Patrick François, le poulbot des Charentes

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Depuis 2001, Patrick François anime La Part des Anges, un authentique bistrot de Montmartre (Paris 18e), à l’écart des touristes. L’ancien lieutenant de Serge Cancé – Chez Serge, à Saint-Ouen – a bien retenu les leçons de son mentor en proposant une cuisine simple, généreuse, mais aussi de jolies découvertes vinicoles à prix modérés.

Patrick François
Patrick François. Crédit DR.

Accrochée aux pentes de Montmartre, La Part des Anges (Paris 18e) fait partie des repaires des Charentais de la capitale. Sur la porte d’entrée, un sticker de soutien au stade rochelais donne le ton. Patrick François, qui a créé l’enseigne il y a près d’un quart de siècle, a toute légitimité pour animer ce lieu. En effet, natif de Jarnac (Charente), il a grandi dans un milieu où les effluves de part des anges étaient familiers. Son grand-père était maître de chai au château de la Gibauderie, propriété de la famille Hennessy, à Julienne. Sa mère était la nourrice des enfants de la famille Hennessy, alors que son oncle officiait comme maître d’hôtel au château. Quant au père de Patrick François, il a fait carrière chez Cognac Bisquit.

À 19 ans, Patrick François, la tête pleine de rêves, monte à Paris. Il hésite alors sur la voie à suivre. Un peu par hasard, il obtient un poste de garçon de salle à la Résidence, un club privé du bois de Vincennes. « C’était assez guindé, se souvient-il. Nous étions tous en uniforme. Le premier jour, mon seul travail était de vider les cendriers. Peu à peu, j’ai eu le droit d’apporter les corbeilles de pain à table. » Au bout d’un an, il atteint le grade de demi-chef de rang.

La rencontre d’une vie

Toutefois, une rencontre avec Serge Cancé, le propriétaire de Chez Serge à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), va donner un nouveau tour à sa carrière. Cette adresse faisait partie des rares bistrots connus des Parisiens… au-delà du périphérique. Serge Cancé incarnait un patron de légende. « Avec lui, la journée commençait à 3h du matin à Rungis, raconte Patrick. Après les achats, nous faisions un crochet par l’île Saint-Louis pour prendre des glaces chez Berthillon. À 6h, nous étions de retour à Saint-Ouen avec une camionnette pleine à craquer. À 7h, le bistrot ouvrait ses portes. On servait des cafés et des tartines aux agents de la ville. Vers 11h, ils étaient de retour au comptoir pour l’apéritif.

À midi, une nouvelle clientèle faisait son apparition, celle des repas d’affaires des nombreuses entreprises locales. L’après-midi, on retrouvait une clientèle populaire, mais le soir venu, le bistrot était fréquenté par le show business et les chefs. Jean-Jacques Goldman, Coluche étaient des clients assidus. Michou, Pascal Sevran et Bernard Loiseau, grands amis de Serge Cancé, ramenaient de nombreux amis à Saint-Ouen. Guy Savoy venait le dimanche avec son club de Harley Davidson. Joël Robuchon, lui-même, est venu manger plusieurs fois. »

Prendre son propre envol

Les yeux de Patrick François pétillent lorsqu’on évoque l’établissement Chez Serge. Il se rappelle les 130 couverts qui étaient envoyés lors de chaque déjeuner : « Nous finissions en nage et Serge mettait un point d’honneur à prendre lui-même chaque commande. C’était Monsieur 100.000 volts, il m’a communiqué le goût du coup de feu. » Le Jarnacais est ainsi devenu le lieutenant de Serge Cancé. Il était d’ailleurs prévu qu’il lui succède à Saint-Ouen. Malheureusement, regrette Patrick, il remettait sans cesse son départ. « J’entrais dans la quarantaine et j’avais envie de voler de mes propres ailes, confie-t-il. En 2000, je l’ai quitté pour créer La Part des Anges, rue Chappe. »

Dans cette première adresse montmartroise d’une vingtaine de places assises, Patrick François anime seul le bar à vin. La cuisine est positionnée sur le comptoir. La salle ne désemplit pas. Refusant régulièrement du monde, toutefois, le patron jette son dévolu en 2009 sur un plus vaste emplacement rue Garreau. Il a embauché un chef charentais, Maël Dupuy, mais aussi un serveur et un plongeur. Dès 2013, il a été couronné par la Bouteille d’or. Dans ces murs où il peut accueillir 45 personnes, il a mis en place un authentique bistrot. La clientèle apprécie son gigot d’agneau confit ou sa côte de bœuf. Le ticket moyen tourne autour de 45€.

En étroite collaboration avec des vignerons

Par ailleurs, s’il reconnaît qu’il ne sillonne plus le vignoble comme par le passé, Patrick François garde des liens étroits avec une quarantaine de vignerons. Il fonctionne avec une carte réduite d’une vingtaine de vins, dont huit au verre. Les bouteilles proposées varient en fonction des saisons et restent très accessibles avec un prix de départ de 32€, et à la clé des découvertes exceptionnelles à l’image de ce chénas vieilles vignes de Paul Maupetit. « Je travaillais déjà avec sa mère, Simone, indique Patrick. J’ai la collection de tous les millésimes depuis 1989 de cette cuvée limitée 3.600 bouteilles. » Mais le millésime 2020 sera le dernier. Le vigneron a cédé sa parcelle…

Pour autant, le restaurateur ne se complaît pas dans la nostalgie. Il sait que le mot fin survient toujours, même dans les plus belles aventures. Patrick est bien décidé à ne pas faire le combat de trop. Âgé de 62 ans, il commence déjà à songer à la transmission de La Part des Anges. Enfin, sa maison familiale de Royan (Charente- Maritime) l’attend et il est bien décidé à profiter, dans un avenir pas trop lointain, des joies de la pêche et des voyages.

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