Le chef qui joue collectif

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Installé dans le Livradois-Forez, à Augerolles, le président des Toques d’Auvergne, Jean-François Fafournoux, continue à perpétuer l’esprit de l’association auvergnate, qui fêtera ses 40 ans l’an prochain. Le chef des Chênes déchaîne sa passion en cuisine et met un point d’honneur à maintenir des valeurs fortes, comme la transmission et la générosité.

Il préside aujourd’hui les Toques d’Auvergne et son cœur reste fidèlement attaché à ses origines, à son petit village d’Augerolles, dans le Livradois-Forez. Jean-François Fafournoux aime partager sa cuisine, son Auvergne et son expérience. « Nous sommes présents ici, à Augerolles, depuis quatre générations. Mes grands- parents tenaient une auberge et faisaient aussi un élevage de truites autour d’un moulin » , raconte-t-il. Ce sont ses parents qui ont souhaité construire sur l’axe qui relie Courpière à Augerolles, en 1975. Une évolution logique pour capter la clientèle. « Avant, à Augerolles, on comptait 12 bars et 30 commerces » , note le cuisinier. Avec l’exode rural, la vie des villages a changé et, pour se différencier, il fallait gagner en visibilité. La maison servait les mets d’ici, les incontournables truites, symboliques pour la famille, mais aussi les crêpes de ris de veau, les salaisons faites sur place et les omelettes aux girolles. Aujourd’hui, l’Auberge des Chênes se dresse toujours au bord de la départementale et reste un lieu d’étape et de rendez-vous précieux pour les habitants de la région. Avec ce petit truc en plus : le regard aiguisé de Jean-François Fafournoux sur la cuisine actuelle, affûté par ses échanges avec les autres toques.

Avec des grands-parents et des parents dans le métier, on pourrait penser que Jean-François Fafournoux aurait toujours souhaité prendre la relève derrière les fourneaux, « mais quand j’étais petit, je voulais être horloger », signale-t-il. Ce sont finalement les rouages de la cuisine qui vont le happer pour ne plus le lâcher. École hôtelière de Chamalières à 16 ans – « elle venait juste d’ouvrir », se souvient-il -et après de multiples saisons en Auvergne, à Grenoble, à Aubusson en Creuse et à Aurillac, le Puydomois va revenir à 22 ans dans l’affaire familiale. Pour cela, il n’est pas seul, sa femme Muriel l’accompagne alors dans son projet.

Le couple reprend l’établissement deux ans plus tard. Jean-François Fafournoux a 24 ans et amène rapidement sa touche personnelle.

Des rencontres précieuses

Le chef sort rapidement la cuisine de la tradition. Il va finalement enta mer un virage technique qui va tout chambouler. Un virage négocié en équipe, avec les Toques d’Auvergne.

« J’ai découvert grâce à eux qu’il existait autre chose. Je n’ai pas fait degrandes maisons et ces rencontres avecd’autres cuisiniers comme Régis Marcon m’ont beaucoup apporté », dit-il. Le collectif reste une des valeurs phares des Toques, avec la volonté d’aller plus loin, ensemble.

Depuis trois ans, le chef d’Augerolles a d’ailleurs pris les rênes de cette association en devenant président, succédant ainsi au Cantalien Louis-Bernard Puech.

« Nous faisons partie des métiers quiont complètement été bouleversés parla technique, ces dernières années. On se doit de ne jamais cesser de partagernotre savoir », assure-t-il. Les nouvelles techniques exacerbent sa créativité : « Les textures qui changent, tout ça c’est absolument génial. C’est très excitant. » Jean-François Fafournoux a fait évoluer sa cuisine au rythme de ses découvertes, comme la basse température adoptée il y a dix sept ans auprès de Régis Marcon, lorsqu’il est entré dans l’association des Toques d’Auvergne : « Ça a été un choc. Toutes mes cuissons ont changé après ça », assure-t-il. Bercé dans une tradition de cuisine au beurre, le chef a aussi adopté l’huile d’olive, et cherché à adoucir les cuissons. Il prend le temps de laisser le produit s’exprimer.

« On se doit de ne jamais cesser de partager notre savoir »

Le collectif avant tout

Les Toques d’Auvergne lui ont amené sa signature d’aujourd’hui, mais aussi sa vision de la cuisine. Un enrichissement qui n’aurait pas été possible sans cet élan collectif. « Pour moi, on trouve deux types de cuisiniers : les individualités et les autres qui veulent vraiment partager ». De nos jours, l’association regroupe 45 toques « qui aiment donner de leur temps, qui sont généreux, qui acceptent de montrer leurs techniques et de se mettre un peu en danger, résume le président. Leurs actions ? On n’arrête pas ! », sourit-il. Entre événements locaux en Auvergne et voyages pour faire connaître la cuisine auvergnate en Amérique du Sud, au Maroc ou au Canada cet automne, les Toques ne chôment pas pour partager leur savoir-faire et faire valoir leur territoire gour mand. « On a servi 6 000 soupes au stade Marcel-Michelin cet hiver pendant un match, on a transformé la salle des fêtes d’Augerolles en restaurant 3 étoiles en 2017, on a cuisiné au sommet du Puy-de-Dôme, et on devrait bientôt œuvrer sur la scène de la Coopérative de mai. La médiatisation de notre métier a permis d’avoir des propositions plus modernes comme celles-ci. C’était inenvisageable il y a vingt ans », assure-t-il.

L’année prochaine, l’association des Toques d’Auvergne soufflera déjà ses 40 bougies. Et pour célébrer cet événement, un Toque Show sera organisé dans l’Allier, au cœur de la forêt de Tronçais. Depuis sa création par Antoine Sachapt, chef étoilé qui officiait aux Mouflons dans le Sancy, sur la commune de Besse, les Toques ont su garder leur authenticité et leur volonté de partage, de transmission et de valorisation du terroir auvergnat. « Antoine Sachapt avait créé l’association en réponse à un critique gastronomique qui avait dit que l’Auvergne était un désert gastronomique. Ça l’avait énervé », sourit Jean François Fafournoux. Près de quarante ans plus tard, la réflexion n’a plus lieu d’être, et les Toques veillent à cela.

Un repas de Jean-François Fafournoux, œuf parfait, cabillaud, mousse chocolat menthe.

Œuf parfait.

Un repas de Jean-François Fafournoux, œuf parfait, cabillaud, mousse chocolat menthe.

Cabillaud.

Un repas de Jean-François Fafournoux, œuf parfait, cabillaud, mousse chocolat menthe.

Mousse chocolat menthe.

Sur Internet

www.restaurant-les-chenes.com

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