De la gastronomie au zinc

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Cette Aveyronnaise de 57 ans a œuvré toute sa vie dans les métiers du CHR. Après avoir débuté sa carrière dans l’hôtellerie, Valérie Roustan a lancé un restaurant gastronomique au début des années 1990. Souhaitant retourner à son premier amour, le zinc, la tenancière a pris les rênes du Milan en 1999. La maîtresse des lieux fête ainsi cette année ses 20 ans à la tête de cette brasserie située non loin de la gare Saint-Lazare.

Si Valérie Roustan s’est d’abord orientée vers le monde de la publicité par le biais d’un BTS Pub, elle est très vite retournée à sa première passion, la restauration. Un virus probablement inoculé par son oncle, qui a connu une longue carrière dans le CHR. Valérie Roustan détient ses origines aveyronnaises de son père. « Il était charbonnier à Paris et mes arrière grands-parents étaient porteurs d’eau. Mon oncle était dans la restauration ; il m’a donné le goût du métier. Il a écumé plusieurs brasseries avant de reprendre un restaurant à Moulins, le Castel du Valrose », se souvient la gérante du Milan. Son principal leitmotiv ? Le contact avec la clientèle. « J’avais aussi un ami dont les parents tenaient une brasserie, le Saint-Malo, à République. Je venais souvent l’aider durant l’été. Puis, j’ai voulu me perfectionner et je suis partie dans une école hôtelière en Suisse, à Genève », ajoute-t-elle.

Trois ans plus tard, elle regagne finalement Paris et rejoint le Sofitel de La Défense, en 1987 : « Je n’y suis restée que deux ans. En tant que femme, ce n’était déjà pas évident. Alors j’ai décidé de m’installer à mon compte , je ne voulais plus travailler pour un patron, mais voler de mes propres ailes. J’ai lancé un restaurant gastronomique, le Gerveix, en 1989. » Auparavant, cet établissement était baptisé Chez Linda. Véronique Roustan l’a racheté avec sa mère et l’a conservé durant neuf années. Ce restaurant intimiste offrait une trentaine de couverts. À l’époque, il était fréquenté par de nombreux artistes, à l’instar de Léon Zitrone, Mireille d’Arc, Dave. « Nous avions une très belle clientèle ; c’était un lieu de vie très familial. Mais l’activité de restauration pure me fatiguait un peu, cela manquait de contact avec la clientèle. Le zinc me manquait aussi, alors avons vendu l’affaire en 1998 », détaille Valérie Roustan. La patronne jettera son dévolu sur le Milan, une brasserie à l’angle de la rue de Milan et de la rue d’Amsterdam, à proximité de la gare Saint-Lazare, dans le 9 arrondissement. Voilà vingt ans que la tenancière y séduit ses clients. Elle pilote l’affaire avec son compagnon, Daniel, qui travaillait auparavant dans l’imprimerie. Ce dernier a rencontré Valérie Roustan au Milan, où il avait ses habitudes. L’homme évolue depuis de l’autre côté du comptoir.

Des débuts difficiles

On dit que le milieu de la restauration peut être difficile pour les femmes ; il l’était encore davantage à la fin des années 1990. La petite équipe de la brasserie, déjà en place depuis plusieurs années, lui a réservé un mauvais accueil. Le chef de l’époque jouait de son ancienneté pour imposer ses vues. « Je connaissais mal l’univers du bar et j’appréhendais notamment l’usage de la machine à café. J’ai appris sur le tas et il m’a fallu une phase d’acclimatation. Il y a beaucoup de passage, donc beaucoup de cafés à sortir ! », sourit-elle. Le chiffre d’affaires se divise aujourd’hui à parts égales entre le bar et le restaurant. Au Milan, les plats de tradition bistrotière priment. On y trouve de la blanquette de veau, de la tête de veau ou encore du tartare de bœuf. En entrée, les fameux harengs pommes à l’huile et l’œuf dur mayonnaise sont mis en avant. La décoration de l’établissement semble figée dans le temps. On y aperçoit des photos de films chers à Valérie Roustan. En vingt ans, le Milan a connu plusieurs vagues de travaux. Un zinc de la maison Nectoux habille le comptoir. Certains murs et autres piliers laissent aujourd’hui entrevoir de vieilles pierres et apportent un aspect brut. L’activité est très variable depuis les mouvements sociaux qui ont animé la capitale ces dernières semaines. « Parfois, nous faisons 40 couverts par jour, parfois 20… Les Gilets jaunes sont passés par là et ont durablement ralenti l’activité », explique la tenancière. Si un chef est présent le midi pour assurer le service, le soir, c’est Valérie Roustan qui passe aux fourneaux. Le dressage est différent et les habitués l’ont remarqué : « Je le fais par plaisir, j’adore cuisiner. J’ai utilisé les connaissances que j’ai acquises en Suisse. Cela m’a beaucoup aidé à m’imposer dans ce milieu très masculin ».

« Il y a une dimension populaire, ici »

Le ticket moyen avoisine ainsi 20 € midi comme soir et le plat du jour est facturé en moyenne 14,20 €. Valérie Roustan travaille avec les maisons Tafanel et Richard. « Nous vendons beaucoup de côtes-du-rhône ; il y a une dimension populaire, ici. Le soir, beaucoup de jeunes viennent également consommer des bières. Nous ne pratiquons pas d’happy hour, mais vendons parfois les consommations au prix du bar », détaille Valérie Roustan. Le Milan dispose d’une quarantaine de couverts à l’intérieur et de 15 places assises en terrasse.

Dévouée à la clientèle

Au Milan, Valérie Roustan dispose d’un petit piano, d’une friteuse, d’un grill et d’un four. « Nous réalisons tout nos plats maison, avec des produits frais. Je travaille avec le même boucher à Rungis depuis vingt ans. Je suis fidèle à mes fournisseurs. Aujourd’hui, nous nous faisons livrer, mais par le passé, j’allais à Rungis tous les matins pour mon restaurant gastronomique. Mais les journées étaient trop longues, alors j’ai opté pour la livraison », explique-t-elle. Les horaires d’ouverture et de fermeture de l’établissement sont dictés par la clientèle. Tant qu’il y a des consommateurs dans son établissement, Valérie Roustan ne baisse pas le rideau. Mais le quartier est « parfois difficile à travailler » : les jeunes sont des aficionados de plats à emporter et la concurrence avec les sandwicheries est rude. « Ils délaissent les bistrots », soupire Valérie. Cette dernière doit aussi composer avec une clientèle de bureau nettement moins présente que par le passé. Beaucoup d’entreprises ont déménagé et la zone concentre aujourd’hui les locaux de plusieurs start-up dont les salariés sont davantage adeptes de Deliveroo que de la cuisine traditionnelle de la patronne du Milan. Cette dernière songe petit à petit à la retraite. Après la vente de son fonds de commerce, elle entend rejoindre le haras familial en Normandie. Le Milan est en effet une affaire d’angle convoitée : elle dispose d’un bon emplacement et la valeur du fonds de commerce n’a cessé de grimper.

Le Milan

48, rue d’Amsterdam – Paris 9e

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