Jérémie Chemama navigue vers les étoiles

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Jérémie Chemama est le directeur du restaurant la Villa9Trois à Montreuil. Il n’a pas fait d’école hôtelière et pourtant, il dispose d’un CV aux expériences multiples et prestigieuses dans des établissements de renom de la capitale et de ses alentours.

Jérémie Chemama est directeur de salle de la Villa9Trois, à Montreuil. Crédits : La Revue des Comptoirs.
Jérémie Chemama est directeur de salle de la Villa9Trois, à Montreuil. Crédits : La Revue des Comptoirs.

«J’ai été acclimaté à un melting-pot de cultures culinaires du monde et j’ai toujours aimé bien manger». Jérémie Chemama est directeur de salle de la Villa9Trois, à Montreuil. Il rejoint l’établissement en même temps que le chef Camille Saint-M’Leux, en mai 2021, séduit par la dynamique que ce dernier souhaite insuffler. Ils ont pour ambition commune, forts de leur passion et de leurs expériences respectives, de décrocher une étoile au Guide Michelin. «J’ai été attiré par le lieu et le projet. Sans regret, car entre temps, j’ai refusé trois fois un nouveau poste au sein de la compagnie du Ponant. Avec le chef, on est engagé dans la course à l’étoile ensemble», ajoute-il.

En effet, Jérémie Chemama était maître d’hôtel et responsable de salle au sein de la compagnie de croisière du Ponant. Il y effectue deux missions successives,à l’occasion desquelles il se familiarise avec la cuisine du chefAlain Ducasse. Il est finalement promu Directeur de restaurant en avril 2020 : «J’ai toujours eu envie de voyager. Les bateaux de la compagnie accueillent entre 180 et 200 passagers, ce que je n’avais jamais connu auparavant. La cave à vins était impressionnante, signée Éric Beaumard, une pointure dans le domaine. Il y avait une vraie part de challenge et c’était très motivant», affirme le trentenaire.

Revirement après la grande distribution

Passionné de vins et de gastronomie, Jérémie guide aujourd’hui aisément les convives entre les pages des cartes de son établissement. Pourtant, il n’a pas fait d’école hôtellière. Il est diplômé en management des unités commerciales et il fait ses armes dans la grande distribution. À 22 ans, Jérémie Chemama est à sa sortie d’école, directeur adjoint au Picard de Charenton-le-Pont. L’opportunité de devenir responsable régional le conduit toutefois à s’interroger sur ses objectifs de carrière et son épanouissement personnel.

La méthode SBAM (sourire, bonjour, au revoir, merci), béaba de la relation client, a ses limites pour le jeune homme qui aspire à plus. «L’humain me manquait dans la grande distribution. Si Picard était réputé pour être au sommet de la valorisation de la relation client, alors ça ne me suffisait pas. J’avais besoin de plus,certifie-t-il,je ne me voyais pas faire ça toute ma vie. En termes d’épanouissement et de plaisir au travail, j’allais être limité».

« L’humain et le produit sont les deux côtés du coeur de notre métier. Si on aime les deux, et le partager, je pense qu’on a sa place dans la restauration »

De commis de salle à chef de rang

Après sa démission, Jérémie cherche naturellement à reprendre des études d’hôtellerie-restauration. Il trouve une école mais n’a pas d’entreprise pour le prendre en alternance. Le jeune homme rencontre inopinément Julien Mathieu, le fils de Jean Mathieu, propriétaire de la SARL Le Ruisseau, à Saint-Mandé. Il lui propose de le former et de lui apprendre les bases du métier. Jérémie débute en tant que commis de salle. Le décalage est rude pour l’ancien directeur adjoint mais l’expérience fondatrice, «J’y ai tout appris. Je n’étais pas du tout du milieu et j’ai pu tourner dans les différents établissements de la famille»,précise-t-il.

Très demandeur, Jérémie évolue auprès d’un personnel qualifié en place depuis une dizaine d’années. Il devient rapidement chef de rang au sein des 3 établissements de l’entreprise. Il est objectivé et jongle entre le restaurant semi-gastronomique Le Ruisseau, le bar-restaurant Le Bougnat Bar et le piano bar de la famille à Paris, Le Sherwood. «Il fallait que je me crée une légitimité dans le milieu. Pour se faire, comme je n’avais pas fait l’école hôtelière, je me devais d’intégrer un étoilé», avoue-t-il.C’est à la Scène Thélème auprès de Frédéric Pedrono, ancien directeur de salle du Pavillon Ledoyen et du chef Julien Roucheteau qu’il s’essaie à la gastronomie. «Je suis entré en tant que chef de rang. Grâce à ma maturité, l’énoncé de mon parcours et de mon ambition, j’ai pu intégrer l’établissement sans que l’absence de formation sur mon CV ne vienne peser», admet Jérémie Chemama.

Du défi avant les étoiles 

Sa carrière se poursuit chez Histoires, la table 2 étoiles du chef Mathieu Pacaud où il est promu maître d’hôtel responsable de salle au bout de 2 mois. «J’avais carte blanche. J’étais force de proposition, libre au niveau du budget et des créations. Je gérais conjointement la cave à fromages et toutes les initiatives étaient à prendre; c’était une expérience très riche», témoigne-t-il. Un changement de direction le conduit à prendre un poste d’assistant directeur d’exploitation. Mais les projets pour l’établissement voulus par la nouvelle direction l’intéressent moins, et Jérémie aspire alors à autre chose. Il postule au George V, au Bristol et au Pavillon Ledoyen. Il rejoint finalement les équipes de ce dernier dans le 8e arrondissement de Paris.

Déçu, Jérémie ne s’épanouie pas autant qu’escompté dans l’établissement aux trois macarons Michelin. «Les techniques culinaires proposées par le chef Alléno étaient uniques en leur genre. Par contre, en termes de service, c’était décevant. Les volumes étaient plus importants que là où j’avais pu travailler précédent avec 50-60 couverts, mais en sous-effectif. Je suis arrivé à une période au cours de laquelle le directeur adjoint était démissionnaire et le directeur peu présent. J’ai eu l’impression d’avoir perdu mon temps. Le service n’avait rien à envier à des tables une ou deux étoiles», raconte-il.

Un voyage sur les flots avec Camille Saint-M’Leux

Jérémie Chemama part sans attendre la fin de sa période d’essai, avant de prendre le large avec la compagnie du Ponant.C’est à ce moment-là qu’il rejoint la compagnie de croisières en tant que directeur adjoint. AvecCamille Saint-M’Leux, ils offrent une nouvelle jeunesse à l’institution de Montreuil vielle de 30 ans. Le chef propose une cuisine responsable et engagée. Un potager, un poulailler et une serre d’agrumes ont été installé pour servir de garde-manger aux cuisines du restaurant.

Jérémie Chemama accompagne le chef dans son travail en veillant à ce que la qualité du service vienne sublimer sa cuisine. Il s’attacheenfin à montrer aux jeunes recrues, la valeur ajoutée du métier.«Je dis aux jeunes qui m‘entourent que nous ne sommes pas que des porteurs d’assiettes. Dès mon arrivée à la Villa9Trois, je n’ai pas hésité à leur accorder des responsabilités et à les faire évoluer. Dès que je peux, je les accompagne et je leur donne les moyens de se mettre au défi et, toujours avec bienveillance, de repousser leurs limites».

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