L’homme qui murmurait à l’oreille des touristes

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À 43 ans, Guillaume Puech dirige Le Royal (Paris 7e), un bistrot de quartier essentiellement fréquenté par une clientèle internationale. Originaire d’Aurillac, le restaurateur met à l’honneur une cuisine traditionnelle française dans son petit établissement d’une quarantaine de couverts. Il a acquis sa renommée grâce au référencement de son restaurant dans certains guides étrangers.

Après des études consacrées aux aménagements paysagers, Guillaume Puech s’est finalement dirigé vers le milieu du CHR. L’envie d’évoluer dans le métier lui a été inoculée telle un virus : dans le Cantal, Guillaume Puech côtoyait de nombreux compatriotes liés à l’univers de la restauration. Durant sa jeunesse, il accompagnait ses parents pour rendre visite à leurs amis cafetiers dans la capitale. Le Cantalien garde notamment un souvenir vivace de L’Atlas, où il ramassait les pièces de monnaie abandonnées sur le sol. « Ces souvenirs que j’ai conservés m’ont inconsciemment mené vers le métier de restaurateur. En plus, j’avais une image très dynamique de Paris, c’était un autre pays », explique-t-il avec malice. Guillaume Puech a finalement mis le pied à l’étrier lorsque ses parents ont racheté La Préfète, à Salers. Pendant les saisons estivales, il donnait un coup de main salvateur dans l’établissement familial. En 1999, le restaurateur décide finalement de tenter sa chance à Paris comme garçon de café. Il rejoint alors Au Père Tranquille, à Châtelet : « J’ai cru que j’allais repartir le lendemain. Ce n’était pas vraiment mon truc, le service était très différent de ce que nous faisions à Salers ! » Il a d’abord débuté comme plongeur, avant d’investir dans un costume de serveur parisien. Lors de son premier service au Père Tranquille, le responsable de la salle lui a simplement passé un tablier autour de la taille avant de le pousser dans le grand bain.

Patiemment, Guillaume Puech tisse des liens avec les différents acteurs auvergnats du CHR parisien. Il est alors placé chez les Tafanel, à la Rotonde, dans le quartier de Montparnasse. Le Cantalien atterrit ensuite au Petit Suisse, un bar tabac restaurant. Préférant déjà l’univers populaire du zinc, il délaisse peu à peu sa tenue de serveur. « Je ne voyais pas d’évolution en tant que garçon et je ne me sentais pas vraiment à l’aise », confie Guillaume Puech. Après le Petit Suisse, le patron du Royal enchaîne alors les maisons pour de courtes expériences avant que ses parents ne décident de vendre La Préfète pour investir à Paris. « Les différents patrons que j’ai connus m’ont beaucoup marqué et appris. Je pense à Laurent Tarrisse (Au Père Tranquille), Serge et Gérard Tafanel (La Rotonde) ou encore Marc Blavignac (Au Vieux Châtelet). J’ai appris le métier sur le tas grâce à eux », ajoute-t-il.


Première expérience de patron

En 2004, la famille Puech fait ainsi l’acquisition du Lucky, un bar tabac situé rue d’Aboukir, en plein quartier du Sentier. Guillaume et ses parents conserveront l’affaire pendant près de quatre ans avant de jeter l’éponge peu de temps avant la forte augmentation du prix du tabac. « Nous nous sommes dits que cela devenait trop contraignant. Il fallait avancer les fonds pour l’achat du tabac. Par voie de conséquence, nous avions beaucoup d’argent qui dormait en cave et les tentatives de cambriolage étaient récurrentes », se souvient l’Auvergnat. Souhaitant se consacrer exclusivement à la restauration, Guillaume Puech décide de racheter le fonds de commerce du Royal, rue de Grenelle, dans le 7e arrondissement de Paris, en 2005. Au début, le tenancier évoluait aux côtés de sa mère, mais, petit à petit, il a racheté ses parts. Il est aujourd’hui seul propriétaire de cette affaire où 80 % de la clientèle est touristique.

Par le passé, le Royal était animé par des restaurateurs portugais qui avaient conféré une âme communautaire à l’établissement. Du jour au lendemain, en faisant évoluer les lieux, Guillaume Puech a perdu la majeure partie de cette clientèle. Les débuts se sont donc révélés compliqués, dans un contexte où l’établissement nécessitait d’importants travaux de rénovation. « Petit à petit, nous avons reconstitué une clientèle tout en réalisant des travaux par vagues. Nous avons aussi racheté du matériel, il a fallu remplacer plusieurs outils pour rendre la cuisine de nouveau fonctionnelle », commente-t-il. Le Royal arbore aujourd’hui un comptoir en chêne massif, coiffé d’un bar en cuivre patiné. Son faux plafond a été détruit au profit du plafond d’origine et les murs ont eux aussi été habillés de bois de chêne. C’est à Alain Frillière, un menuisier d’Aurillac aujourd’hui retraité, que l’on doit cette réalisation.

« Si j’ai des prix aussi serrés, c’est que je vais à Rungis »

Un amoureux de Rungis

Guillaume Puech fait partie de ces restaurateurs particulièrement attachés aux produits frais et de saison. Même s’il ne passe jamais derrière les fourneaux, il tire parti d’une parfaite connaissance des produits acquise notamment au Marché de Rungis. Le Cantalien continue ainsi de travailler avec les mêmes grossistes depuis quinze ans, à l’instar de GRG Maison des viandes ou de Demarne pour les produits de la mer. Concernant les fruits et légumes, Guillaume Puech affectionne le Carreau des producteurs, où l’on dégotte parmi les plus beaux produits franciliens. La qualité des assiettes et leurs petits prix sont appréciés de la clientèle. Petit à petit, le Royal, qui n’était ouvert que le midi, a accueilli la clientèle le soir, jusqu’à atteindre une moyenne de 100 couverts par jour, malgré ses 38 places assises. Guillaume Puech a aujourd’hui réduit le nombre de services en fermant le dimanche ; il assure aujourd’hui l’activité de son établissement grâce à quatre salariés, dont deux cuisiniers (un le midi et un le soir). Le restaurateur propose une formule à 12,90 € (entrée + plat ou plat + dessert), ainsi qu’une formule facturée 15,90 € comprenant une entrée, un plat, un dessert et une boisson offerte. « Ce qui explique que j’ai des prix aussi serrés, c’est que je vais à Rungis et que je maîtrise mieux le coût de mes matières premières », assure-t-il. Les touristes se régalent ainsi de bœuf bourguignon, de tête de veau ou de blanquette… Le ticket moyen oscille autour de 15 €. Contrairement à certains de ses confrères, Guillaume Puech n’entend pas développer de nouvelles affaires. « Je n’ai pas envie de changer ou de gagner plus d’argent », conclut-il modestement.

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