Didier Miquel : l’Aveyron au cœur

  • Temps de lecture : 4 min

Très attaché à la terre où il a vécu durant sa petite enfance, Didier Miquel est issu d’une famille aveyronnaise installée à Paris dans les années 1950. S’il reste le patron du bar Le Mistral, son activité principale s’est orientée ces dernières années vers la viticulture… en Aveyron.

Didier Miquel
Didier Miquel. Crédits : Au Cœur des Villes.

Entre le quartier de Belleville et l’Aveyron, Didier Miquel a été tiraillé presque toute sa vie entre deux univers distincts. C’est au fond d’une salle du Mistral (Paris 20e), le bistrot familial qu’il gère depuis une trentaine d’années, que nous avons retracé son parcours. « Mes parents sont venus ici en 1954. Mon père était bougnat et ma mère tenait le bar avec une serveuse », introduit Didier Miquel, né quatre ans après leur arrivée dans l’établissement parisien.

Ce fils de commerçants aveyronnais a rapidement été impliqué dans les tâches du bistrot, que ce soit pour servir quelques clients, nettoyer des verres ou s’occuper des poubelles. Mais il n’envisageait pas d’y faire carrière, bien au contraire. « J’ai dit à mon père que c’était le dernier métier au monde que je voulais faire. Après mon service militaire, je m’apprêtais à partir en Aveyron », précise l’intéressé. Très attaché à la terre de sa petite enfance – où il fut élevé jusqu’à 6 ans par ses grands-parents, son oncle et sa tante –, le retour à Paris reste un souvenir douloureux pour cet homme de 64 ans : « Quand je suis arrivé ici, j’étais comme un prisonnier. C’était horrible, j’étais heureux uniquement quand je marchais dans l’herbe. » Hormis le parc des Buttes-Chaumont tout proche, mais accessible uniquement avec un adulte, il ne peut alors plus « gambader » où il veut.

Titulaire par la suite d’un BTS en physique-chimie, Didier Miquel prétend à une carrière scientifique et se voit un temps géologue. Mais n’ayant « jamais cherché » véritablement un poste dans ce domaine, il accepte l’offre de sa mère. « Son garçon de bar préféré a eu un souci de santé, il n’est jamais revenu et je suis resté là. Ça devait durer une semaine mais ça a duré dix ans. Ma mère a eu l’intelligence de me faire comprendre que je pouvais gagner ma vie », retrace cet Aveyronnais de Paris. Didier Miquel reprend ensuite la direction de l’affaire, en 1993, avec son frère Alain. Alors que ses parents repartent en Aveyron, près de Saint-Gervais, les deux frères réhabilitent l’enseigne de la rue des Pyrénées. L’ancien garage à charbon – inutilisé depuis le milieu des années 1960 – devient une extension du bistrot qu’ils nomment Le Petit Bougnat. Une courette est également aménagée afin d’offrir une terrasse privée. Le début des années 2000 marque une nouvelle étape dans la carrière professionnelle de Didier Miquel, lui permettant de retrouver sa terre ancestrale en tant que vigneron.

Quand je suis arrivé ici, j'étais comme un prisonnier.

« Ma passion a toujours été l’agriculture, assure-t-il. S’installer viticulteur en Aveyron n’était pas évident car il n’y en a pas tant que ça. Mais il s’est avéré que j’ai eu de la chance, des gens m’ont cédé leurs parcelles de vignes. J’ai commencé avec 30 ares, puis 50 ares, 1 hectare, deux hectares… et j’ai aujourd’hui entre quatre et cinq hectares », explique le bistrotier-viticulteur. Le travail de la vigne dans la vallée du Lot représente son activité principale depuis 2005. Mais Didier Miquel tient a précisé qu’il « reste le responsable » du Mistral. Après avoir mis en gérance le bistrot pendant à peine trois ans, afin de s’engager dans la production de vin (au sein de la coopérative des Vignerons d’Olt), une mauvaise gestion du bar l’a incité à revenir à Belleville pour reprendre l’affaire en main. C’est une nouvelle fois en famille que la situation s’est réglée.

Les deux frères Miquel et leur cousin établissent une règle de trois pour s’occuper de l’ancien Bougnat du Métro (le nom du bistrot jusqu’en 1963). Aujourd’hui, Didier Miquel « monte deux fois par mois à Paris » et passe derrière le comptoir durant seulement « trois jours ». Son frère cadet, Alain, dispose d’une gestion équivalente de l’enseigne, tandis que leur cousin, Gilbert, s’y adonne les 60 % du temps restant. Les autres employés du Mistral sont également des proches de la famille. « Noëlle, je la connais depuis l’âge de trois ans. Philippe est mon ancien voisin, il m’a laissé une parcelle de vignes en Aveyron », confie Didier Miquel. À l’approche de la retraite, ce cafetier au sourire bienveillant s’est épanoui comme viticulteur après 25 années de labeur « non stop » au bistrot, où il travaillait parfois « durant huit mois de suite de suite, avec seulement 15 jours de repos par an ».

Avec ses vins AOC Estaing, il participe chaque année au marché des Pays de l’Aveyron, ainsi qu’au marché des producteurs. Pour réchauffer ses clients alors que l’hiver s’intensifie, le Mistral propose des spécialités régionales comme des escargots de l’Aubrac (7 €), une saucisse d’Auvergne Aligot (15,5 €) ou un confit de canard élaboré en Aveyron (15,5 €). Didier Miquel, témoignant beaucoup d’amour pour son terroir, constate que la communauté aveyronnaise se restreint à Belleville : « Il y a une vingtaine d’années, on pouvait entendre parler l’occitan ici. Des anciens bougnats qui avaient travaillé chez Tafanel [distributeur de boissons] venaient et parlaient entre eux. Mais maintenant l’occitan…»

PARTAGER