Le sens du partage

  • Temps de lecture : 6 min

Sur le tard, Majd Masri a bifurqué vers la restauration pour découvrir la bistronomie. Après avoir appris son métier chez des chefs connus, ce professionnel de la salle âgé de 36 ans vole désormais de ses propres ailes au restaurant, Chez Vous.

Majd Masri vient de célébrer les dix ans de son restaurant, Chez Vous, rue Choron, Paris 9 . Il n’est pas à l’origine de la création de cette adresse, mais il a su lui redonner un second souffle, fin 2015, en effectuant une relance. Pour ce faire, il s’est appuyé sur les principes de la bistronomie, où il a fait ses débuts dans le métier. « J’ai travaillé plu sieurs années chez Gilles Ajuelos, à la Bastide Odéon et à la Marlotte, confie-t-il. J’ai compris dans ces restaurants que les recettes du succès reposaient avant tout sur de bons produits, une cuisine simple et efficace, mais aussi un bon rapport avec la clientèle. Il est important de se montrer avenant et chaleureux. »

Passionné, sincère et généreux, Majd Masri n’a pas besoin de se faire violence pour accueillir sa clientèle avec le sourire. L’accueil et l’hospitalité semblent innés chez ce jeune professionnel, née n Syrie et arrivé en France à l’âge d’1 an pour vivre une enfance bourguignonne. Chez Vous a été créé par Damien Richardot, propriétaire de plusieurs restaurants, dont Mon bleu, le restaurant fromagerie de la rue Montmartre et le Café Pinson.

En 2015, Majd Masri revenait d’une année sabbatique qu’il avait mise à profit pour effectuer un tour du monde lorsqu’il a rencontré Damien Richardot. Ce dernier lui a confié qu’il projetait l’ouverture d’un corner à l’enseigne du Café Pinson aux Galeries Lafayette. Majd Masri s’étant acquitté avec brio de cette mission, Damien Richardot a songé à lui proposer de diriger Chez Vous qui, à l’époque, était confronté à une sérieuse baisse de fréquentation.

«Il m’a donné trois mois pour redresser la barre. Encas d’échec, j’étais remplacé. Mais il faut croire que cela s’est bien passé », affirme le jeune restaurateur, avec le sourire. Depuis un an, en effet, Majd Masri est gérant de l’établissement et négocie actuellement le rachat de cette adresse qu’il a largement personnalisée.

Une salle modulable.

Cap sur la bistronomie

Professionnel de la salle, Majd Masri a su s’entourer dès le départ d’un chef solide en laper sonne de Benoît Gribanoff. Ce Nancéen, formé par les chefs lyonnais Frédéric Berthod, Christophe Marguin et Mathieu Viannay, est monté à Paris, où il peut se prévaloir de collaborations dans quelques belles adresses bistronomiques. Il pro pose des recettes comme les filets de maquereau grillés au riz complet et aux asperges vertes, ou encore un simple suprême de poulet jaune accompagné de frites au couteau. Sa cuisine reste simple. Au déjeuner, deux for mules (entrée + plat + dessert 21 € ou entrée + plat ou plat + dessert 17 €) orientent le ticket moyen autour de 20 €. Ce dernier monte au dîner à autour de 30 €. Mais alors, l’offre est très différemment structurée. Elle décline des tapas à picorer, mais aussi des plats à partager. Le client peut choisir entre la version normale ou petite de chaque plat. Des formules (37, 49 et 69 €) déclinent 5, 7 ou 10 plats en petit format à partager. «Quand j’allais au restaurant, explique le patron de Chez Vous, j’étais toujours frustré, car je ne pou vais pas tout goûter. Ici, j’ai voulu offrir cette possibilité à mes clients. »

Les assiettes du dîner à partager.

Créer de l’ambiance

Les deux parties de la salle adoptent elles aussi une physionomie différente le soir venu. Au fond, une disposition classique demeure. Mais dans l’entrée et autour du bar, les tables hautes sont repoussées sur les cloisons et les clients restent le plus souvent autour du bar pour discuter, grignoter, danser. « Ce concept représente une manière de créer de l’ambiance, assure Majd Masri. Mes clients qui dînent dans la pièce du fond ont tendance à se joindre aux clients du bar après le repas ». Le patron a progressivement trouvé sa place derrière le bar dans cette organisation. Non seulement il s’agit d’un poste stratégique pour animer la salle, mais de surcroît, il a pris goût à la mixologie en arrivant dans l’établissement.

« Il est important de se montrer avenant et chaleureux »

Oscar Quagliarini, un spécialiste de cette discipline travaillant chez Professore, un restaurant voisin, lui a communiqué la passion des cocktails. Derrière son comptoir en étain signé Nectoux, Majd Masri propose une carte d’une vingtaine de cocktails, mais il adore pardessus tout créer des recettes personnalisées en discutant avec les clients.

Enfance bourguignonne

Lejeune patron est un commerçant-né qui s’enrichit humainement au contact des autres. Son arrivée dans le secteur de la restauration relève presque du hasard. Venue de Syrie, sa famille s’est installée à Dijon, où son père a ouvert un restaurant libanais avant de se lancer dans le commerce. Majd Masri reconnaît avoir alors pris goût au métier de restaurateur, sans pour autant vouloir exercer ce métier. Il a suivi des études de biologie et obtenu un master d’écologie. Il ne regrette en rien cette période et s’efforce aujourd’hui de conjuguer dans son établissement écologie et restauration. Une première expérience professionnelle réussie comme responsable régional de l’Ofup à Besançon lui vaut une promotion dans l’organisme à Paris. Il change ensuite de voie pour travailler dans le courtage d’assurance. Mais très vite, ce métier, qui l’éloigne du terrain et du contact client, l’ennuie. Un ami qui travaille à la Bastide Odéon, haut lieu de la bistronomie parisienne, le persuade de rejoindre l’équipe de salle. Il reste ainsi plus de deux ans au service de Gilles Ajuelos, avant de rejoindre Gilles Choukroun, puis Christian Etchebest à la Cantine du Troquet. À chaque poste, il apprend de nouvelles choses, qui lui permettent de progresser professionnellement. « J’ai évolué dans un réseau très humain, reconnaît-il. J’ai eu la chance de travailler dans un milieu où les gens se respectaient et s’appréciaient. » Fort du succès de Chez Vous, cet entrepreneur envisage déjà de créer un second restaurant, très différent.

Toujours inscrit dans le courant de la bistronomie, cet établissement déclinerait la cuisine de son pays natal, la Syrie. Il regrette notamment que les Parisiens ne disposent que d’une vision tronquée de la cuisine moyen-orientale, avec les restaurants libanais présents dans lac api tale. Pour se lancer dans cette nouvelle aventure, il sait qu’il doit absolu ment transmettre sa passion à ceux qui travaillent à ses côtés afin de pouvoir leur confier un jour des responsabilités. «Cela fait partie du cycle de travail », explique-t-il.

Le chef, Benoît Gribanoff.

PARTAGER