Alain Pégouret, le fin stratège

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Alain Pégouret, 54 ans, a pris les rênes du Sergent Recruteur l’an passé. Désormais propriétaire de son établissement, il a trouvé l’écrin qui devrait un jour lui permettre d’obtenir une seconde étoile au Guide Michelin. Le chef est notamment connu pour avoir piloté les cuisines du Laurent (Paris 8e) pendant près de vingt ans.

© Mickael Rolland - Au Cœur des Villes

En rachetant le Sergent Recruteur en avril 2019, le chef Alain Pégouret, amoureux de l’île Saint-Louis, a réalisé son rêve de cuisinier. Celui d’exercer son talent dans sa propre maison, après avoir animé avec passion les cuisines du Laurent durant dix-huit ans. C’est à Joël Robuchon qu’il doit cette belle épopée. Alors qu’il venait de rejoindre le Jamin après être passé par les cuisines du Negresco ou du Nico, Alain Pégouret s’est sédentarisé chez Joël Robuchon, qui décidera quelques années plus tard de le placer au Laurent. « Je m’étais dit que je ne passerai que dix ans au Laurent, mais la rencontre avec le MOF Philippe Bourguignon, l’ancien directeur d’exploitation, a été déterminante », ajoute le chef du Sergent Recruteur. Après le départ à la retraite de Philippe Bourguignon, Alain Pégouret a continué l’aventure pendant trois ans avant de voler de ses propres ailes. La frustration de ne pas avoir obtenu une deuxième étoile a sans doute aussi concouru à son départ.

« Le volume de couverts était trop important ; 160 en moyenne chaque jour, calcule Alain Pégouret. Pourtant j’y croyais, la brigade était performante et la cuisine était à la hauteur. Cela m’a permis de persévérer. » L’antre de la gastronomie que constitue le Sergent Recruteur a été lancé en 1966 sous la forme d’un bar à vins où l’on venait faire la fête au beau milieu des tonneaux et des jambons secs suspendus. On s’y pressait alors pour ses buffets
de charcuterie, de crudités ou pour son bœuf bourguignon. Il y a une dizaine d’années, l’établissement avait été racheté par un investisseur qui avait placé aux fourneaux le chef Antonin Bonnet, un ancien des cuisines de Sébastien Bras. Après avoir décroché un macaron au Guide Michelin, Antonin Bonnet s’était retiré de l’île Saint-Louis pour lancer son propre restaurant, Quinsou. Puis c’est un couple de restaurateurs qui avait finalement racheté les lieux en 2015 avant de remettre l’affaire sur le marché. De son côté, Alain Pégouret connaissait parfaitement le Sergent Recruteur ; il y venait  régulièrement sous l’ère Antonin Bonnet. « J’ai eu un véritable coup de cœur pour l’établissement. Alors, quand on nous a proposé de le racheter, j’ai dit oui tout de suite », concède-t-il.

Le Sergent Recruteur a été pensé pour assurer un maximum de confort aux clients. On y trouve des salles spacieuses et de vastes tables, le tout relevé par des matériaux nobles et des pièces de mobilier uniques. Ainsi, la salle principale offre une trentaine de couverts tandis qu’un salon, dissimulé dans le sous-sol du restaurant, propose une douzaine de places assises. À son arrivée, Alain Pégouret a réalisé d’importants travaux afin de redonner au Sergent Recruteur son lustre et a rénové les lieux de fond en comble, cuisines comprises. Autre défi, celui de constituer une cave à vins. Pour y parvenir, le chef a fait appel au fidèle Philippe Bourguignon. « Le 3 mai au soir, nous avons reçu 200 cartons qui contenaient l’ensemble de la cave à vins, des ustensiles et des denrées, ainsi que 19 modèles d’assiettes différents, les digestifs, les apéritifs, les produits d’entretien, absolument tout », se souvient Alain Pégouret qui peut compter, en cuisine, sur d’anciens complices du Laurent dans lequel il officiait encore un mois plus tôt. Le lendemain, 4 mai, le chef assurait son premier service et le Sergent Recruteur affichait complet : « Nous avons ouvert sans fi let, sans vraiment tester la carte. Alors quand le premier bon de commande est arrivé, ce n’était pas simple ! »

Grâce à l’émulation acquise à l’époque du Laurent, Alain Pégouret et ses trois lieutenants en cuisine ont amplement relevé le défi. « La chance que j’ai eue, c’est de démarrer avec une équipe qui était familière déjà de ma cuisine. Nous nous connaissons par cœur », assure-t-il. Le propriétaire du Sergent Recruteur a souhaité roder sa nouvelle partition durant deux mois avant de communiquer sur son renouveau. Très vite, la mayonnaise a pris et certains clients du Laurent et autres proches du chef ont contribué, dans les premiers temps, à remplir la salle. Trois mois après l’ouverture, Alain Pégouret est parvenu à relancer les déjeuners d’affaires alors que l’établissement, depuis quatre ans, n’accueillait les gourmets que le soir. Le Bibendum n’est d’ailleurs pas resté insensible au renouveau d’Alain Pégouret et lui a accordé une étoile dans l’édition 2020 du Guide rouge. Saluant ainsi une carte de haute volée dans laquelle figure encore le plat le plus célèbre du chef : le fameux tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé.

La crise sanitaire, consécutive aux mouvements sociaux de décembre dernier, l’a malheureusement contraint à revoir ses ambitions d’accueil à la baisse : il est aujourd’hui question de pouvoir continuer à recevoir des clients malgré la Covid-19.

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