Benjamin Patou, l’empereur de la fête

  • Temps de lecture : 4 min

En une dizaine d’années, Benjamin Patou a créé un solide groupe de restauration lié à la fête et au luxe. Lors de chacune de ses acquisitions, il parvient à mettre en place un bon dosage alchimique entre ambiance et gestion, qui permet à l’établissement de surperformer.

Benjamin Patou est devenu l’une des coqueluches de la presse people. Il en a presque fait oublier le prénom de son arrière-grand-oncle, Jean Patou, célèbre couturier du début du XXe. Début février, il inaugurait La Fontaine Gaillon, en compagnie d’un aréopage de célébrités. Le mois n’était pas encore terminé qu’il apparaissait en photo en compagnie de Jean Dujardin, Jean-Paul Belmondo, Pierre Richard et Antoine Duléry, attablé au Bœuf sur le toit. Au printemps, il rouvre Créatures, sur le toit des Galeries Lafayette. Le 24 mai, il inaugurera un restaurant au Musée d’art moderne. Mi-juin, il retournera sur le toit des Galeries Lafayette pour présenter Portuga, un restaurant permanent. Le 6 juillet, il dévoilera un restaurant dans l’Hôtel de la Marine. Au mois d’août, il s’aventurera en terre inconnue pour lui, en province, à La Part- Dieu de Lyon, pour l’ouverture de Food Society, un food court d’un nouveau genre de 2 500 m² accueillant 14 kiosques. Une autre version plus vaste de ce concept devrait voir le jour en janvier, à Montparnasse. Auparavant, Benjamin Patou aura eu le temps de dupliquer Manko, son restaurant de l’avenue Montaigne, au Luxembourg. Une version de cet établissement fonctionne également à Doha, au Qatar.

10 % DE CROISSANCE PRÉVUS EN 2020

À 42 ans, cet entrepreneur est à la tête d’une trentaine de grands restaurants. Il emploie 1 000 personnes et son holding, Mona Group, réalise un CA de l’ordre de 100 M€ et table sur une croissance supérieure à 10 % en 2020. L’origine de sa réussite peut laisser pantois tous ceux qui mettent en garde leurs enfants contre un goût immodéré de la fête. Adolescent, à Neuilly, Benjamin Patou avait acquis une belle notoriété de disc jockey. Les soirées de la jeune bourgeoisie locale se disputaient sa présence en l’appâtant financièrement. « Certaines semaines je gagnais jusqu’à 5 000 francs », assure-t-il. Ce genre de débuts dans la vie ne motive guère à des levers matinaux. Benjamin Patou aurait pu continuer longtemps à mener cette douce existence de cigale s’il n’avait pas rencontré sa femme qui, selon lui, l’aurait mis en demeure de choisir un vrai métier. Logiquement, il s’est orienté vers une profession pas trop éloignée de ses compétences en créant une agence événementielle. Très vite, il comprend que la réussite durable de ce métier est étroitement liée au contrôle de lieux d’exception.

« Une adresse doit surperformer à 130 % »

C’est ainsi qu’il acquiert une première grande salle en 2010 pour y créer Le Globo. Les acquisitions vont rapidement s’enchaîner, comme le Bus Palladium, L’Arc. En 2013, il rachète L’Étoile, rue de Presbourg, et donne naissance au Victoria, qu’il a ensuite décliné à Saint-Barth et à Saint-Tropez. On le voit même mettre la main sur une institution comme Lapérouse, elle aussi récemment rénovée après travaux. Au fil des acquisitions, l’événementiel est passé au second plan. 60 % de la fréquentation de ses établissements sont assurés par la clientèle privée. Il avoue franchement « qu’Olivier Bertrand est son modèle. J’admire la stratégie de segment et de marques, qu’il a mis en place en développant des concepts et des unités différents ». Il a d’ailleurs racheté deux restaurants de l’entrepreneur auvergnat, La Gare et Bœuf sur le toit. Ce faux dilettante qui ne se montre pas avare de son temps, développe son groupe au pas de charge. « Le problème de la restauration, explique-t-il, c’est que ce métier est soit pratiqué par de grands professionnels méticuleux et exigeants, soit par des artistes. Mais dans les deux cas, un restaurant qui « marche », ce n’est pas assez rentable. Pour moi une adresse doit surperformer à 130 % ». C’est en partant de ce constat qu’il a réussi à concilier la féerie artistique des lieux et la rigueur de la gestion.

Pour assurer cette fréquentation et un rythme de développement soutenu, ce patron sait s’entourer. Son vice-président, Vincent Labrune, a été le patron de l’OM. Pour chaque ouverture, Benjamin sort du chapeau un chef de renom, comme Marc Veyrat pour Rural et La Fontaine Gaillon, ou Jean-Pierre Vigato, à la Pérouse. Il assure ses appuis en choisissant ses associés dans le show-business (Patrick Bruel au Bœuf sur le toit, Garou au Manko) ou dans le CAC 40 (Antoine Arnault, de LVMH, à la Pérouse ou Guillaume Houdré des Galeries Lafayette, à La Fontaine Gaillon). En outre, depuis 2016, Moma Group peut s’adosser au groupe Lucien Barrière, qui détient 48 % de ses parts. Celui que beaucoup de magazines qualifient de « roi de la nuit parisienne » déteste ce sobriquet. Il conduit ses enfants à l’école le matin et mène une vie sans excès. Il met un point d’honneur à déjeuner quotidiennement dans l’un de ses restaurants et y est peu présent la nuit, en dehors des opérations de contrôles aléatoires qu’il effectue de temps à autre. Les coulisses du monde de la fête de la capitale seraient-elles aux mains d’un bon père tranquille ?

PARTAGER