Olivier Nasti, à la volonté !

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Olivier Nasti, 54 ans, représente une valeur montante de la gastronomie dans une Alsace désormais dépourvue de restaurant trois étoiles Michelin. Pas décidé à jeter l’éponge devant l’épidémie, il a mis en place un drive et a lancé un concept de Nuits gastronomiques organisées pour des duos de clients dans les chambres de son hôtel.

Le premier confinement a stoppé net l’élan d’Olivier Nasti. Ce boulimique de travail s’est retrouvé du jour au lendemain sans horizon. « J’ai vite compris que quelques semaines pouvaient mettre en péril un travail de très longue haleine, reconnaît-il. J’étais à la fois perturbé sur le plan économique et psychologique. C’est pourquoi j’ai décidé de reprendre immédiatement le chemin du travail. » Heureusement pour lui, la reprise fut très dynamique cet été dans son village touristique de Kaysersberg. La proximité de l’Allemagne et de la Suisse a attiré une clientèle importante dans son hôtel-restaurant de 33 chambres, Le Chambard. Le carnet de réservations de l’établissement se remplissait à une vitesse déconcertante. Mais quand est venu le deuxième confinement, pas question pour Olivier Nasti de raccrocher son tablier de cuisinier. Dès la fermeture au mois de novembre, il a mis en place une épicerie gastronomique dans la salle de son restaurant. Non seulement, cette nouvelle activité a apporté à l’entreprise une source appréciable de revenus, mais elle a redonné le moral au chef qui ne supportait plus de voir tous les matins cette grande salle vide et silencieuse. Olivier Nasti a également mis en place un drive où il propose une offre plus simple, proche de celle de son second restaurant, la Winstub du Chambard. Bien sûr, avec ses activités, il ne compense pas son recul de CA, mais il parvient à limiter la casse. En décembre, il est parvenu à réaliser 40 % du CA qu’il enregistrait à la même période de l’année précédente. « C’est une performance, car nous progressons à coups d’encaissement de 30 à 50 €, très éloignés du ticket moyen de 240 € du Chambard », souligne le chef.

Le cuisinier n’a pas renoncé pour autant à l’exercice gastronomique. Il a ainsi imaginé de restaurer les clients dans les chambres de l’hôtel. Il a sélectionné les 16 plus grandes chambres pour décliner une prestation originale, les Nuits gastronomiques. Moyennant 990 €, un couple de clients peut bénéficier d’une nuitée avec petit déjeuner et tea time durant laquelle sera servi un repas gastronomique arrosé au champagne Deutz. L’ensemble de la prestation est animé par un majordome dédié, capable de produire un test PCR négatif récent. Olivier Nasti a profité de la Saint-Valentin pour lancer le concept et devant le succès de l’opération, il a décidé de rééditer cette proposition tous les week-ends de mars.

« Nous progressons à coups d’encaissement de 30 à 50 €. »

Cette détermination reste une constante dans la carrière de ce cuisinier natif du Territoire de Belfort. Dès l’âge de 12 ans, le week-end et les jours de vacances, il va faire les foins, livrer les journaux ou le pain et y prend goût.

À l’adolescence alors qu’il rêve de devenir agriculteur, sa mère, comptable, préfère l’orienter vers le CFA d’hôtellerie de Belfort où il a la chance d’être placé en apprentissage chez Dominique Mathy chef du Château Servin, un établissement alors gratifié de 2 étoiles Michelin. « Au départ, la cuisine ne me faisait pas rêver, avoue-t-il. J’aurais aussi bien pu devenir mécanicien. Mais c’est la rigueur du travail qui m’a été inculquée dans cet établissement qui a fait naître en moi la passion de la cuisine. » Dès lors, Olivier Nasti ne va plus quitter la piste aux étoiles, passant ainsi dans des maisons comme Olivier Roellinger, à Cancale, le Sheraton, au Luxembourg, ou encore au South Croydon, à Londres. C’est aussi à cette époque qu’il passe dans deux maisons alsaciennes le Schillinger, à Colmar et l’Auberge de l’Ill, à Illhaeusern.

Il prend goût à cette région et parvient en 1993 à racheter le Caveau d’Eguisheim qu’il exploite durant sept ans. C’est en 2000 qu’il débarque à Kaysersberg en faisant l’acquisition du Chambard, maison dans laquelle il peut donner la pleine mesure de son talent. La première étoile Michelin vient en 2005 et la seconde en 2014. Entre-temps, le chef obtient en 2007 le titre de MOF à sa troisième tentative. Une nouvelle preuve de sa ténacité légendaire. « Encore, rappelle-t-il, je n’ai pas disputé le concours l’année de la reprise du Chambard. C’est donc une quête qui s’est étendue sur 15 ans. »

En 2017, le Chambard a intégré les Grandes tables du monde. Une reconnaissance dont Olivier Nasti rêvait depuis son passage à l’Auberge de l’Ill, membre de cette association. Il ne reste désormais à ce cuisinier qu’une dernière marche à franchir : la troisième étoile Michelin. Avec pugnacité, il met tout en œuvre pour tendre vers cet objectif. Il consacre toute son énergie à sa maison. Il a même laissé de côté ses diversifications comme sa boutique consacrée à la célèbre pâtisserie locale, le Kougelhopf ou encore la chaîne de flammekueches, Flamme & Co, restaurant spécialisé de flammekueches qu’il a créé en 2006 avant de revendre ses parts à un associé. Il a ainsi su se donner les moyens de son ambition suprême.

Le Chambard : 9-13, rue du Général-de-Gaulle, 68240 Kaysersberg – www.lechambard.fr

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