Cédric Villani, la stratégie de l’araignée

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[Article mis à jour le 30 janvier 2020] Mathématicien de renommée internationale, né à Brive-la-Gaillarde, Cédric Villani a pris goût à la politique après son élection à la députation dans l’Essonne. Il brigue désormais la Mairie de Paris et croit fermement aux vertus de la stratégie qu’il a mise en œuvre. Fraîchement exclu de LREM, il persiste.

Cédric Villani
Cédric Villani. Crédit L'Auvergnat de Paris.

Pour les élections municipales de mars, le Cantalien Pierre-Yves Bournazel apparaissait, comme le mieux placé pour porter les couleurs du Massif central. Mais s’étant finalement rangé derrière Benjamin Griveaux, c’est Cédric Villani qui assume le rôle du candidat auvergnat de Paris. Ce mathématicien devenu homme politique est en effet né à Brive-la-Gaillarde où il est resté jusqu’à l’âge de 7 ans. Si ses origines sont aussi pieds-noirs, voire corses et même grecques ; il faut reconnaître qu’il fait preuve d’une détermination toute corrézienne.

Faisant fi des choix des instances de LREM, il s’est maintenu face à Benjamin Griveaux pour mener sa campagne parisienne presqu’en solitaire. Il a dû, en un temps record, constituer une équipe de campagne, lever des fonds, trouver les 500 candidats qui constitueront ses listes dans les 17 arrondissements de la capitale et écrire un livre, Le Nouveau Paris, qui préfigure son programme et dans lequel il propose de « rallumer la Ville lumière ». On pouvait augurer que Benjamin Griveaux, qui bénéficie du soutien entier de LREM, allait rapidement le distancer. L’ancien porte-parole du Gouvernement, qui engrange pourtant les appuis de poids lourds du Gouvernement, peine à décoller dans les intentions de vote. Un sondage Ifop publié le 19 janvier par le JDD le donnait en 3e position avec 15 % des suffrages. Certes 5e, Cédric Villani est loin d’être marginalisé et résiste, avec 13 %, à deux points du candidat LREM et à un point de l’écologiste David Belliard. Il lui reste désormais un mois et demi pour renverser la vapeur.

La médaille Fields


Pourtant, Cédric ne doute pas un instant qu’au soir du 22 mars, il pourra s’asseoir dans le fauteuil de Maire de Paris. Pour accomplir cet exploit, il devra résoudre une équation aussi compliquée que celles qu’il a élucidées pour obtenir la médaille Fields, le bâton de maréchal des mathématiciens. Ce Graal des surdoués du théorème doit être atteint avant 40 ans. Attribué au compte-gouttes (4 médailles tous les quatre ans), il a couronné un nombre appréciable de Français. Cédric Villani a été primé en 2010, à l’âge de 36 ans. « J’ai été médaillé d’extrême justesse pour des travaux de physique statistique publiés la même année ; c’était millimétré » explique-t-il avec modestie.

Il reconnaît que cette récompense a changé sa vie. Non seulement sa notoriété a dépassé le simple cadre de la communauté scientifique, mais il s’est dès lors investi dans un travail de vulgarisation des mathématiques dans la société. Il a ainsi écrit des ouvrages avec diverses personnalités, comme Comment conjuguer passion et création, cosigné avec l’écuyer Bartabas. Il est nommé à la direction de l’Institut Henri-Poincaré, milite pour une Europe fédéraliste. En 2014, sollicité par son ami Jean-Louis Missika, il devient président du comité de soutien à Anne Hidalgo. Homme-orchestre, doué d’une capacité de travail impressionnante, il parvient à mener toutes ces tâches de front. « Quand j’entreprends quelque chose, j’y vais à fond », assure-t-il. 

« Quand j’entreprends quelque chose, j’y vais à fond »


Ses adversaires à la municipale auront sans doute remarqué la ténacité de cet homme. Il sait pertinemment que son apparence de héros de Peynet, soigneusement cultivée, renforce sa réputation d’ovni politique. Pour cette campagne, il a accepté de sacrifier sa lavallière et a adopté une coupe de cheveux plus classique. Il conserve néanmoins sa broche araignée, qu’il arbore à la boutonnière. Comme l’araignée, il s’accroche à la paroi et tisse sa toile. Benjamin Griveaux est déjà en train de s’y débattre. La menace d’exclusion de LREM qui planait sur Cédric Villani témoignait sans doute de l’affolement du candidat officiel. Ce mercredi 29 janvier, après un entretien avec Emmanuel Macron, il sera définitivement écarté du parti. 

Cédric Villani est venu à la politique à reculons lors des législatives de 2017. Il a d’abord refusé les sollicitations de LREM avant d’y céder et d’emporter un siège dans l’Essonne avec un score flatteur. Sa législature a été marquée par deux rapports, l’un sur l’enseignement des mathématiques et l’autre sur l’intelligence artificielle. Désormais, le fauteuil de la maire de Paris est dans sa ligne de mire. Il critique la gestion hasardeuse d’Anne Hidalgo, ses atermoiements, ses échecs en matière de Vélib, d’Autolib, de plan Vélo. Il ne se positionne « ni à droite, ni à gauche, ni au centre » et ni dans la lune, comme certains le pensent. Les grandes lignes de son programme sont déjà détaillées et chiffrées. Il plaide pour une meilleure clarté budgétaire, pour un Grand Paris cohérent, avec des « synergies solides » entre la capitale et sa couronne. Il nourrit également un grand dessein écologique, auquel il veut consacrer un investissement de 5 Md€. Il se dit prêt à créer une police municipale de 4 500 agents. Ce faisant, il parie sur un programme concret, novateur et estime que cet argument est aujourd’hui plus efficace que les prises de posture politiques. Premier élément de réponse le 15 mars. 

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