeux rieurs et lui propose de venir travailler deux semaines dans un de ses restaurants pour se faire un peu d’argent de poche. Fasciné par cette expérience et la découverte de Paris, le jeune Valentin n’a alors qu’une idée en tête : suivre les traces de son oncle. « J’aimais le métier de boucher, mais, dans la restauration à Paris, j’ai vite compris que j’avais plus de facilités à me coucher à 5 heures du matin que de me lever à 5 heures, comme à Savonnières », souligne malicieusement Valentin. À 15 ans, il plaque l’école et débarque rue Guisarde en demandant à son oncle de l’embaucher. Celui-ci lui conseille toutefois de ne pas rompre avec la scolarité et le persuade de s’inscrire en BEP à l’école Ferrandi voisine. Comme le hasard fait bien les choses et que les Roulière savent se monter persuasifs, la formation en alternance a lieu dans un établissement de Jean-Luc Roulière, Chez Fernand, boulevard Montparnasse. « Après mon diplôme, à 18 ans, raconte-t-il, j’ai constaté que mes lacunes en anglais constituaient un sérieux handicap dans ce métier. C’est pourquoi je suis allé rejoindre mon frère Baptiste à Londres. » Ce frère aîné avait lui aussi été détourné du métier de boucher par son oncle et travaillait dans le restaurant londonien de Pierre Gagnaire tout en animant le réseau des extras de l’ambassade de France. Valentin va notamment devenir un des serveurs lors des réceptions de l’ambassade. Il va également travailler plus régulièrement dans un pub haut de gamme, puis dans un restaurant gastronomique indien, et enfin au Cipriani.

« J’ai vite compris que j’avais plus de facilités à me coucher à 5 h du matin que de me lever à 5 h. »

La rue Guisarde

Le décès de leur mère va provoquer le retour des deux jeunes professionnels à Savonnières. Jean-Luc Roulière demande alors à Valentin de venir l’épauler à Paris.

Dans un premier temps, il remplace les responsables absents. Puis un jour, son oncle lui propose de prendre la direction de Chez Fernand, rue Guisarde, en lui donnant « trente secondes pour réfléchir ».

« Par la suite, explique Valentin, j’ai voulu revenir à Savonnières pour créer avec mon père un bistrot boucher, Roulière et fils. Mon oncle l’a appris. Il m’a fait comprendre que je m’ennuierai vite dans un village et m’a proposé de créer avec lui, rue Guisarde, un restaurant à l’enseigne Comme à Savonnières, une sorte de clin d’œil à notre village de Touraine. » Valentin a ainsi exploité cet établissement durant sept ans avant de céder ses parts à son oncle pour voler de ses propres ailes et créer Mon Paris.

Dans cette vaste brasserie, il n’a pas oublié les enseignements de son oncle pour qui la réussite de la restauration, avant d’être une affaire de cuisinier, est d’abord une question de choix des meilleurs produits.

Valentin est un familier de Rungis.

Pour la marée, il travaille avec l’Écrevisse mais utilise également la plate-forme internet Proxi, qui le met en relation directe avec les mareyeurs.

La viande vient de chez Chassineau.

D’une manière générale, Valentin s’efforce de proposer à ses clients des produits originaux. Il décline en pression les trois couleurs de la bière Paulaner. Il a signé un partenariat avec Charles Heidsieck. Mon Paris est devenu le flagship de la maison de champagne. Plus de 3 000 bouteilles sont commercialisées chaque année dans l’établissement.

Edouard VII a du cœur

Les 16 et 17 mars, Valentin Roulière organisera un événement culinaire caritatif, soutenu par la mairie du 9e , au profit des Restaurants du cœur sur la petite place située en face de sa brasserie. Plusieurs de ses fournisseurs, dont le groupe Rouquette, y participeront.

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