Le tournant bistronomique

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La semaine dernière, Jorge Silva a rouvert le Brasilia dont il a repris la gérance libre. Ce professionnel chevronné de la brasserie a tiré les leçons de la crise de la Covid-19.

En toute logique, derrière le comptoir du Brasilia, on trouve désormais un patron lusophone. Le 2 septembre dernier, Jorge Silva, 47 ans, a rouvert ce petit bistrot de l’avenue de l’Opéra, fermé depuis le 14 mars. C’est la troisième gérance libre occupée par ce professionnel. Il devait initialement reprendre l’affaire au 1er avril, mais le confinement en a décidé autrement. Durant l’été, le propriétaire, Denis Letzelter, a préféré effectuer des travaux de rénovation afin que Jorge puisse démarrer sur de bonnes bases.


Le gérant reconnaît que le premier service de l’établissement n’a pas été très actif, mais il espère que la menace de la Covid va reculer : « Je ne critique pas les mesures de prévention. Même si on nous obligeait à fermer à 23 heures, ce serait jouable. Pour moi, il est essentiel que les frontières s’ouvrent et que les touristes reviennent. »

Une clientèle diversifiée


Bien situé à deux pas de l’Opéra Garnier, le Brasilia est en effet largement dépendant de la clientèle des hôtels environnants. Heureusement, il peut compter encore sur la fréquentation des employés des nombreux bureaux voisins. Par ailleurs, le nouveau patron estime que son petit établissement qui off re 28 places en salle et 20 en terrasse n’est pas pour autant pénalisé par l’obligation de distanciation sociale, voire par la fin programmée du chauffage en terrasse à Paris : « Nous fermerons la terrasse durant l’hiver. Nous avons remisé à la cave les panneaux qui permettront de la couvrir. »


En acceptant de reprendre cette affaire, Jorge Silva veut aussi changer de manière de travailler et s’investir dans un lieu à taille humaine. Originaire du Portugal et né dans le 10e arrondissement de Paris, il s’est lancé très jeune dans la voie de la restauration. Dès l’âge de 14 ans, il travaillait durant les vacances scolaires comme plongeur pour gagner un peu d’argent.


À 17 ans à peine, il est allé directement chercher du travail à l’ANPE de Belleville spécialisée dans la restauration. « Une heure plus tard, j’étais en poste, se souvient-il, et je n’ai plus quitté le métier depuis en m’efforçant de toujours progresser. »

« Pour moi, il est essentiel que les frontières s’ouvrent et que les touristes reviennent. »


Jusqu’à l’aube de la trentaine, Jorge Silva s’est cantonné à des postes en salle dans le secteur de la restauration gastronomique ou semi-gastronomique. En 2002, sa carrière connaît un tournant. Gilbert Mathieu, patron originaire de l’Aveyron, l’embauche comme serveur au Rond Point (Paris 11e). « J’ai alors découvert le milieu de la brasserie, qui m’a énormément séduit en raison de la simplicité du travail et des contraintes allégées. Je me suis senti plus libre dans mon travail », explique le gérant. Il estime aussi que Gilbert Mathieu lui a beaucoup appris sur le métier et qu’il lui a laissé sa chance en lui confiant tour à tour la gérance appointée du Rond Point, puis la gérance libre. Il a ensuite offert à Jorge Silva la gérance libre d’un autre de ses établissements, Le Royal (Paris 9e).

L’envie de passer à autre chose


Pendant trois ans, le professionnel a ainsi géré ce bel établissement offrant 120 places assises et bénéficiant du voisinage des grands magasins. À la fin novembre 2019, il a pourtant décidé d’abandonner cette gérance enviable. Il a souhaité passer à autre chose. Dans cette grande brasserie, il était constamment accaparé par une gestion du personnel de plus en plus compliquée. Il a également considéré que l’établissement n’était plus aussi actif dans un quartier alors pénalisé par le mouvement des Gilets jaunes, puis par les grèves. Aussi, épaulé par quelques amis dont les représentants en vins, Philippe Potier et Didier Hastoy, il a décidé de reprendre une petite brasserie où il pourrait déployer une offre bistronomique. Il n’a pas longtemps hésité quand un autre représentant, Vincent Delbouis, lui a proposé l’opportunité de reprendre la gérance du Brasilia.


Non seulement le décor de l’établissement a totalement changé, mais aussi l’offre est totalement réorientée vers la bistronomie. La carte présente désormais des recettes comme le magret de canard au cidre ou le jambon-coquillettes aux truffes. En outre, le patron met en avant une sélection originale de vins. « Aujourd’hui, estime-t-il, les cartes des brasseries parisiennes se ressemblent trop. Il faut amener davantage de saveurs qui viennent d’ailleurs. » Cette façon de personnaliser l’établissement représente aussi une manière de se constituer une clientèle locale fidèle et d’échapper ainsi à la forte dépendance touristique de l’établissement.

Brasilia Café – 36 bis, avenue de l’Opéra 75002 Paris – Tél. : 01 47 42 38 72

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