Traiteur de l’instant, Michel Beltoise a développé une prestation originale sur le plan des décors, mais aussi de la cuisine. La crise sanitaire a stoppé en plein élan ce personnage haut en couleur qui continue à transmettre une joie de vivre très « seventies ». Il n’a aujourd’hui qu’une hâte : repartir sur les routes pour organiser des réceptions.
À l’âge où des représentants de sa génération sont depuis longtemps installés dans le confort d’une paisible retraite, Michel Beltoise ronge son frein durant cette période d’activité forcée. À 75 ans, il a hâte de repartir animer les réceptions avec ses équipes et de revoir rouler les camions qui dorment sur le parking depuis un an. « C’est un cauchemar, décrit-il. Il ne se passe rien. Seule éclaircie : nous recommençons à faire des devis. » Les 7 employés permanents sont au chômage partiel et malgré la parenthèse estivale, 90 % du CA annuel (2,7 M€) sont partis en fumée. Pourtant il remercie le Gouvernement qui lui a donné les moyens de résister à ce choc de grande ampleur. Tous les jours, ce patron se rend dans son bureau avec sa fille, Sandrine, à qui il a transmis la direction de l’entreprise depuis 2019. Ils expédient les affaires courantes, maintiennent les locaux en l’état et veillent sur une imposante collection de brocantes et d’antiquités que Michel Beltoise collectionne depuis des années.
5 000 objets anciens
Sa société, située à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), au bout des pistes d’Orly, dispose en effet d’un entrepôt transformé en Cour des mirages. On avance de salle en salle avec des décors différents allant du saloon à la grotte préhistorique, avec plus de 5 000 objets anciens destinés à agrémenter les réceptions ou à être loués à des décors de cinéma. Dans la cour on découvre une trentaine de charrettes rustiques dont trois de pompes funèbres et un alambic ambulant. La collection pirogues comprend 1 000 masques africains, 300 statuettes de singes et 40 fauteuils en cornes de zébu. Ces collections font la fierté de Michel Beltoise. Il y puise l’imaginaire des décors qui font toute l’originalité de sa prestation. Mais cet antre n’est pas la seule particularité de la maison. L’entreprise dispose bien sûr d’un laboratoire, mais cette zone est secondaire. Une grosse partie de la cuisine est réalisée en direct sur des stands devant les clients. Ainsi la côte de bœuf, grillée au feu de bois, a fait la réputation de la maison. Il estime en avoir vendu près de 80 000 dans sa carrière. Plus artiste qu’entrepreneur, le traiteur de Villeneuve affiche une carrière pleine d’aventures. Il avoue : « La passion du métier vient de mon goût pour la fête. » Né dans une famille de bouchers de la rue Saint-Honoré, à Paris, il avait trois frères. L’un de ses aînés n’était autre que le coureur automobile Jean-Pierre Beltoise. Ce dernier entraînait régulièrement la fratrie vers les circuits de motos, puis d’automobiles. Les quatre enfants ont connu des carrières gravitant autour du sport mécanique. Dans le sillage de son frère Jean-Pierre, Michel est devenu champion de France de moto en 125 cm. Mais à moins de 20 ans, il a choisi un autre destin en créant en 1964 un restaurant à Villeneuve-le-Roi. N’ayant pas encore atteint la majorité de l’époque, il dut se faire émanciper pour mener à bien le projet.
« Aucune erreur de parcours à me reprocher. »
Michel est revenu dans l’orbite des sports mécaniques quelques années plus tard. Par l’intermédiaire de son frère devenu entretemps le plus célèbre des pilotes français, il crée avec son épouse Noëlle le restaurant Le Charolais non loin du circuit de Magny-Cours (Nièvre). L’arrivée dans ce milieu lui permet de rencontrer Moustache, célèbre comédien et musicien de jazz qui avait créé le Star Racing Team, une série de compétitions automobiles à laquelle participaient les stars de l’époque. Il est ainsi devenu le traiteur attitré des courses. « Je n’avais pas de laboratoire, se souvient-il. J’arrivais avec une simple remorque. Je réalisais tout sur place : côtes de bœuf, cuisson de tourteaux… » Michel Beltoise s’est ainsi constitué un joli carnet de relations qui lui a permis de développer son activité de traiteur. Mais parallèlement cet homme infatigable a ouvert plusieurs restaurants, dont un club de jazz parisien. Il y a trente ans, il a réalisé l’exploit de servir simultanément 27 000 personnes en coordonnant des équipes dans 19 villes différentes. Il trouve son bonheur en surmontant les difficultés. « C’est un métier stressant, avoue-t-il. Tout se réalise à la minute et nous n’avons pas le droit de ne pas être prêts. Depuis mes débuts je n’ai aucune erreur de parcours à me reprocher. » Le traiteur reconnaît volontiers qu’il est meilleur créateur que gestionnaire. C’est la raison qui l’a poussé à la fin des années 1990 à s’associer avec Gérald Clamens pour créer cette entreprise de traiteur qui rayonne aujourd’hui dans toute l’Île-de-France. C’est aussi une réussite familiale. Sa fille Sandrine a déjà pris les rênes de la société alors que son fils William dirige des décors des réceptions. Le patriarche a aussi la satisfaction de voir sa seconde fille, Virginie, patronne d’un restaurant aux États-Unis.