Babette de Rozières, la cuisine créole en avant

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Cheffe depuis plusieurs décennies, Babette de Rozières est aujourd’hui reconnue comme une figure emblématique de la gastronomie créole. Tout n’était pourtant pas gagné d’avance pour la cuisinière guadeloupéenne. Mais elle a su s’imposer au fil des années dans le paysage culinaire et médiatique français.

Babette de Rozières
Babette de Rozières. Crédit DR.

Quand on rencontre Babette de Rozières, on est marqué par sa personnalité. La cheffe semble traverser les époques, grâce à un caractère bien trempé qui lui permet d’affronter l’adversité. Si elle est aujourd’hui une cheffe de renom, elle n’a pas toujours exercé ce métier. Tout a commencé pour la Guadeloupéenne à l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF). « C’est une bonne école. J’y ai fait tous les services », se souvient-elle.

Très vite, Babette de Rozières développe une envie de cuisiner, puis se passionne pour la gastronomie. Elle décide donc de se former à ce secteur. « Je voulais connaître les techniques de ce métier. Pour moi, c’est un travail qu’on apprend en faisant. » Elle s’entoure alors des meilleurs chefs, comme Joël Robuchon, qu’elle considère comme son mentor. Avant d’ouvrir plusieurs établissements, la cuisinière a tiré deux leçons de sa carrière à l’ORTF : « l’humilité et la confiance en soi ». Et il en a fallu. Bien que sa notoriété soit désormais établie, la septuagénaire n’a pas fait l’impasse de débuts compliqués.

À son arrivée dans les médias, Babette de Rozières a notamment été victime de racisme : « Les premières émissions que j’ai faites, je ne vous raconte pas le nombre de mots que j’ai reçu, du type “rentre dans ton pays” », confie-t-elle. Cependant, ces injures ne l’ont pas découragée : « J’étais déterminée à réussir. » Très vite, elle saisit l’enjeu de présenter les produits de son île natale, la Guadeloupe, et de ses territoires voisins. « En fait, quand j’ai commencé dans. les années 1970 et 1980, les gens ne connaissaient pas ces produits. Il fallait les éduquer à propos de l’outre-mer. »

Amener la Guadeloupe dans l’assiette

Depuis, elle en a fait son cheval de bataille. « Je me souviens de la première fois que j’ai apporté un citron vert sur un plateau. Personne n’avait jamais vu ce fruit de sa vie. » Que ce soit à travers les émissions de télé ou ses recettes, Babette de Rozières tient à cœur de représenter les Antilles. Ainsi, elle cette gastronomie s’est démocratisée et gagne de plus en plus d’adeptes. « Au début, les clients ne faisaient même pas la différence entre épicé et pimenté. Il a fallu leur apprendre qu’il y avait toute une culture des épices. Maintenant, ils demandent carrément du piment supplémentaire dans leurs plats », plaisante-t-elle.

Arrivée en métropole, j'étais la seule noire. Je ne me sentais pas comme la bienvenue.
Babette de Rozières, Cheffe à La Case de Babette, à Maule (Yvelines)

Babette de Rozières a en effet participé à populariser la cuisine créole. « Surtout, je tiens à démontrer ce que la cuisine créole a apporté à la culture culinaire française. La richesse de notre patrimoine gastronomique, c’est le fait que dans chaque région, on a des spécialités distinctes. » Pour ce faire, elle organise tous les ans le Sagasdom (Salon de la gastronomie des outre-mer), qui fêtera l’année prochaine ses 10 ans. Son engagement envers les outre-mer, Babette de Rozières le porte bien au-delà des cuisines. Elle a d’ailleurs écrit plusieurs ouvrages sur cette thématique.

Cheffe, mais également écrivaine

Notamment en 2013, où elle se lance le défi de publier les recettes de l’illustre écrivain Alexandre Dumas. « Quand j’en ai parlé à mon éditeur, il m’a prise pour une folle. Car personne ne sait qu’Alexandre Dumas a écrit des recettes, explique la cheffe. Qui plus est, beaucoup de personnes ne savaient pas qu’Alexandre Dumas était métisse. » Babette de Rozières est constamment dans la démarche de faire découvrir sa culture au plus grand nombre.

Aussi, elle s’engage en politique et devient, en 2015, élue régionale d’Île-de-France et déléguée spéciale à la Cité de la gastronomie. Au cours de son mandat, elle tente d’intégrer l’art culinaire dans différents lieux. « La première fois que j’ai discuté avec Philippe Bélaval [président du Centre des monuments nationaux, NDLR] d’amener la cuisine à l’Hôtel de la Marine, il était fermé à cette idée. » Puis, elle finit par obtenir gain de cause. Aujourd’hui, 14 ateliers d’initiation culinaire sont proposés dans cet édifice face à la place de la Concorde (Paris 8e).

La Case de Babette, son « havre de paix »

Malgré toutes ses activités annexes, la cuisinière n’en oublie pas son restaurant, La Case de Babette, où l’on se sent comme chez soi. Et pour cause, l’établissement se situe à même sa demeure, à Maule (Yvelines). « Maule est mon havre de paix. J’y fais ma cuisine créole saine. » Sa table yvelinoise se source uniquement au marché de Rungis (Val-de-Marne), où elle dit trouver toujours « son bonheur ». La cheffe cuisine avec des produits venus exclusivement d’outre-mer.

La Case de Babette propose les plats les plus connus et réconfortants de la cuisine créole : acras de morue, calalou ou encore tarte à la noix de coco. « Pour moi, un plat réussi est une assiette où on ne parvient pas à détecter les épices », décrit-elle. Les clients sont toujours au rendez-vous de son restaurant ouvert il y a une dizaine d’années. Et même à 76 ans, Babette de Rozières ne ralentit pas le rythme. « Je ne me vois pas du tout à la retraite, déclare-t-elle. Je ne sais pas rester en place. »

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