Jean-Pierre Pesavento : une vie derrière le comptoir

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Ce patron de bar-tabac traditionnel a toujours baigné dans cet univers. Homme à l’écoute de sa clientèle, Jean-Pierre Pesavento brille par son professionnalisme. Sa première expérience remonte d’ailleurs à l’âge de 13 ans. Aujourd’hui, à bientôt 60 ans, il envisage prochainement de prendre une retraite bien méritée.

Jean-Pierre Pesavento, patron du Bar-tabac Royal Reuilly, Paris 12e.
Jean-Pierre Pesavento, patron du Bar-tabac Royal Reuilly, Paris 12e. Crédits : Jérémy Denoyer / Au Coeur du CHR.

En compagnie de sa mère, puis avec une serveuse et désormais tout seul, le Royal Reuilly représente toute la carrière professionnelle de Jean-Pierre Pesavento. Dans ce bar de quartier, à l’angle de la rue de Reuilly et de la rue Montgallet (Paris, 12e), il gère d’une main de maître l’afflux des clients, sans jamais s’alarmer. Que ce soit au comptoir, en salle, en terrasse, pour tendre un paquet de cigarettes ou récupérer une grille de rapido, cet homme avenant répond aux demandes de chacun d’entre eux, dans un délai impressionnant et avec courtoisie.

À la suite d’un rappel du RSI (Régime social des indépendants) en 2011, Jean-Pierre Pesavento n’était plus en capacité de sortir un salaire pour un employé. Il décide de tenir son bar-tabac en solitaire pour une période provisoire. «Et du provisoire, je m’en suis habitué. J’ai pris le rythme. C’est comme un grand sportif, les gens s’entraînent tous les jours et pensent être arrivés au maximum de leur capacité. Mais on en fait encore plus.»

Mon premier mois de travail, en juillet 1976, j’étais encore en culotte courte.

Il faut admettre aussi que l’expérience parle pour lui. Le patron du Royal Reuilly est né dans l’univers des bistrots parisiens. Ses parents – originaires de l’est de la France, par son père, et de Bretagne par sa mère – sont «montés» à Paris pour trouver du travail dans les années1940, avant de tenir ensemble plusieurs bars dans la capitale. «Au début, ils étaient en gérance, puis ils ont acheté leurs propres affaires. Ils ont fait le 13e arrondissement, le 18e et beau-coup de quartiers de Paris. Puis, ils ont acheté leur dernière affaire en 1960.»

C’est dans cet environnement que Jean-Pierre Pesavento voit le jour, le 3 décembre 1962. Mais moins de dix ans plus tard, en 1971, survient la mort de son père. Sa sœur aînée prend alors la relève derrière le comptoir de l’établissement familial, dans le quartier de Trinité (Paris, 9e). Mais lorsqu’elle se marie deux années plus tard, leur mère décide de mettre en gérance cette affaire pour en reprendre une plus petite. «Je suis arrivé là en 1975 avec ma mère. J’avais 12ans, j’étais encore écolier. Nous avons quitté les beaux quartiers pour nous installer ici, c’était vraiment un petit village. En 50 ans, la clientèle a évolué mais au début je me suis dit: “mais qu’est-ce que ma mère vient faire ici ?” La clientèle était ouvrière et rustique», se souvient Jean-Pierre Pesavento.

Près de la petite ceinture

Le Royal Reuilly était situé, à cette période, tout proche des rails de la petite ceinture et de la gare de marchandises de Reuilly, démolie en 1988. Rapidement, le jeune garçon commence à travailler avec sa mère (orpheline dès l’âge de 4ans, et désormais jeune veuve). «Elle me jetait derrière le comptoir quand je rentrais des cours. Il fallait faire la cave, et le samedi c’était les étagères et les vitres, confie-t-il. Mon premier mois de travail, c’était en juillet 1976, j’avais 13 ans, j’étais encore en culotte courte.» Ce mois de labeur lui a permis de récupérer 663 francs de pourboire: «Je voulais une mobylette mais ma mère était contre. Du coup, je me suis acheté un vélo.» Brevet en poche, l’adolescent obtient ensuite un BEP d’électromécanique-électrique.

Parallèlement, il continue de soutenir sa mère au bar. « Selon mes horaires, je servais le midi puis je partais au lycée.» Désireux de poursuivre ses études, il se fait remercier en première. «Je n’avais rien fait pendant un an», admet l’inté-ressé. À la fin de son apprentissage scolaire, il se consacre pleinement au Royal Reuilly – «sans être déclaré» – durant une année, puis part au service militaire. À son retour, sa mère souhaite qu’il soit de nouveau à ses côtés. Il accepte « un essai », sans réellement de motivation. «Toute ma jeunesse, je l’ai passée ici. Tandis que les autres allaient au cinéma le mercredi, moi j’étais là», poursuit Jean-Pierre Pesavento.

Histoire familiale

Dès 1986, après avoir pensé à chercher un emploi stable et plus confortable, par exemple à EDF, il s’en-gage finalement dans le commerce tenu par sa mère, bien déclaré cette fois. Dix ans plus tard, il prend la gérance du Royal-Reuilly – toujours aux côtés de sa mère jusqu’en 1999. «Elle a travaillé avec moi jusqu’à 73 ans quand elle a pris sa retraite.» Une retraite qui pourrait arriver plus rapidement pour le patron de ce bar de quartier. «Si je veux une retraite à taux complet, il faut que je travaille jusqu’à 67 ans. Ce n’est pas dans ma perspective […]. Je vais avoir bientôt 60 ans et les trois dernières années m’ont fatigué.» Les clients de son bar restent encore, pour certains, des habitués. L’un d’entre eux – ancien employé de la société de distribution de presse NMPP, dont le siège était voisin – lui a laissé un souvenir impérissable. Un tableau de son bar, où l’on peut apercevoir sa dernière serveuse, Myriam, et une cliente du Royal Reuilly, Josette, faisant la manche devant la bouche du métro Montgallet. Concernant l’avenir de cette œuvre, Jean-Pierre Pesavento en est sûr : «Celui-là, il partira avec moi.»

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