Kader Jawneh conceptualise la cuisine africaine
- Temps de lecture : 4 min
Kader Jawneh est le premier à avoir développé un concept, Afrik’N’Fusion, autour de la cuisine africaine. Il a su élargir l’audience de cette gastronomie souvent victime de préjugés. Aujourd’hui, avec une nouvelle enseigne, Djaam, il s’oriente résolument vers la restauration rapide avec une ouverture encore plus large.
La cuisine africaine, si on excepte sa composante maghrébine, n’occupe pas la place qu’elle mérite dans le paysage de la restauration française. Les liens historiques, migratoires, avec plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, justifieraient pourtant une présence plus soutenue de cette cuisine sur notre territoire. Les choses sont en train de changer avec le développement d’Afrik’N’Fusion, une petite chaîne contemporaine d’abord implantée rue des Pyrénées dans le paysage parisien, puis en Île-de France. Elle a ensuite évolué avec succès et compte désormais huit établissements, dont deux situés à Londres et à Casablanca.
Kader Jawneh est à l’origine de cette initiative. Ce restaurateur de 36 ans est né en France dans une famille d’origine sénégalaise. À 17 ans, il devient entrepreneur.« Je n’ai jamais été salarié de ma vie,assure-t-il.Le père d’un ami avait une société qui réalisait des chantiers qu’il fallait nettoyer avant de les livrer. Nous avons donc créé une société de nettoyage dont nous étions les seuls acteurs. »
La fibre entrepreneuriale
Au fil des opportunités, il conçoit une société événementielle, Stand up Event, grâce à laquelle il organise des soirées à Paris, à Cannes et à Tunis. Dès 2005, il se diversifie dans les énergies nouvelles en lançant K Energie, une entreprise qui commercialise des panneaux solaires et des pompes à chaleur. Il revend finalement cette activité pour investir dans la restauration, secteur où il s’épanouit en relevant les défis de tous les instants.
Aussi, épaulé par deux associés, Audray Tuzolana et Sidiba Doucouré, Kader Jawneh parvient à élaborer un concept de restauration africaine duplicable. Le jeune entrepreneur a tout de suite mesuré les écueils qui l’attendaient :« Quand pour la première fois, nous sommes allés voir un banquier pour lui exposer un projet d’ouvrir un restaurant africain, il nous a regardés comme des extraterrestres. Il faut reconnaître que la cuisine africaine a mauvaise réputation en France car jugée trop pimentée ou trop grasse. Ce sont des préjugés. En réalité, la plupart des plats sont diététiques avec du riz, du manioc, des aliments énergisants et des légumes. »
L’Afrique comme ADN de la marque
Pour attirer un large public dépassant les frontières de la communauté africaine en France, Kader Jawneh développe des recettes moins typées, sans piment et en excluant les sauces grasses, mais sans pour autant renier l’identité africaine de son enseigne.
« Djaam est un concept parisien adapté au centre-ville. »
Quelques mois avant la crise sanitaire, le restaurateur et ses associés ont voulu se tourner vers la restauration rapide. Les établissements Afrik’N’Fusion sont en effet positionnés sur un segment intermédiaire. Les commandes sont effectuées au comptoir, mais un service à table est maintenu. Et chaque unité mobilise huit personnes avec un ticket moyen supérieur à 15 €. Ils décident alors d’élargir leur audience en déclinant un nouveau concept de fast-food.
C’est ainsi qu’est né African Bowl, vite rebaptisé Djaam (qui signifie « Paix » en wolof). Ce nouveau concept compte aujourd’hui trois établissements, dont deux ouvertures récentes rue Réaumur (Paris 2e) et rue Miollis (Paris 15e). Cette nouvelle enseigne est résolument orientée vers la vente à emporter et la livraison. Le ticket moyen ne dépasse pas 12 €.
Le restaurant travaille avec de la vaisselle jetable, sans hotte, dans un espace réduit et trois employés suffisent pour faire fonctionner le restaurant midi et soir. Les ingrédients proposés (riz, viandes et légumes) sont découpés et cuits sur place dans le four ou les cuiseurs vapeur. Un atelier à Gonesse (Val-d’Oise) fournit non seulement les sauces, mais aussi des boissons maison telles que le bissap ou le jus de gingembre.
Une volonté de se développer en banlieue
Kader Jawneh souhaite dorénavant continuer à développer ses deux enseignes, en propre et en franchise, mais sur des emplacements.« Pour Afrik’N’Fusion,explique-t-il,nous regardons maintenant vers la banlieue, comme Cergy, où nous enregistrons d’excellents résultats. Les banlieusards se déplacent de moins en moins à Paris. En revanche, Djaam est un concept parisien adapté au centre-ville. Nous sommes parvenus à attirer dans cette enseigne une clientèle plus large. »En effet, dans le 15e arrondissement, Djaam capte au déjeuner une abondante clientèle de bureau, très diverse. Kader Jawneh est parvenu à faire sauter le carcan ethnique qui pesait sur Afrik’N’Fusion.
En dix ans de développement, il n’a connu qu’un échec dans le 11e arrondissement où il a dû fermer un Afrik’N’Fusion, rue Jean-Pierre Timbaud.« Nous avions sous-estimé le risque de cannibalisation avec un de nos restaurants voisins, reconnaît-il.Nous avons vendu l’établissement pour en créer un autre dans le 18e arrondissement. »