Benjamin Artis : aubergiste avant tout
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Depuis le mois de juin, Benjamin Artis, 40 ans, a créé Le Choupinet, une vaste brasserie proche du jardin du Luxembourg. Après une belle carrière dans des restaurants branchés comme L’Île, L’Arc ou Yeeels, ce Cantalien rejoint l’univers professionnel emblématique des Auvergnats de Paris.
Il s’en est fallu d’un demi-point au bac français pour que le destin de Benjamin Artis ne bascule pas dans le domaine de la restauration. Avec un 10 sur 20, il eût été assuré de passer de belles vacances en Auvergne, dans la maison familiale de Vezels-Roussy (Cantal). Mais le 9,5 sur 20 obtenu cette année-là a déclenché le courroux maternel et une sanction immédiate. Benjamin a été contraint à trouver un job d’été afin de se confronter aux réalités de l’existence. À 17 ans, il a ainsi rejoint Les Flots, un restaurant éphémère parisien du groupe Holder, par le plus grand des hasards relationnels. Car bien qu’étant né dans une pure famille d’Auvergnats de Paris, aucun de ses proches ne travaillait, de près ou de loin, dans la restauration. Son père était assureur et sa mère, Margaret Cartalade, ancienne pastourelle de la Ligue Auvergnate, est devenue une figure incontournable du Marché de Rungis, où elle exploite l’agence Rungis Voyages.
CHOUPINET, UN SURNOM
« En fait de punition, se souvient le jeune homme, j’ai adoré cette expérience, où je me suis beaucoup amusé. » C’est ainsi qu’est née une véritable vocation. Après une vingtaine d’années passées dans le monde de la nuit, puis à la tête de quelques adresses branchées de la capitale, il est depuis début juin gérant de sa première brasserie, Le Choupinet, sur le boulevard Saint-Michel, face à la place Edmond-Rostand. Cet emplacement de choix abritait autrefois l’enseigne Le Luxembourg. Benjamin Artis a ainsi acquis le fonds de commerce et injecté 700 K€ dans une rénovation totale de la brasserie, à laquelle il a donné un décor contemporain, aux tonalités végétales.
Les banques ont tardé à accepter de financer le projet. Mais le jeune restaurateur n’a pas dû trop forcer son talent pour convaincre le propriétaire des murs, puisque ce dernier n’est autre que son beau-père, Georges Cartalade, le mari de sa mère. Georges Cartalade n’a pas eu affaire à un ingrat, puisque Benjamin Artis lui a rendu hommage en baptisant la brasserie Le Choupinet, qui n’est autre que le surnom dont l’affuble sa femme dans l’intimité…
« Je passe beaucoup de temps à communiquer avec mes clients. »
Mais Margaret Cartalade aurait tort de se sentir tenue à l’écart, puisqu’en cas de réussite de ce projet, Benjamin Artis a déjà prévu d’en créer une seconde avec pour enseigne la Reine Mère, voire une troisième du nom de la Sale Mioche, censée faire honneur à sa sœur. Cette promesse a de fortes chances d’aboutir, puisqu’avec son off re renouvelée et son emplacement appréciable, Le Choupinet a démarré sur d’excellentes bases, avec des pointes le week-end, à 220 couverts par service. La brasserie bénéficie d’un beau potentiel. Ouverte de 8 h à 2 h du matin, du lundi au dimanche, elle dispose de 100 places assises et de 80 places en terrasse. La carte fait la part belle aux classiques de la brasserie. Une formule entrée + plat ou plat + dessert à 20 € permet de doper le service du déjeuner. Benjamin Artis découvre dans cette brasserie une facette particulière du métier qu’il ne connaissait pas encore : le débit de boissons. Dès ses débuts dans la profession, il a en effet été happé par le monde de la nuit et les restaurants à la mode. Étudiant en école de commerce, il est parvenu à décrocher un stage au Bus Palladium, l’une des enseignes de Philippe Fatien. Rapidement, ce dernier l’embauche comme directeur artistique de l’établissement. Peu de temps après, sa route a croisé celle du rugbyman Jean-Pierre Rives, à L’Île, puis de Laurent Taïeb, qui va lui confier un poste de manager au Kong. Par la suite, il va être amené à diriger de vastes établissements en vue, comme L’Arc ou Yeeels. Modeste, il estime que son ascension rapide tient d’abord à deux qualités simples : « Être honnête et sans addiction dans le monde de la nuit permet d’obtenir vite la confiance des responsables. » Mais Benjamin Artis possède un vrai don : un sens du contact humain inné et naturel. Il sait mettre à l’aise les clients, leur parler, comprendre leurs attentes. « Je suis un aubergiste avant tout, rappelle ce gaillard de deux mètres, qui semble considérer la vie avec un sourire perpétuel. Je passe beaucoup de temps à communiquer avec mes clients. Cette attention les rend heureux. C’est aussi ce dialogue qui me fait aimer ce métier. »
En bifurquant vers l’univers de la brasserie, Benjamin Artis a aussi noué avec quelques collègues auvergnats de Paris, comme Daniel Deconquand, propriétaire du Café de la Gare à Antony, qui réside dans le quartier. « Il me semblait le connaître, explique le restaurateur . Un jour, je l’ai abordé et nous avons sympathisé. Il passe souvent me voir et me donne de bons conseils professionnels, sur la façon de tirer un demi, par exemple ! »