La nouvelle étoile auvergnate

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Emmanuel Hébrard est un enfant du pays. Né dans le Puy-de-Dôme, c’est à Clermont-Ferrand qu’il a choisi de s’installer pour aller chercher l’étoile, obtenue en janvier dernier, après trois ans de dur labeur. De la gastronomie, mais aussi un grand amour pour l’Auvergne et ses produits.

Elle est arrivée et elle était attendue à l’Ostal, l’étoile qui est venue récompenser le travail d’un Auvergnat amoureux de son terroir et de son territoire.

Emmanuel Hébrard n’a jamais renié ses racines, celles de sa famille du Puy-de-Dôme, « où l’on aimait bien manger, on aimait la gourmandise », où il donnait déjà un coup de main aux fourneaux auprès de ses parents « pour les soulager un peu », aux côtés de son frère jumeau. Cette notion de faire plaisir à table, c’est ce qui va le mener au lycée hôtelier de Chamalières, pour obtenir son bac pro. Un passage à La Pyramide à Vienne va lui ouvrir les portes de la gastronomie et c’est au sein de la Maison Pic que l’Auvergnat choisit de faire son apprentissage.

Pendant deux ans, il va apprendre, observer et affiner son regard sur la cuisine.

Chez Édouard Loubet, au Moulin de Lourmarin, dans le Lubéron, puis à L’Oasis sur la Côte d’Azur, c’est finalement en Bourgogne que le jeune homme va s’installer quelques années pour asseoir son savoir-faire. De 2009 à 2016, il devient chef de l’Abbaye de la Bussière et réussit à conserver l’étoile de l’établissement. L’appel des volcans devient trop fort. La volonté de créer sa propre entreprise le tenaille. Emmanuel Hébrard revient ainsi sur ses terres natales pour ouvrir L’Ostal. « Cela n’avait rien à voir. À L’Abbaye, il y avait dix cuisiniers et dix salariés en salle. Là, on est cinq, dont deux en cuisine et un plongeur. Nous avons tout remis à plat » , confie-t-il.

Son leitmotiv : « Faire une cuisine de cœur. Et mettre en valeur les produits de la région. » Sans oublier pour autant les dimensions d’accueil et de l’importance de la salle : « Je voulais que les gens se sentent bien ici. » Et l’étoile est venue en janvier dernier souligner tous ces efforts, « mais aussi et, surtout, le résultat de vingt ans de travail » . Un macaron qui reflète bien plus qu’une place sur un guide : « C’est la survie de notre entreprise. Du simple, on est déjà passé au double en termes de fréquentation », assure-t-il. Briller au guide rouge et faire briller les étoiles dans les yeux de ceux qui viennent goûter ou succomber à nouveau à la lecture gourmande du chef.

« Ce sont vos racines qui vous portent »

Travailler les richesses du terroir a toujours fait partie des priorités pour le chef. « En Bourgogne, j’avais déjà cette attache et cette volonté de circuit court avec le bœuf charolais, les fruits rouges, les poissons d’eau douce ou le maraîchage par exemple.

Mais lorsque vous revenez sur vos terres, ce sont vos racines qui vous portent. L’inspiration vient plus vite, parce qu’on a été bercé dans tout ça.

Même si on ne sert pas de truffade ou de petit salé. J’aime la vraie cuisine, la cuisine de produits », précise-t-il.

Parmi les amuse-bouche de L’Ostal, on compte par exemple un pounti revisité avec son tem-pura d’herbe aromatique. Une signature, un clin d’œil à sa région que le chef pousse jusque dans la pompe aux pommes en mignardises. « Je prends autant de plaisir avec une bonne potée auvergnate qu’avec un plat trois macarons », signale-t-il. Et cette authenticité, cette valeur du produit et de l’émotion culinaire se retrouvent dans la philosophie de l’Auvergnat. « Le plus beau dans tout ça, c’est de réussir à créer la potée 3 macarons », s’amuse-t-il.

« Je prends autant de plaisir avec une bonne potée auvergnate qu’avec un plat 3 macarons »

Une sincérité de démarche qu’il aime affirmer à sa table. « La barrière entre brasserie et gastronomie, elle se trouve où ? C’est la qualité de l’assiette qui compte », assure-t-il. Et pour élaborer de bons plats, pas de secrets, le Puydômois mise sur les bons produits. Les poissons locaux, donc d’eau douce, sont privilégiés, « car si l’on veut refléter l’Auvergne, on ne va pas travailler du turbot ». Les légumes proviennent du marché Saint-Joseph, mais certains prennent une dimension familiale, « puisqu’ils sont cultivés dans le jardin de mon père » . Les viandes sont triées sur le volet par l’incontournable boucher de la capitale auvergnate, Gaby Gauthier, et les volailles viennent du côté d’Aurillac, avec les Volailles d’Alice, ou du Puy-en-Velay, avec Anthony Coffy.

L’Auvergne, « un pays riche de produits pauvres »

L’Auvergne en une phrase, selon Emmanuel Hébrard ? « Un pays riche de produits pauvres », dit-il. Pas reconnue pour son foie gras, ses truffes ou son caviar, « mais tellement intéressante pour sa diversité, avec ses belles asperges, ses champignons… Et beaucoup d’artisans qui font bien leur boulot ». Pour exploiter tous ces trésors, le chef n’hésite pas à faire tourner sa carte toutes les cinq ou six semaines, se calquant sur des microsaisons. Le tout pour bâtir une cuisine qui se veut avant tout « généreuse, non pas par la quantité, mais par sa profondeur ».

En salle aussi, rien n’est laissé au hasard. « On ne vient pas que chercher à bien manger, ici. On vient pour du confort, de l’ambiance, une expérience, découvrir des choses… Et lorsque l’on met du pounti ou de la pompe aux gratons dans l’assiette, il faut pouvoir l’expliquer au client. La qualité du service est hyper importante ». Pour le choix des vins, sa femme Estelle déploie « une vraie philosophie autour des vins en biodynamie et nature, pas parce que c’est à la mode. On les choisit parce que ceux qui les font respectent l’environnement et donnent des vins plus profonds et moins lisses », résume-t-il.

La maison travaille avec les vignerons locaux, comme Yvan Bernard, à Montpeyroux, ou la famille Laurent à Saint-Pourçain. Avec une approche et une vision du terroir étroitement liées à la cuisine et aux traceurs émotionnels des bons plats réconfortants, Emmanuel Hébrard fait briller l’Auvergne à travers son étoile.

Pratique : l’Ostal

16, rue Claussmann 63000 Clermont-Ferrand www.lostal-restaurant.fr

Pounti revisité.

Mise en bouche.

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