C10 : « 2021 sera très dur, mais nous restons optimistes »

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Chaque semaine, L’Auvergnat de Paris et La Revue des Comptoirs donnent la parole aux restaurateurs, cuisiniers, pâtissiers, syndicats, fournisseurs et distributeurs, tous impactés par les nouvelles mesures sanitaires et la deuxième vague de la Covid-19.

Laurent Tribouillet, Guillaume de Marcellus, C10
Laurent Tribouillet, Guillaume de Marcellus, C10. Crédit : La Revue des Comptoirs.

Laurent Tribouillet est président de la Centrale européenne de distribution (C10), et Guillaume de Marcellus en est le directeur général.  

Comment réagissez-vous à la fermeture totale des restaurants ?

Laurent Tribouillet : Nous avons le sentiment deux poids deux mesures. Nos clients sont particulièrement impactés, touchés et ciblés, pas forcément de façon juste au regard des clusters : il n’y en pas beaucoup plus chez nos clients que dans le métro parisien par exemple, ou les grandes surfaces. Les restaurateurs ont fait des investissements importants pour s’adapter à la Covid, avec des mesures très précises dans leurs points de vente, pour respecter le protocole sanitaire renforcé, qui parfois semblait manquer de cohérence. Cette nouvelle fermeture est d’autant plus difficile à supporter en sachant qu’on a réussi à atténuer les impacts de la première et du couvre-feu… Tout cela fait que ce deuxième confinement est tout simplement destructeur. 

Guillaume de Marcellus : Cette deuxième vague est un coup dur pour nos clients, très clairement aussi pour les entreprises qu’on représente et qu’on porte. Quand nos clients sont fermés, nos entreprises le sont aussi. Cette filière a été la première porte close et semble être la dernière qui rouvrira. Je connais peu de secteurs qu’on attaque de cette manière. On a fait ce qu’il fallait pour que nos établissements et ceux de nos clients respectent le mieux les gestes barrière, mais cela semble ne pas avoir suffit.

Quel est l’impact sur votre activité ?

Laurent Tribouillet : C’est 95 % de CA en moins lors d’un mois de fermeture. Les 5 % qui restent sont les obligations avec les marchés d’État, les militaires, les hôpitaux, les maisons de retraite, et un peu les ventes à emporter. Mais cette dernière répond à un besoin de se nourrir et n’a rien à voir avec le coeur de notre métier qu’est la convivialité. On a aujourd’hui que des coûts et aucune rentabilité. Au total, presque 100 % de nos adhérents ont mis leurs équipes techniques, commerciales et livraison en activité partielle.

Vos entreprises sont-elles menacées aujourd’hui ?

Laurent Tribouillet : Globalement, le réseau accompagne, épaule et conseille ses adhérents pour franchir la crise. En revanche, la trésorerie de nos entreprises, bien que renforcées par les PGE, se détériore en raison de nombreux facteurs, notamment le fait que nous ayons des produits avec des DDM, qui deviennent des pertes quand ces dernières sont échues. Aujourd’hui on accompagne, mais on sait que si la crise dure trop longtemps il y aura des conséquences néfastes pour notre métier.

Guillaume de Marcellus : La deuxième période de confinement est très compliquée, la plupart de nos adhérents ont obtenu les PGE. La vraie difficulté est que le cercle vertueux de notre système est en train de se bloquer. On sait que le niveau de trésorerie en février sera très compliqué si on a pas pu obtenir ce dont on avait besoin auprès des organismes bancaires. Nous nourrissons de réelles inquiétudes pour le premier semestre 2021.

En parlant de 2021, comment voyez-vous l’année à venir ?

Guillaume de Marcellus : Nous avons des projections à – 20 % de chiffre d’affaires pour 2021. Mais la résilience du secteur des CHR est fabuleuse. Nos clients se bougent pour mettre des choses en place. J’ai été très rassuré par leur adaptabilité et leur volontarisme au sortir du premier confinement, lorsqu’ils ont préempté l’espace public pour mettre en place des points de vente par exemple. Si j’ai deux points d’optimisme, voilà le premier. Le deuxième est le fait que nos entreprises sont souvent familiales, entrepreneuriales et indépendantes depuis plusieurs générations. On est persuadé que si notre schéma est le bon, on va faire le dos rond mais notre politique fonctionnera.

Laurent Tribouillet : Nous attendons de la filière qu’elle soit très responsable pour sauvegarder nos métiers du café-bar-brasserie. On sait qu’on aura perdu des clients, 15 % d’après nos estimations. Le report de la consommation de 2020 à 2021 n’est pas gagné. Toutes les commandes qui n’ont pas été réalisées, le chiffre d’affaires qui n’a pas été fait, tout est perdu. En outre, nous n’avons pas eu d’effet report car nous n’avons pas un pied en GMS. Nous sommes spécialisés, c’est notre identité. Nous aurons donc besoin d’être accompagnés sur cette image de marque.

Quelles initiatives allez-vous prendre ou avez-vous prises en soutien de vos clients ?

Laurent Tribouillet : On en porte une avec notre appel à l’ensemble des acteurs de la filière pour soutenir nos clients dans l’année qui vient pour maintenir toutes les aides qu’on leur apporte habituellement. On souhaite que nos fournisseurs nous accompagnent dans cette aide, comme cela l’a toujours été. Nous sommes leaders du marché, donc responsables de notre marché.

Guillaume de Marcellus : Une filière malmenée, un consommateur qui va se retrouver dans une difficulté de pouvoir d’achat, des points de vente supprimés, l’urgence est de veiller à ce que tout le monde sorte de cette situation difficile. En parallèle, nous travaillons sur un soutien digital pour nos adhérents. Nous sommes en train d’installer un système de portail avec la fonctionnalité de commande en ligne. 25 de nos entreprises l’utiliseront d’ici fin 2020 dans leurs relations avec leurs clients. Enfin, nous continuons à asseoir notre politique de développement durable, avec la labellisation de nos entrepôts, le ramassage du verre… Nous communiquerons très prochainement sur un nouveau baromètre RSE. On a toujours dit que le monde d’après ne sera pas le même : il y a un certain nombre de points cruciaux qui sont en train d’évoluer.

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