Classique, mais efficace!

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Depuis vingt-sept ans, Maurice Kassouri exploite Le Bistro du Parisien, à Paris. Il a prouvé la solidité de ce concept en rencontrant le succès sur deux adresses différentes. Ainsi, il démontre que les restaurants classiques ont encore de beaux jours devant eux, pourvu qu’on les gère avec rigueur et professionnalisme.

Au fond du 20e arrondissement, rue Pelleport, la pimpante devanture de l’établissement attire le regard. Le Bistro du Parisien amène un peu de fraîcheur dans ce quartier où de grands immeubles gris semblent accaparer tout l’espace. C’est un des endroits choisis par l’écrivain Michel Houellebecq pour poser le décor de plusieurs pages de son dernier best-seller, Sérotonine. L’univers contrasté de ce restaurant a dû taper dans l’œil du célèbre écrivain. À la tête de cette oasis de convivialité, on trouve Maurice Kassouri. Cet homme de 62 ans est un restaurateur chevronné qui affiche déjà quarante-six années de métier au compteur. Il a en effet débuté à 16 ans comme commis de salle à l’Auberge du père Louis (Paris 9e). « Les études ne voulaient pas de moi », commente-t-il, philosophe. Auparavant, il avait déjà fait quelques saisons durant les vacances scolaires dans des hôtels d’Arcachon et ressentait une vocation pour le service en salle.

L’épisode Lenôtre

Très rapidement, en début de carrière, il est parvenu à intégrer l’équipe de serveurs du Pré catelan. Il a vu Gaston Lenôtre arriver dans l’adresse et prendre en main le lieu. Maurice Kassouri est fier d’avoir servi dans cette prestigieuse maison. Aujourd’hui, avec le recul, il regrette d’avoir quitté si tôt cet emploi : « J’étais jeune et impatient. Francis Vandenhende, le bras droit à l’époque de Gaston Lenôtre, tardait à me promouvoir maître d’hôtel. Je me suis alors laissé griser par un ami qui m’avait promis une belle place à L’Orée du bois. Finalement, cela n’a pas duré très longtemps. » Pourtant, le jeune homme va vite se relancer en décrochant son premier poste de maître d’hôtel dans le restaurant Hippolyte, à la Défense. Nous sommes alors dans les années 1980, la restauration connaît une belle expansion et les bons professionnels montent vite en grade. Lorsqu’il intègre le groupe Casa Nostra, Maurice Kassouri est amené à diriger le restaurant du casino de Dieppe. « Je n’avais pas de formation hôtelière, explique-t-il. Je suis un pur autodidacte. » De retour à Paris, il dirige durant cinq ans le Pub Love, à la Défense, et commence sérieusement à rêver d’ouvrir son propre restaurant. C’est une brochure sur l’ouverture du centre commercial Amiens 2 qui le pousse à franchir le pas. Associé avec quelques amis, il parvient à réunir l’investissement pour créer un restaurant sur cette zone. Mais très vite, les associés ne s’entendent pas sur la stratégie et Maurice Kassouri préfère revendre ses parts pour repartir sur Paris. « Je voulais absolument me lancer seul pour ne plus avoir à composer, raconte-t-il. J’avais peu de moyens, mais heureusement les Maisons Richard et Tafanel m’ont fait confiance. J’avais déjà travaillé avec eux lorsque je dirigeais un restaurant à la Défense. Je me suis toujours souvenu de ce soutien dans les moments difficiles. C’est la raison pour laquelle je suis fidèle à ces fournisseurs depuis quarante ans. »

« Le bistrot classique plaît toujours »

