Le bon scénario du bar à vin

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Comédien, scénariste, Vincent Solignac s’est lancé avec succès dans la restauration en 2012, trouvant là un moyen de mettre à profit son sens du contact et de laisser libre cours à ses penchants hédonistes.

C’est dans une ancienne charcuterie kasher que Vincent Solignac a créé en novembre 2012 son bar à vin, Les Sardignac, rue Richer, face aux Folies Bergère. Le plafond de verre peint, unique vestige de cette époque, serait bien antérieur à ce commerce de bouche. Il daterait du XIXe, époque à laquelle cette boutique abritait sans doute une maison de rendez-vous liée à la clientèle des nombreux théâtres environnants.

Personnage haut en couleur, le patron ne pouvait pas rêver d’un plus bel écrin pour effectuer ses débuts de restaurateur. Il était alors âgé de 48 ans et on ne peut pas dire que son passé professionnel le prédisposait à cette nouvelle carrière, même si chaque bistrot est un théâtre où le patron tient le premier rôle. D’ailleurs, Vincent Solignac exerce toujours parallèlement deux autres professions : comédien et scénariste. C’est même une pointure dans ces domaines.

Il doit son nom aux origines lozériennes de son père dont la famille est originaire de la Villedieu. « Si l’on remonte dans mon arbre généalogique, explique-t-il, on trouve des rouliers et des travailleurs agricoles.

Mon arrière-grand-père a pris l’ascenseur social en devenant instituteur. Mon grand-père et mon père étaient médecins. » C’est à sa mère normande qu’il doit son physique de Viking et son sourire malicieux. À l’âge de 17 ans, il entre au Conservatoire national d’art dramatique de Paris, une vraie performance à un si jeune âge. Auparavant élève en terminale au prestigieux lycée Victor-Duruy, il avait pour camarade de classe Jean-François Copé et Nicolas Barre. Son père le destinait à une grande école, mais Vincent Solignac ne rêvait alors que de brûler les planches. Pour contourner la volonté paternelle et entrer au Conservatoire, il avoue avoir alors usé d’un subterfuge : « Mon père connaissait Vincent Le Guillochet, le patron du théâtre du Lucernaire. Je suis allé le voir en lui demandant de me préparer à l’examen du Conservatoire. En échange, j’ai travaillé pour lui gratuitement durant l’été en régie au festival d’Avignon. Pour faire admettre cela à mon père, je lui ai raconté que les cours de théâtre me seraient précieux pour préparer les oraux d’entrée aux grandes écoles. Lorsque j’ai décroché l’entrée au Conservatoire, il a tellement été bluffé qu’il m’a laissé faire. »

La Comédie-Française

Il s’engage alors dans une voie royale. À sa sortie du Conservatoire, il intègre la Comédie-Française sur la recommandation de Jean-Michel Ribes. Mais déjà, un petit détail vient contrarier ce parcours d’excellence. À vingt ans déjà, Vincent Solignac ne cède pas sa place à table. À 22 ans, il est devenu incollable sur le vin grâce à de nombreuses virées dans le vignoble avec un ami directeur de théâtre à Bordeaux. Ce comportement hédoniste contribue déjà à arrondir sa silhouette et l’éloigne des rôles de jeunes premiers. « On me disait d’attendre la quarantaine ou la cinquantaine pour avoir des rôles à ma mesure, cela me semblait lointain raconte-t-il. Un jour, Antoine Vittez, l’administrateur de la Comédie-Française me convoque pour me donner un tout petit rôle dans le Bourgeois gentilhomme, en m’annonçant que l’aventure allait durer deux ans. J’ai immédiatement démissionné pour aller tenter ma chance ailleurs. »

« Si notre établissement de la rue Richer fonctionne, c’est parce que nous avions tout planifié jusqu’au moindre détail. »

Il va alors mener une riche carrière d’acteur alternant cinéma, théâtre, télévision et tournées. Il joue durant deux ans au Palais-Royal la pièce d’Octave Mirbeau Les affaires sont les affaires. On le retrouve également avec Victor Lanoux dans Mort d’un commis voyageur. Au milieu des années quatre-vingt-dix, il s’essaie avec succès au métier de scénariste pour le cinéma et surtout pour la télévision. On lui doit une vingtaine de films et de téléfilms diffusés. « Si l’on tient compte des projets avortés j’ai dû écrire une cinquantaine de scénarios, indique-t-il. Ma carrière a vraiment décollé en 2002 avec le scénario de Par amour, téléfilm joué par Marthe Keller. J’ai été président de la Guilde des scénaristes. Mon épouse, Emmanuelle Sardou, également scénariste, travaille parfois avec moi. Durant près de quinze ans, nous avons beaucoup écrit et étions un peu las de ce métier quand un ami, homme d’affaires, Jean-Francis Bretelle, m’a proposé de s’associer avec moi dans la création d’un bar à vin. »

Pas de tabou en matière de gourmandise

Après avoir racheté le fonds de commerce, Vincent Solignac et sa femme ont tout cassé et ont investi 200 000 euros pour créer ce restaurant bar à vin dont l’enseigne résulte de la contraction de leurs noms respectifs. Malgré son inexpérience, le restaurateur a su proposer une offre attractive et s’entourer de professionnels dont le chef Xavier Chocq, passé chez Joël Robuchon, qui propose une carte largement composée de plats canailles, comme l’andouillette au chablis. Épicurien, Vincent Solignac n’a pas de tabou en matière de gourmandise. Il décline la tartine de pont-l’évêque ou le gouda aux truffes. Dernièrement, en partenariat avec la maison Prunier, il proposait un shot de 10 grammes de caviar marié avec un petit verre de gin Citadelle ou une des 180 références de vins de la maison.

Derrière le comptoir, on peut suivre les conseils du patron qui n’a pas la main lourde sur les prix et assure « s’en tenir à un coefficient 4 pour les petits vins et moduler sur les vins plus prestigieux. Un pontet-canet que j’achète 30 euros hors taxes, je le revends à moins de 100 euros TTC. »

L’établissement fonctionne au déjeuner sur la base d’une formule entrée-plat à 18 euros et, au dîner, le ticket moyen oscille autour de 30 euros. Grâce à cette politique commerciale et à l’ambiance conviviale, Les Sardignac ont connu dès le démarrage un succès qui ne s’est jamais démenti. En 2014, Vincent Solignac a même été amené à créer un second établissement, Les Sardignac sur le toit, Porte des Lilas. Il a ainsi transposé sa formule sur une terrasse de 500 m², au sommet du cinéma CGR Lilas. Il en garde un souvenir partagé : « On s’est vite aperçu que ce que nous proposions était trop sophistiqué. La clientèle de ce lieu voulait des pizzas et des pintes de bière. Nous avons dû transformer l’établissement en lieu de fête et nous l’avons rebaptisé Sur le toit. C’était une erreur de débutant, nous n’avions pas assez réfléchi au concept. Si notre établissement de la rue Richer fonctionne, c’est parce que nous l’avions pensé en amont et tout planifié jusqu’au moindre détail. »

Cette année, Vincent Solignac a revendu Sur le toit afin de retrouver un peu de temps pour se consacrer à ses métiers d’acteur et de scénariste qu’il n’a jamais cessé d’exercer. Il a joué récemment le rôle du docteur Gonzalès dans la série « Nu », diffusée sur OSC et prépare l’écriture de deux scénarios. L’un serait consacré au vin et l’autre à la gastronomie avec le titre évocateur La Guerre des étoilés. Vincent Solignac a décidément toujours l’art de joindre l’utile à l’agréable…

Le plafond historique des Sardignac

Sardignac

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