Itinéraire d’un enfant pressé

  • Temps de lecture : 4 min

En moins de dix ans, Julien Hemmerdinger et ses deux associés, Alban Binoche et Laurent Guarrera, ont créé plus d’une trentaine de restaurants autour de leur holding, La Bonbonnière. Cette réussite est essentiellement due au succès d’une chaîne créée à Paris, Les fils à maman. Mais désormais cette enseigne est arrivée à maturité en France et les trois hommes parient désormais sur un nouveau concept italien, le Clan des mammas.

Julien Hemmerdinger Laurent Guarrera Alban Binoche
Julien Hemmerdinger au centre, entouré de Laurent Guarrera à gauche et d'Alban Binoche à droite. Crédit L'Auvergnat de Paris.

Il prépare l’ouverture à Aix-en-Provence son 25e restaurant à l’enseigne, Les fils à maman. Il a aussi lancé le maillon d’une nouvelle chaîne, le Clan des mammas, à Nantes mais aussi à Lyon et se prépare à dupliquer dans les mois qui viennent ce concept italien à Toulouse. A ses heures perdues, Julien Hemmerdinger joue aussi les business angels pour de jeunes entrepreneurs qui viennent le solliciter avec un concept de restauration à lancer. Il a aidé au démarrage des Pinces et appuie actuellement le lancement de Poutine Brothers, un restaurant qui vient d’ouvrir, rue Bergère, autour de la spécialité canadienne, la Poutine.

Cet entrepreneur de 39 ans ne semble pas évoluer sur les charbons ardents. A l’écouter, on aurait tendance à penser que la restauration ce n’est pas très compliqué. Il lui a en effet fallu moins de dix ans pour amener son entreprise à ce niveau.

Son holding parisien, la Bonbonnière qui génère un CA de l’ordre de 15 M€, règne sur une bonne trentaine de restaurants.

Un délire de copains

Tout a pourtant commencé comme un scénario que beaucoup de professionnels confirmés estimeraient promis à l’échec : en 2008, quatre copains décident de créer un restaurant avec l’idée de retranscrire la cuisine de leur mère. Julien Hemmerdinger animait alors avec Laurent Guarrera une société travaillant dans l’évènementiel. Deux autres vieux amis, Alban Binoche et Alexandre Poulenc, accompagnent l’aventure.

Ils rachètent un vieux bistrot, rue Geoffroy Marie, avec un emplacement médiocre. Aucun d’entre eux n’avait alors jamais travaillé dans la restauration. « Les neuf premiers mois ont été très difficiles, reconnaît Julien. La cuisine était rapidement débordée parce que nos recettes étaient trop compliquées à préparer.

Notre timing était mauvais. Nous avons appelé des chefs au secours, mais rapidement nous nous apercevions que leurs conseils étaient inapplicables. Heureusement notre clientèle était largement constituée d’amis qui ont eu la gentillesse de revenir. Nous avions aussi la chance d’être quatre et d’avoir une profession annexe. Cela nous permettait d’une part de tenir le choc financièrement et d’autre part de relativiser les difficultés ».

« Nous avions aussi la chance d’être quatre et d’avoir une profession annexe. »

La nostalgie des trentenaires

Pourtant au bout d’un an, ils parviennent à régler le fonctionnement de leur restaurant et les difficultés sont oubliées. Leurs erreurs de départ ont même été riches d’enseignements. La catastrophe pressentie se mue en beau succès. Ce concept basé sur des recettes simples qui évoquent l’enfance entre en phase avec la nouvelle génération qui se trouve tout à fait à l’aise dans ce décor à mi-chemin entre l’école primaire et les magasins de jouets. Les Fils à maman jouent sur la nostalgie des trentenaires du nouveau millénaire. Ils vont d’abord créer d’autres Fils à maman, à Paris, en province et sur le littoral. Les quatre jeunes entrepreneurs, regroupant leurs énergies, évoluent rapidement. Les investissements restent raisonnables et les banques (BNP, BPI, Société générale) rassurées par les bons bilans acceptent de financer.

« Il y a cinq ans, explique Julien Hemmerdinger, une divergence autour de la stratégie de développement a conduit Alexandre Poulenc à quitter l’association. Il est parti de son côté avec plusieurs des restaurants comme les Athlètes. Nous avons conservé ceux qui étaient à l’enseigne des Fils à maman mais aussi d’autres établissements comme le Club des cinq ou le Clan des Jules. Nous souhaitions privilégier le développement de l’enseigne alors qu’Alexandre préférait miser sur des restaurants différents ».

Durant les cinq dernières années Julien Hemmerdinger a poursuivi le développement des Fils à Maman à marche forcée, en France, mais aussi à l’étranger, à Hong Kong et à Bruxelles. En 4 ans, la petite chaîne est passée de 6 à 25 unités. Les trois associés se sont partagés les rôles.

Julien, l’actionnaire de référence, a pris en main la direction générale, Alban Binoche dirige les travaux de création et Laurent Guarrera règne sur la gestion des restaurants et des ressources humaines.

Un côté un peu régressif

A priori, le concept est plutôt simple. Le ticket moyen se situe à 26 € au dîner. Il descend à 17 € lors du déjeuner en raison de la présence d’une carte distincte avec des plats à 13 € et une formule entrée + plat + dessert à 22 €. Le plat le mieux vendu s’intitule : « filet trop mignon en croûte et risotto de coquillettes au chorizo » . Les recettes présentent souvent un côté un peu régressif avec un rappel à l’enfance.

La carte est pratiquement identique dans tous les restaurants de l’enseigne ; ce qui permet à la chaîne de profiter d’une puissance d’achat appréciable et de compresser le coût matière entre 24 et 29 % du CA HT. En revanche, les décors sont loin d’être stéréotypés. Chaque restaurant s’adapte à un environnement donné et utilise du mobilier dépareillé. Un postulat qui réduit l’investissement de départ. Même les prix sont différents d’un restaurant à l’autre pour s’adapter au contexte économique local.

Le développement de l’enseigne a été entièrement réalisé via des succursales. Les trois associés tiennent à privilégier cette voie qui leur permet de mieux contrôler la qualité générale de la prestation et qui leur offre une meilleure perspective patrimoniale. Un seul établissement a été financé par la franchise, au Cap-Ferret, mais cela reste l’exception qui justifie la règle. L’unité de Hong Kong est dirigée quant à elle pas un Français associé dans le capital de l’établissement.

Mais pour Julien Hemmerdinger, Les fils à maman, appartiennent presque à l’histoire ancienne.

Il estime que lorsque la chaîne aura une trentaine d’établissements en France, il faudra passer à autre chose et notamment au développement international dans les grandes métropoles mondiales. Dans deux ou trois ans, il se verrait bien ouvrir un restaurant à New York, « pour relever un défi personnel ».

Mais surtout, il prépare une nouvelle aventure avec son concept italien, le Clan des mammas déjà expérimenté à Nantes et à Lyon.

Chaque unité porte le prénom d’une de ces mammas.

L’entrepreneur croit beaucoup à ce thème. « Après la vague du burger, je crois que le temps de la restauration italienne premium utilisant des produits très sourcés est venu » .

PARTAGER