Aurore Bégué : la force tranquille

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Aurore Bégué, 43 ans, a accompli un beau parcours dans l’agroalimentaire avant d’épauler son père, Thierry, dans le développement du groupe de restauration familial qui détient notamment Chai 33. Ensemble, ils animent des établissements innovants en prenant toujours soin de les inscrire dans la durée.

Aurore Bégué est à la tête de trois établissements : Chai 33, Lombem et O Deck. Crédits : L'Auvergnat de Paris.
Aurore Bégué est à la tête de trois établissements : Chai 33, Lombem et O Deck. Crédits : L'Auvergnat de Paris.

La décontraction naturelle qu’elle affiche en permanence ne laisse pas présager qu’Aurore Bégué gère trois restaurants, et non des moindres. Chai 33, un imposant établissement thématique autour du vin, installé sur 1 500 m² à Bercy Village (Paris 12e) ; O Deck, une sorte de brasserie contemporaine positionnée sur un navire à Nantes (Loire-Atlantique) et Lombem, un restaurant plus modeste implanté dans l’écrin historique du passage des Panoramas (Paris 2e). À cet ensemble s’ajoute Jab & Baker, qu’elle exploite à Vélizy 2 (Yvelines) en association avec Jonathan Jablonski, fondateur de Factory & co. Ce concept, sur 650 m², propose des pizzas, des burgers et des viandes cuites au charbon de bois. Pour tenir compte des évolutions de la consommation, il se dédouble avec une formulefast casual, restauration rapide et saine, au rez-de-chaussée et un restaurant avec service à table, à l’étage.

Autre point commun avec son associé, la jeune entrepreneuse est vice-présidente du Leaders Club, association de restaurateurs présidée par Jonathan Jablonski. D’ailleurs, Thierry Bégué, le père d’Aurore, avait présidé la structure au début des années 2000. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans les pas de son géniteur, qu’elle appelle Thierry.« Comme nous travaillons ensemble, ce serait un peu ridicule de l’appeler Papa devant les équipes »,se justifie-t-elle. Il faut reconnaître que l’écart générationnel entre le père et la fille est étroit, puisque seulement 21 ans les séparent.

Passer le flambeau

Aurore travaille avec son père depuis une dizaine d’années. Elle a rejoint le groupe familial au moment de la création d’O Deck, à Nantes.« Je n’ai guère pesé sur la définition du concept. Monpère l’avait déjà défini dans les détails,avoue-t-elle.En revanche, je suis davantage intervenue sur Lombem, le restaurant de viande, même si là encore le travail de création était collégial. »

Mon père ne souhaitait pas qu'on lui succède.

Si le passage de témoin entre le père et la fille se déroule sans heurts chez les Bégué, c’est sans doute parce que la jeune femme a fait ses preuves avant de revenir au bercail. Ingénieur chimiste, titulaire d’un master de marketing, elle a débuté comme chef de marché CHR chez Danone avant de diriger le marketing des eaux Badoit, Salvetat et Evian. Elle s’est ainsi affirmée professionnellement durant une dizaine d’années.« Au départ,raconte-t-elle, mon père ne souhaitait pas qu’on lui succède. Il avait bâti lui-même sa réussite à la force du poignet et voulait que nous réussissions dans une autre voie. »Pourtant aujourd’hui, Aurore est venue épauler non seulement le groupe familial, mais aussi Matthieu, le fils de Thierry Bégué qui, lui aussi, a accompli un beau parcours professionnel avant de prendre en main la direction financière et les ressources humaines des trois restaurants.

Des établissements emblématiques

Il faut rappeler que Thierry Bégué s’est révélé comme une personnalité majeure de la restauration parisienne en créant avec Raymond Visan des établissements emblématiques tels que le Barfly, le Barrio Latino ou encore le célèbre Buddha-Bar. Adolescente, Aurore Bégué se souvient d’avoir travaillé au service du Barfly, côtoyant les stars de l’époque qui fréquentaient le lieu.« Mes copines à l’école me regardaient comme une extra-terrestre »,confie-t-elle.

En entreprenant sa carrière en solo en 2002, Thierry Bégué a voulu créer des établissements inscrits dans la durée. Le Chai 33 qui a vu le jour à cette période, a vécu des démarrages difficiles dans une zone commerciale qui a peiné à trouver sa vitesse de croisière. Mais le concept fort, articulé autour du vin, bénéficiait d’une légitimité historique dans ce quartier. L’idée de vendre les bouteilles avec des codes couleurs sans se soucier des AOC, était en avance sur son temps et le temps a donné raison à l’entrepreneur.

Une vision pour l’avenir

Chai 33 emploie actuellement 50 à 60 personnes selon les saisons. En 2019, il réalisait un chiffre d’affaires de 6 M€. À Nantes, O Deck a éprouvé aussi des difficultés au départ, dans un quartier en devenir. Mais au fil des années, l’établissement s’est révélé une valeur sûre de la restauration locale.« Mon père a la capacité de comprendre les choses avant qu’elles arrivent et d’anticiper »,analyse Aurora Bégué.

Cette anticipation permanente a permis à la famille Bégué de développer en vingt ans un groupe solide. Si la crise a constitué pour eux un véritable défi, elle n’a été vécue que comme un drame profond par Aurore Bégué :« Cette pause nous a permis de réfléchir et si on sait tourner ces difficultés en opportunité, c’est positif. Nous avons accentué la responsabilisation des équipes à chaque niveau de hiérarchie et on s’est organisés pour préserver ce recul et notre capacité de réflexion. Aujourd’hui, je crois qu’on est plus forts ! »

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