Hervé Busset, l’étoilé qui ne voulait pas être chef

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Étoilé Michelin à Conques, Hervé Busset arrive à la croisée des chemins. Bien décidé à faire franchir une nouvelle étape à sa cuisine, il hésite encore sur le lieu où écrire cette nouvelle aventure.

Hervé Busset
Hervé Busset

Etoilé Michelin depuis 2007, Hervé Busset fait désormais partie des visages familiers de la gastronomie aveyronnaise. Pourtant ce cuisinier n’a pas encore franchi le cap de la cinquantaine. Éprouvé par le confinement, il sent qu’il est temps de se remettre en question à l’approche du passage de ce cap fatidique. Il ne fait pas partie de ces blasés du Michelin. Au contraire, fermement décidé à prolonger son aventure dans le guide, il lorgne vers une deuxième étoile. Il hésite encore sur le chemin à suivre pour partir à la conquête de ce sacré Graal.

Depuis quelques années, le cuisinier a également un pied à Rodez. Avec son épouse Dominique, il a acquis le château de Canac, aux portes de la ville. Il y a installé trois chambres d’hôtes que gère son fils Henri. Il n’a pas souhaité développer de restaurant dans ce lieu afin de ne pas se disperser. En revanche, il n’exclut pas de déménager un jour son restaurant gastronomique dans son château où la proximité avec Rodez lui assurerait une clientèle plus régulière qu’à Conques où son établissement ferme le 1er novembre pour ne rouvrir qu’à Pâques.

En même temps, il reste partagé. Sa cuisine s’affirme comme le miroir du terroir de la vallée du Lot. Cela fait plus de vingt ans que le chef a pris place dans cet ancien moulin au bord du Dourdou. Son parcours est singulier. Après des études au lycée hôtelier de Souillac (Lot), plus passionné par le service que par la cuisine, il créé sa première entreprise à 22 ans, à Brive-la-Gaillarde. Il s’agit d’un salon de thé grâce au succès duquel, il rachète dans la ville un restaurant semi-gastronomique. « Dans la vie, explique-t-il, je supporte très mal d’être dirigé. C’est la raison pour laquelle je suis très tôt devenu mon propre patron. Un jour, dans mon restaurant de Brive, je me suis disputé avec mon chef. J’ai décidé un jour de ne plus dépendre de lui. Je suis passé derrière les fourneaux et je ne les ai plus quittés depuis. » A la fin des années quatre-vingt-dix, il souhaite racheter un hôtel. Après avoir cherché vainement sur Brive, il entend parler d’un moulin avec des chambres sur Conques.

« J’ai ressenti comme un appel de la nature »

« Je ne savais même pas où se trouvait l’Aveyron », assure-t-il. Pourtant, à peine arrivé sur l’endroit, il tombe amoureux de l’édifice et du village. Même, s’il n’a pas les moyens de s’offrir le moulin, il parvient à persuader le propriétaire de lui céder l’établissement tout en conservant une partie des parts qu’il rachètera plus tard. A ses débuts, pressé d’accueillir la clientèle, le couple propose au déjeuner une cuisine traditionnelle susceptible d’attirer les touristes.

LES HERBES

Mais rapidement, il va développer au dîner une prestation plus élaborée et revenir derrière les fourneaux. Dans ces murs, son intérêt pour le métier de cuisinier croît rapidement. L’arrivée en 2003 de deux fourchettes sur le Michelin sonne comme un encouragement. « A ce moment là, j’ai senti comme un déclic, il se passait quelque chose. J’ai ressenti comme un appel de la nature. J’ai décidé de donner une identité plus locale à la cuisine ». Fasciné par le travail de Marc Veyrat, il a sollicité le botaniste avec lequel travaillait le chef savoyard pour découvrir la flore et les herbes qui entouraient son restaurant. Elles sont devenues la signature d’une cuisine largement basée autour des produits locaux. Le chemin qui mène à son restaurant est aujourd’hui jalonné par de très beaux clichés représentant chacun de ses producteurs. Une manière de les associer pleinement à son travail.

L’étoile est venue naturellement en 2007, l’année où il a mis en place un vaste investissement qui comprenait notamment l’installation d’une nouvelle cuisine dotée d’un fourneau Maestro. Longtemps, il s’est satisfait de cette distinction qui lui paraissait presque inespérée. Plus récemment, il a réalisé la fragilité de la situation : une trésorerie souvent tendue, une saison courte mais aussi rythmée par une activité inégale. « Il faut aussi comprendre, indique-t-il , que si je perds l’étoile, soit je mets la clé sous la porte, soit je change de registre ».

C’est cette considération qui le pousse à consolider aujourd’hui sa position d’étape gastronomique. Une seconde étoile lui amènerait une clientèle plus lointaine, voire étrangère. Elle lui permettrait aussi de prendre le recul nécessaire pour avancer. Il est conscient qu’il doit encore progresser dans son travail. « Ma cuisine s’affine, je m’efforce d’aller à l’essentiel. J’essaie de travailler vers des menus plus équilibrés, logiques et lisibles, affirme-t-il. Je crois qu’il faut se concentrer dans l’assiette sur deux saveurs, trois maximum. Je suis pour l’instant plus près de trois saveurs, ce qui signifie qu’il me reste encore du travail à accomplir ! »

Le Moulin, Domaine Cambelong, 12320 Conques

www.moulindecambelong.com 

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