Mutti France : « Le CHR est au cœur de notre stratégie »
- Temps de lecture : 4 min
En France, l’histoire de Mutti s’est écrite d’abord dans les cuisines des restaurateurs. Aujourd’hui encore, le marché des CHR est un levier clé de la croissance de la marque. Entretien avec Sophie Badault, directrice générale de Mutti France, sur les enjeux, les priorités et les ambitions du groupe.
Le marché CHR joue un rôle central pour Mutti France. Pouvez-vous nous expliquer son importance stratégique et son évolution ?
Le CHR est au cœur de notre stratégie. En France, il représente 39 % de notre chiffre d’affaires, soit près de 30 millions d’euros sur un total de 83 millions en 2024, avec une croissance de 5 % sur ce canal. C’est un pilier fondamental, d’autant que la France est devenue le premier marché en CHR du groupe Mutti [17 % en Italie, NDLR]. Ce n’est pas un hasard car l’histoire de Mutti en France s’est construite dans les cuisines des restaurants. Notre notoriété est née auprès des chefs, avant de s’étendre au grand public.
Notre filiale française a été fondée en 2013, mais nous étions présents dès les années 1960 grâce à Marcello Mutti, qui a débuté cette aventure de manière artisanale, en sillonnant les routes de France avec sa camionnette, pour faire découvrir nos produits aux restaurateurs. C’est cette proximité, cette passion, qui nous anime toujours. Aujourd’hui, notre petite équipe de 20 personnes en France nous pousse à être agiles. Pour couvrir le terrain, nous nous appuyons sur un réseau de grossistes et de courtiers, tout en maintenant une vraie proximité avec les professionnels.
Comment Mutti construit-elle sa croissance et fidélise-t-elle les restaurateurs ?
Notre conviction est simple : goûter, c’est nous adopter. Nos produits parlent d’eux-mêmes. Une fois qu’un restaurateur les intègre dans sa cuisine, le taux de fidélité est remarquable. C’est la force de notre approche, la qualité avant toute autre chose. Nos axes de développement sont clairs. D’abord, faire connaître la marque: même si Mutti est déjà bien implantée dans le CHR, il reste encore beaucoup à faire pour étendre notre visibilité. Ensuite, élargir notre diffusion, en nous rendant présents dans le plus grand nombre possible d’établissements. Enfin, faire connaître toute l’étendue de notre portefeuille pour accompagner les chefs dans une variété d’usages.
Quels sont les produits phares en CHR et quelles innovations ont marqué ce marché ?
En CHR, nos deux produits emblématiques sont la sauce pizza et la pulpe de tomate. Mais notre ambition va au-delà. Une innovation marquante a été notre Tomate Cubi di Pomodoro, un cube de tomate en saumure qui reproduit l’expérience de la tomate fraîche découpée. C’est un produit qui répond parfaitement aux besoins des restaurateurs. Il est disponible toute l’année, très pratique à utiliser, ce qui est un atout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Nous proposons aussi des sauces prêtes à l’emploi, pensées pour faciliter le quotidien des professionnels sans compromettre la qualité. Mais contrairement au marché de la grande distribution, où l’innovation doit être continue, dans le CHR, notre objectif est de prendre le temps d’installer les bons produits, ceux qui apportent une véritable valeur ajoutée. Le restaurateur veut une matière première de très haute qualité, qu’il pourra personnaliser selon son identité culinaire. Nous respectons cette logique artisanale.
Comment garantissez-vous la qualité, la traçabilité et les engagements environnementaux de Mutti ?
La qualité et la traçabilité sont inscrites dans l’ADN de Mutti depuis sa fondation en 1899. Toutes nos tomates sont cultivées en plein champ, exclusivement en Italie, dans un rayon moyen de 100 kilomètres autour de nos trois usines, deux en Émilie-Romagne, une dans le sud du pays. Elles sont récoltées au cœur de la saison, et transformées dans un délai moyen de six heures, ce qui garantit une fraîcheur exceptionnelle. Nous collaborons avec 800 agriculteurs partenaires, souvent depuis plusieurs générations. Nous leur offrons une rémunération moyenne supérieure de 13 % au prix du marché, afin de garantir un produit d’une qualité irréprochable.
De plus, notre service agriculture interne travaille à leurs côtés pour optimiser les rendements, anticiper les récoltes et intégrer les meilleures pratiques. Sur le plan environnemental, depuis 2010, avec WWF, nous réduisons la consommation d’eau grâce à des outils innovants comme des capteurs d’humidité. Nous accompagnons nos agriculteurs dans cette gestion optimisée. Toute notre production est en agriculture raisonnée, et 10 à 15 % en bio. Nous sommes également prêts à répondre à une demande croissante de produits sans résidus de pesticides.
Quels sont les défis actuels et les perspectives de Mutti France ?
Le principal défi cette année a été la mauvaise récolte 2024. Cela a engendré des ruptures de stock, notamment sur notre sauce pizza, et nous en subissons les conséquences jusqu’à la prochaine récolte. Mais c’est aussi le reflet de notre engagement: nous refusons de sacrifier la qualité, quitte à vendre moins. Malgré cela, nous continuons à croître : +17 % en 2024, et déjà +6 % au premier semestre 2025. Il reste un potentiel énorme, notamment via nos produits « mastodontes » comme la sauce pizza et la pulpe, mais aussi à travers la diversification de notre gamme et l’optimisation des formats.
Nos produits sont disponibles en boîtes ou en poches souples, qui sont très pratiques, faciles à stocker et plus légères à recycler, donc moins taxées. Mutti reste peu connu en grande distribution, ce qui offre un vrai levier de croissance, complémentaire au CHR. À l’international, la France reste la première filiale du groupe (13 % du chiffre d’affaires) et l’Allemagne progresse aussi. Enfin, Mutti demeure une entreprise familiale portée par Francesco Mutti, dont le nom engage une exigence personnelle de qualité.