La renaissance

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Le chef Olivier Bellin rouvrira les portes de son restaurant doublement étoilé à la rentrée. Le Finistérien revient plus déterminé que jamais après s’être éloigné des fourneaux pendant plusieurs mois. À la tête de L’Auberge des Glazicks depuis près de 20 ans, il vient de renforcer son offre hôtelière en investissant dans un espace bien-être comprenant un spa, un hammam et un sauna.

Olivier Bellin, 47 ans, est toujours en quête d’une troisième étoile. Il n’en fait pas mystère. Obtenir la distinction suprême du guide Michelin ainsi que cinq toques au Gault & Millau constituerait l’apothéose de sa carrière. L’Auberge des Glazicks, cette maison familiale à laquelle il est tant attaché, Olivier Bellin l’imagine « devenir une grande maison française, comme les maisons Bras, Marcon ou Trois gros ». Pour y parvenir, le chef basé à Plomodiern, dont le restaurant se situe à quelques encablures de la mer, a pris le temps le temps de faire le point. Souvent pressenti pour décrocher une troisième étoile que la Bretagne n’a pas connue depuis Olivier Roellinger, le chef a fermé son Auberge des Glazicks peu de temps après la parution de l’édition 2 019 du guide rouge. Cette année encore, il n’a pas été distingué. « Il m’a manqué quelque chose… J’ai analysé la situation pendant quatre mois. Je ne prenais plus autant de plaisir qu’au départ. Je me suis reconstruit physiquement, j’ai perdu du poids et constitué une équipe neuve. Dans l’immédiat, le restaurant est réservé aux clients de l’hôtel mais dès le 2 octobre, nous accueillerons de nouveau des convives », glisse-t-il.

L’Auberge des Glazicks, forte de huit chambres classées en 4*, vient d’être enrichie d’un espace bien-être équipé d’un spa, d’un hammam et d’un sauna. 400 000 euros ont été investis. Cette nouvelle offre devrait muscler un taux d’occupation qui atteint aujourd’hui 50 % à l’année. L’an prochain, Olivier Bellin envisage également de créer « une suite de luxe » dans un grand appartement situé en face de l’établissement familial.

Saga familiale

L’Auberge des Glazicks n’a pas toujours bénéficié de l’aura nationale qu’on lui connaît aujourd’hui. En 1 870, la maison familiale était une maréchalerie. Dans les années 1920, les grands-parents d’Olivier Bellin ont développé une petite offre de restauration en complément de leur activité principale. À l’issue du second conflit mondial, sa grand-mère a finalement transformé les lieux en auberge. Elle y mitonnait quelques plats emblématiques : coquilles Saint-Jacques à la bretonne, gigot aux flageolets, noix de veau aux champignons, ou encore les fameuses langoustes à l’armoricaine. À l’aube des années 1960, c’est Marie-Noëlle, la mère d’Olivier Bellin, qui fait évoluer l’auberge en restaurant ouvrier. La maison a ainsi conservé la même formule jusqu’à la fin des années 1990.

« C’est mon dernier tour de piste, la machine est lancée et elle doit aller jusqu’au bout ».

Le chef était un gourmet avant de devenir un créateur d’émotions. Il a passé sa jeunesse à la ferme, dans les vergers ou les vignes de Bourgogne dont est originaire son père. « Le soir venu, je traînais dans les jupons de ma mère pour goûter à sa cuisine. Quand elle s’affairait à la préparation des produits qui étaient servis lors des mariages, je passais mes journées à l’aider. Je goûtais et sentais tout. Parfois, elle recevait jusqu’à 300 kg de langoustines qu’elle cuisait dans un grand rondeau. L’odeur se répandait à des kilomètres à la ronde », se souvient Olivier Bellin.

Il intègre le lycée hôtelier du Paraclet (Quimper) avant d’écumer les belles adresses. Il a « appris de tous les chefs » qu’il a eu l’occasion de côtoyer. Parmi eux, on peut citer Guy Guilloux à La Taupinière (Pont-Aven), alors en possession d’un macaron, mais aussi Jean Coussau au Relais de la Poste dans les Landes. « Je suis revenu à Plomodiern en 1997, à 27 ans. Je sortais des cuisines de Jacques Thorel, doublement étoilé au Michelin, où j’étais second. Le restaurant de ma mère était toujours en activité. J’ai débarqué un matin sans prévenir, je venais de démissionner et ma mère n’était pas au courant. Je lui ai dit : ’je reviens à la maison pour travailler, je vais en cuisine et toi en salle’. J’ai fait une saison qui s’est mal passée. J’avais oublié ma jeunesse, alors je n’ai pas été sérieux et j’ai accumulé tous les travers de notre profession en deux mois. » sourit le chef breton. Il réintègre le restaurant familial quelques mois plus tard, bien décidé à se racheter une conduite, et s’impose, durant deux ans, de conserver la formule qui a fait le succès sa mère : le relais routier.

L’incontournable

Dès le début des années 2000, le chef monte peu à peu en gamme et le restaurant entame sa métamorphose. Çà et là, la maison s’embellit. Les deux premières années d’activité se révèlent pourtant difficiles. « Personne n’était au courant que j’étais passé à une cuisine gastronomique, se souvient-il. Il y avait une clientèle à conquérir. Un jour, Adolphe Bosser, un grand patron de la cuisine finistérienne, est venu à l’Auberge. Il a adoré et a passé le mot à Gilles Pudlowski, alors journaliste au Point. J’ai eu mon premier article au niveau national et par la suite l’activité a décollé. » En 2005, une première étoile lui est décernée. Olivier Bellin devient rapidement incontournable dans la région. Sa cuisine identitaire séduit. Il restreint alors sa table à 30 couverts pour assurer la qualité des assiettes et se fait le chantre de la cuisine terre et mer, n’hésitant pas à accommoder des produits tripiers. Le blé noir est remis au goût du jour et accompagne le homard, les coquillages se fondent dans une bouillie d’avoine tandis que les langoustines s’affichent avec du boudin noir. En 2010, le Finistérien est récompensé d’un deuxième macaron et le Gault & Millau lui octroie quatre toques. Le raz-de-marée était déclenché. Pour parfaire l’accueil de sa clientèle, le chef n’avait plus qu’à développer une offre d’hébergement.

La construction de l’hôtel s’est achevée en 2013 et, l’an passé, L’Auberge des Glazicks a rejoint Relais & Châteaux. Le restaurant assure un ticket moyen compris entre 150 et 180 euros l’hiver et grimpe entre 200 et 250 euros l’été. Aujourd’hui, le chef souhaite gagner encore en maîtrise tout en donnant de la netteté à ses assiettes. Même s’il entend « repartir à zéro », les habitués de L’Auberge des Glazicks retrouveront quelques classiques. « C’est mon dernier tour de piste, la machine est lancée et elle doit aller jusqu’au bout », confesse le maître queux. De nouvelles propositions seront ainsi soumises aux palais des clients comme un maquereau à la moutarde. Le chef a décidé de ne plus servir de poissons dits nobles au profit d’espèces méconnues ou peu travaillées dans l’univers feutré des restaurants étoilés.

L’Auberge des Glazicks

7, rue de la Plage

29550 Plomodiern

www.aubergedesglazick.com

L’Auberge des Glazicks

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