C’est ainsi qu’en 1992, Maurice Kassouri s’installe rue Moret (Paris 11e) dans un restaurant de 40 pla- ces assises qu’il rebaptise Le Bistrot du Parisien. Il va vite connaître le succès. Quatre ans plus tard, il peut s’offrir le petit bar voisin et agrandir son restaurant. « Pour réussir dans ce métier, pas la peine de chercher des concepts très compliqués. Le bistrot classique plaît toujours. Mais il faut être professionnel, c’est-à-dire savoir proposer un décor, un accueil, une cuisine simple, mais réalisée avec des produits frais. » Le restaurateur rappelle qu’il faut aussi deux qualités indispensables : le sérieux et la rigueur. Il ne manque jamais un service et reste attentif aux moindres détails. Il est généralement présent dans son établissement de 9h à minuit, mais n’estime pas être surchargé de travail : « J’étais habitué à ce rythme dans ma jeunesse. Chez Lenôtre, 6 jours sur 7, nous débutions à 9h pour mettre en place la salle et nous ne quittions pas Le Pré catelan avant 2h du matin. Cela nous paraissait naturel. Il y avait une bonne ambiance et nous gagnions de l’argent en conséquence. » Grisé par le succès de son adresse de la rue Moret, Maurice Kassouri tente sa chance rue Oberkampf au début des années 2000 en y exploitant parallèlement un bar. Il essuie alors un demi-échec. « La limonade, ce n’est pas mon truc. Même dans mon restaurant actuel, ma licence IV me sert peu. Ce bar de la rue Oberkampf, je ne pouvais m’en occuper personnellement et je n’ai jamais trouvé les bonnes personnes pour le gérer. Au bout de quatre ans, j’ai décidé d’arrêter l’aventure et de le revendre. » Cet entrepreneur sent pourtant qu’il a besoin de relever un nouveau défi. En 2012, il cède son restaurant de la rue Moret, mais conserve son enseigne avec l’idée de la transporter ailleurs. « J’étais arrivé au bout d’un cycle, raconte-t-il. Le restaurant fonctionnait bien. Je pouvais difficilement faire mieux. En outre, je suis resté propriétaire des murs. »


Le déménagement

Durant ses allers-retours domicile travail, le restaurateur passait souvent rue Pelleport. Il avait repéré inconsciemment de longue date le restaurant qui deviendra le sien. Ce qui était d’abord une pizzeria avait été transformé en bistrot. « Je voyais bien qu’il y avait peu de clients. Mais à chaque fois que je passais devant, je me disais qu’il y avait quelque chose à faire : améliorer le décor, la lumière et la visibilité. C’est une des ficelles du métier. Il faut être attractif de l’extérieur pour donner envie aux clients de pousser la porte. Une fois qu’ils sont entrés, c’est à vous de jouer et de faire en sorte de les fidéliser. » En visite chez Century 21 Horeca pour rechercher un nouvel emplacement, un conseiller évoque devant lui un bistrot en vente rue Pelleport et Maurice Kassouri réalise très vite qu’il s’agit de l’établissement qu’il avait repéré. Il n’hé- site pas longtemps avant de racheter l’affaire. « Les fondamentaux étaient au rendez-vous : un volume et un angle de rue. Le quartier peut paraître manquer d’animations, mais autour, il y a de nombreuses habitations et des bureaux. » À peine entré dans les murs, le patron applique les recettes qui lui ont valu le succès rue Moret. Ce passionné de brocante met en place un vrai décor de bistrot, articulé autour d’un grand comptoir en étain signé Nectoux. Pour animer la longue salle, il dispose un écran blanc sur lequel il diffuse un film muet de Charlie Chaplin. En cuisine, il a positionné son fidèle chef, Kamel Mtinet, qui le suit depuis près de trente ans et avec lequel il s’entend à merveille. Il se fournit presque exclusivement chez Metro Bobigny, sauf en ce qui concerne les fruits et légumes, livrés par François la Patate. Et il n’a pas fallu longtemps pour que la greffe du Bistro du Parisien prenne rue Pelleport. Aujourd’hui, Maurice Kassouri y réalise un chiffre d’affaires pratiquement équivalent à celui de son ancien établissement. Mais au-delà des considérations financières, il a contribué à créer un espace de convivialité dans un de ces quartiers de Paris un peu oubliés.

« Il faut être attractif de l’extérieur pour donner envie aux clients de pousser la porte. »

Le Bistro du Parisien 31, rue Pelleport 75020 Paris

Le décor reprend les codes typiques du bistrot.

Un comptoir signé Nectoux

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