Fabrice Lextrait, la cuisine en version culturelle

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L’homme qui vient d’ouvrir Les Grandes Tables de la Comédie à Clermont-Ferrand, assure également la restauration d’autres lieux culturels à Marseille et à Calais. Dans chacun de ces emplacements, il a su construire une offre en harmonie avec le contexte.

Au début septembre, Fabrice Lextrait, ouvrait Les Grandes Tables de la Comédie à Clermont-Ferrand. Il redonnait ainsi vie à l’ancien emplacement cher aux Clermontois. Mais cet établissement contemporain, lié à la culture, se situe bien loin de l’ancienne Brasserie de la gare routière. À l’image des autres Grandes Tables déjà installées en France, celle de la Comédie est étroitement liée et même imbriquée dans le contexte de cette scène nationale clermontoise. En moins de quinze ans, cet entrepreneur pas comme les autres a su installer ses restaurants et lieux de vie de Calais à Marseille pour y proposer « sa cuisine du quotidien et de l’extraordinaire ».

La cité phocéenne demeure le fief de Fabrice Lextrait. Il est un des cofondateurs de la fameuse Friche de la Belle de mai, lieu improbable qui a pris place dans des bâtiments de la SNCF, dans des entrelacs de voies de chemin de fer et de tunnel routier. Les restaurants et le toit terrasse de l’établissement sont devenus au fil des années un rendez-vous incontournable à Marseille, mais aussi un lieu de brassage pour la population de cette ville métissée. Les Grandes Tables y ont aussi investi le théâtre de la Criée à la demande de sa célèbre directrice, Macha Makeïeff. Elles sont aussi présentes au Zef, la scène nationale qui regroupe le théâtre du Merlan et la gare Franche. À une époque, Fabrice Lextrait détenait même la concession de la restauration du 104, à Paris. Il y a connu son seul échec, faute d’avoir réussi selon lui « l’intégration du lieu ».

« Nous nous adaptons aux événements culturels »

Il fait néanmoins remarquer que parmi ses faits d’armes dans ce lieu parisien figure l’organisation de l’opération 100 % Omnivore réalisée avec Luc Dubanchet. Aujourd’hui, Les Grandes Tables réalisent 5 M€ de CA et emploient à plein temps une cinquantaine de salariés. En été, l’entreprise gère une centaine de fiches de paie. Toutefois, Fabrice Lextrait rappelle que sa société détenue par 43 actionnaires s’inscrit avant tout dans l’économie sociale et solidaire. Il préfère parler de public que de clientèle.

Il n’est pas en compétition avec les grandes sociétés de restauration qui trustent les restaurants de musées et les buffets de théâtre. « Nous construisons des restaurants étroitement imbriqués dans la dimension culturelle des lieux, explique-t-il. En permanence, avec nos animations, nous nous adaptons aux événements culturels. Nous avons aussi des tarifs proches des attentes des milieux culturels avec des demis de bière à 3 € ou des plats à 12 €. »

Les grandes carrioles

Le parcours de cet entrepreneur de 52 ans est d’ailleurs davantage lié à la gestion des entreprises culturelles qu’à la restauration. Il intègre les cabinets ministériels de Catherine Tasca (Culture) et Michel Duff our (Patrimoine et Décentralisation culturelle) avant de devenir directeur général des opérations de l’agence de l’architecte Jean Nouvel durant une dizaine d’années. Il participe alors à l’aventure de la Belle de mai. En 2013, il se consacre totalement aux Grandes Tables. C’est l’année où Marseille devient capitale culturelle. Avec son associée, Marie-Josée Ordener, femme de terrain qui cumule de talents de mise en scène et de cuisinière, il crée Les Grandes Carrioles, neuf restaurants ambulants imaginés en collaboration avec des chefs différents. « On vient nous chercher parce qu’on amène des choses différentes, justifie-t-il. Lors du Sail GP, nos carrioles de cuisine de rue ont animé l’événement. »

Fabrice Lextrait, directeur des Grandes Tables.

Fabrice Lextrait entretient un lien étroit avec les cuisiniers d’avant-garde et notamment ceux qui appartenaient à Génération C. Cette dimension gastronomique lui permet d’affirmer l’aspect local et culturel de ses prestations. Au Zef, à Calais, il a conçu son projet avec Alexandre Gauthier (la Grenouillère, à Madelaine-sous-Montreuil). À Marseille, il est proche de Lionel Lévy, le chef étoilé de l’Intercontinental, qu’il a persuadé de lancer un festival du couscous dans le prestigieux restaurant de l’hôtel. L’événement connaît un succès réel. La dernière édition a fédéré 25 restaurants dans la ville. Cette capacité d’innover reste la grande force de Fabrice Lextrait.

Après le confinement et avant l’actuelle mise à l’arrêt de la restauration marseillaise, il a rebondi alors que la crise de la Covid touche particulièrement les restaurants et les lieux culturels. Au théâtre de la Criée, par exemple, il a installé une terrasse devant le lieu fermé et en collaboration avec Provence tourisme, il a confié ses cuisines successivement à quatre chefs locaux dont les restaurants étaient restés fermés, pour proposer à des prix abordables une approche de la haute gastronomie.

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