Il est sans doute l’un des chefs les plus talentueux de sa génération. Avec un parcours déjà riche, de palaces prestigieux aux tables étoilées, il ne cesse de repousser les limites. Aujourd’hui, il prépare l’ouverture de son restaurant au cœur même du marché de Rungis. Un projet audacieux qui marque un nouveau chapitre dans sa carrière.

Nicolas Sale est né rue des Martyrs, en plein cœur du 18e arrondissement. « J’aime dire que je suis un Parisien, mais avec une mentalité de banlieusard ou de provincial », s’amuse-t-il. Il grandit effectivement dans la banlieue nord-est de la capitale, entre Pantin, Aubervilliers et La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Très vite, il fait ses armes dans le centre de Paris, aux côtés de grands noms, dont Alain Senderens, Pierre Gagnaire et Marc Marchand. Après s’être perfectionné dans des établissements renommés, comme le Meurice (Paris 1er) et le V (Paris 8e) de Philippe Legendre, il prend son envol en devenant chef de cuisine à l’hôtel Hyatt Paris-Madeleine (Paris 8e) en 2003. Puis, il ressent l’appel du sud de la France. « J’avais envie de voir ce qu’il se passait ailleurs », commente-t-il.
C’est dans le Var, au Monte-Cristo de l’hôtel du Castellet, qu’il obtient sa première étoile Michelin en 2006. Un succès qu’il réitère peu après à la Maison du Pêcheur au Cap d’Antibes (Alpes-Maritimes). Ces récompenses marquent le début d’une ascension fulgurante. En 2010, il pose ses valises en Savoie, à Courchevel, où il décroche une nouvelle étoile pour La Table du Kilimandjaro. Sa cuisine, à la fois inventive et profondément respectueuse des produits, s’enrichit au fil de ses voyages et de son attachement à cette région. Puis, l’année 2013 constitue un tournant dans sa carrière. Nicolas Sale devient alors le chef le plus étoilé de Courchevel, cumulant deux étoiles pour La Table du Kilimandjaro et deux pour le Kintessence, au sein des hôtels K2 et Kilimandjaro.
Cette consécration confirme dès lors son statut de figure incontournable de la gastronomie française. En 2015, guidé par son instinct, il décide de retourner à Paris pour relever un nouveau défi. « J’ai su que c’était ce que je devais faire, retourner en plein centre et vivre une nouvelle aventure », explique-t-il. Le chef rejoint alors le Ritz Paris (Paris 1er) pour piloter la réouverture du palace après quatre années de rénovation.
Dès 2016, il prend les rênes des quatre restaurants de l’établissement, succédant à Michel Roth. Son talent est immédiatement salué : Le Jardin de l’Espadon obtient une étoile Michelin, tandis que La Table de l’Espadon en décroche deux. En 2017, il est sacré chef de l’année, confirmant son influence et son rayonnement dans le monde culinaire. Mais après six ans passés aux commandes des cuisines d’exception du Ritz Paris, il choisit de prendre un nouveau virage dans sa carrière et quitte l’établissement en mars 2021. « J’aime Paris, mais c’est devenu trop bling-bling », s’amuse-t-il.
Son nouveau projet en témoigne. Loin des palaces parisiens, mais au cœur du plus grand marché frais d’Europe, il s’est lancé un défi de taille, un restaurant trois-en-un situé dans les allées du Marché international de Rungis (MIN). Ce projet unique en son genre s’articule autour de trois espaces distincts, mais complémentaires : une cantine conviviale, un container food et une table gastronomique cachée.
Au centre, une cuisine ouverte de 100 m2, visible de presque partout, qui joue le rôle de pivot. « Cette grande cuisine sera le cœur de tout, tout le monde pourra la voir, nous n’avons pas d’aboyeur, le service se fera dans le calme », explique-t-il. La cantine, avec « Mon terrain de jeu, c’est le produit.» ses 130 places, mettra en avant les produits des différentes halles du marché, dans un esprit de partage et de convivialité. « 90 % des plats seront à partager, mais il y aura aussi un menu égoïste pour ceux qui préfèrent garder leur assiette pour eux », précise-t-il.
L’idée est de créer une ambiance chaleureuse où les clients pourront déguster une variété de plats, tous disposés au centre de la table. Le restaurant gastronomique, quant à lui, se veut une expérience hors du commun. Dissimulé derrière une porte secrète, il repense entièrement les codes du service. « Nous serons six pour douze couverts, et ce sont les cuisiniers qui assureront le service », explique le chef. Ici, pas de menu à l’avance, mais une expérience immersive à 300 € tout compris, où les plats sont révélés au fil du repas, pour surprendre et émerveiller. Enfin, le container food apporte une touche de modernité en réinventant la street food à la française.
Le chef veut y proposer des plats dans un format accessible et rapide, avec un prix moyen de 15 €. Le tout en faisant honneur au lieu dans lequel il se trouve. « Je suis à 50 mètres de la marée et je vais à pied chercher mes légumes », souligne-t-il. Sa philosophie repose ainsi sur la sélection rigoureuse des meilleurs produits, en privilégiant la diversité et en misant sur l’échange : « Il faut écouter tout le monde. Mon terrain de jeu, c’est le produit. » Au-delà de cette ambition culinaire, Nicolas Sale souhaite également rendre Rungis plus accessible au grand public. « Beaucoup pensent que le MIN est réservé aux professionnels, mais ce n’est pas le cas. Tout le monde peut venir découvrir ce lieu unique, et je veux montrer que Rungis est aussi un endroit où l’on peut vivre une expérience gourmande et conviviale », conclut-il.