Thibaut Sainclair : l’amiral d’eau douce
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Homme d’initiatives, Thibaut Sainclair, 48 ans, directeur général des Bateaux mouches, travaille à rajeunir l’image de cette compagnie leader de la navigation fluviale à Paris. Sous son impulsion, le siège de l’entreprise s’est transformé en lieu événementiel.
En janvier, la presse gastronomique parisienne amenée à découvrir la nouvelle carte imaginée par Christian Etchebest au Club, le restaurant installé dans le siège des Bateaux-Mouches, a eu la surprise de découvrir le directeur général de l’entreprise, Thibaut Sainclair, apparaître en grande tenue écossaise. Revêtu d’un kilt, portant d’imposantes bagues et arborant une barbe de hipster et un impressionnant catogan, le patron des Bateaux-Mouches n’aurait pas déparé dans cette tenue comme acteur dans le film Highlander . Il s’en amuse et assume un certain anticonformisme. Fan du groupe Guns N’ Roses, il apprécie les accoutrements excentriques. Il revendique un sentiment de liberté, qui a guidé jusqu’à présent son existence. Tout en pratiquant des métiers très sérieux comme promoteur immobilier en Belgique, ou aujourd’hui responsable de la principale flotte fluviale parisienne, Thibault Sainclair n’a pas renoncé à l’originalité. Dans sa jeunesse, par exemple, il a pratiqué le culturisme en compétition durant treize ans et a même décroché un titre de vice-champion de Belgique. Musicien, guitariste et chanteur, il a fait partie de plusieurs groupes et nourrit actuellement l’ambition de réaliser un album avec Manu Lanvin.
Monsieur Mouche
Naturellement, son caractère fantasque et sa volonté entrepreneuriale ont secoué la Compagnie des Bateaux-Mouches sur laquelle il règne depuis un peu près de trois ans avec sa compagne, Charlotte Bruel, présidente de l’entreprise depuis 2003. Pour animer le siège qui occupe un quai de 120 mètres sur trois niveaux, sur le port de la Conférence, à deux pas du pont de l’Alma, il a créé un rooftop baptisé Monsieur Mouche, où il propose un bar à cocktails en partenariat avec le champagne Veuve Clicquot, mais aussi un espace réservé aux bains de soleil en bord de Seine. L’hiver, ce bar, alors baptisé « Hors Piste », prend des allures de station de sports d’hiver. Au sous-sol, Thibault Sainclair a également installé un bar de nuit, le KO. Ces animations du siège, point de départ des 15 navires de la flotte de l’entreprise, sont venues compléter l’ouverture en 2014 du Club, un restaurant fixe qui sert près de 80 couverts/jour. « Je souhaite tirer la quintessence de chaque lieu afin d’en optimiser le potentiel. Nous nous efforçons de dépoussiérer l’image des Bateaux mouches ».
Victime de son succès, la compagnie qui fête cette année ses soixante- dix ans, reste le leader de la navigation fluviale à Paris, en termes de touristes transportés avec 15 millions de passagers, dont 80 % de touristes étrangers. La société qui réalise un CA de 26 M€, emploie de 450 à 600 employés selon les saisons. 11 de ses bateaux sont en mesure d’embarquer chacun un millier de touristes. 4 autres navires intègrent des restaurants et proposent des croisières plus haut de gamme. Mais ce gigantisme et cette organisation bien huilée ont donné aux Bateaux-Mouches une réputation d’usine touristique, alors qu’elle demeure une société familiale, aux mains de la fille de son fondateur, Jean Bruel.
Une société familiale
Ce dernier était un personnage haut en couleur. Ancien résistant, il a créé les Bateaux-Mouches en 1949 pour en faire la principale compagnie touristique fluviale de la capitale. Jean Bruel est aussi connu pour avoir épousé Nicole de Buron, célèbre romancière et scénariste. Le couple a eu deux filles, dont Charlotte, l’actuelle présidente. Jean Bruel était encore aux commandes de son entreprise lorsqu’il est décédé en 2003, à l’âge de 86 ans, d’un malaise cardiaque consécutif à une agression sur l’autoroute.
Depuis lors, sa fille Charlotte dirige la société.
Charlotte Bruel a rencontré Thibaut Sainclair il y a trois ans. Le directeur général des Bateaux-Mouches a toujours partagé sa vie entre Paris et Bruxelles. Né à Uccle, dans la banlieue chic de la capitale belge, d’un père français et d’une mère belge, il est arrivé à l’âge de 6 ans en France, pour revenir en Belgique vingt-quatre ans plus tard et y entamer une carrière dans l’immobilier, activité qu’il poursuit aujourd’hui en parallèle. Lorsque sa compagne lui a demandé de s’investir à ses côtés dans la conduite de la compagnie fluviale, il a relevé le défi et s’efforce de donner du relief à une entreprise qui paraissait trop lisse. Il a procédé à une restructuration des services, créé un service web marketing et a modernisé les process de travail.
Les cuisines accueillent désormais des produits bio. Actuellement, il réfléchit à l’évolution du concept proposé par la Gabarre, un navire de 300 mètres de long. Un autre esquif de la compagnie, le Zouave, pourrait être bientôt transformé pour mettre en œuvre une prestation plus haut de gamme destinée aux clientèles russes et orientales.
Des projets
La compagnie des Bateaux-Mouches s’efforce aussi d’œuvrer en faveur du développement durable.
Deux navires sont déjà équipés de moteurs qui couplent les énergies thermique et électrique. Mais ce dispositif ne permet d’économiser que 8 à 10 % la consommation de fuel seulement. Thibault Sain clair et ses équipes ont réfléchi à une propulsion par moteur à hydrogène. La solution est techniquement viable, mais elle se heurte à l’installation de stations hydrogènes sur la Seine, un dispositif inédit qui requiert une autorisation municipale très délicate à obtenir. Les projets abondent dans les cartons de Thibaut Sainclair. Il y a peu, il s’est déplacé en Inde avec Charlotte Bruel dans le but de présenter les Bateaux-Mouches aux dirigeants de Bollywood, l’industrie indienne du cinéma. Il est persuadé que ses bateaux pourraient constituer un cadre idéal pour des tournages de films indiens. Il note également que la clientèle indienne est en plein développement et, pour encourager cette fréquentation, il travaille à la mise en place d’une proposition culinaire adaptée. Les Bateaux-Mouches qui disposent d’une amodiation jusqu’en 2035 sur les quais parisiens n’ont pas fini de faire rêver les touristes du monde entier.
L’investissement dans un nouveau bateau comme le dernier né de la flotte, Jean Bruel, avoisine les 6 M€.