Passage de témoin

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À Saint-Julien-Chapteuil, un petit village de Haute-Loire situé non loin du Puy-en-Velay, les gourmets peuvent se délecter des plats du restaurant Vidal. Aux manettes de cette maison familiale comprenant une table gastronomique et un bistrot, on retrouve la famille Vidal.

La Maison Vidal a été lancée à la fin des années 1950 par Odette Vidal, la mère de Jean-Pierre Vidal. Au début, il n’y avait pas d’offre de restauration. Il s’agissait d’un simple débit de boissons auquel s’ajoutait la vente de tabac et de produits d’épicerie. Durant 40 ans, elle a ainsi servi des verres aux touristes comme aux locaux. « Ce n’est qu’en 1984 que nous avons créé le restaurant et petit à petit transformé la partie bar en un bistrot », explique Jean-Pierre Vidal. Ce dernier se souvient ainsi « d’une autre époque » où Odette Vidal écoulait plus de 1 000 bouteilles de Ricard par an tandis que les clients fumaillaient allègrement leur gitane accoudés au zinc. Les lieux ont même abrité un baby-foot et un jukebox. « Il faut s’imaginer Saint-Julien-Chapteuil avec ses 6 000 habitants il y a 40 ans (contre 2 000 aujourd’hui). On dénombrait 35 bars dans le village. Certains accueillaient les clients chez eux dans des petits bistrots seulement munis de deux tables ! Les jours de marché, l’intégralité de ces débits de boissons étaient pleins. C’était les réseaux sociaux de l’époque », sourit le chef.

L’activité bar a perduré jusqu’en 2010, avant que les Vidal ne se consacrent uniquement à la restauration. Quelques travaux d’agrandissement plus tard, Jean-Pierre Vidal s’est doté d’une vaste cuisine de plus de 100 m². Avec son fils Aurélien et son épouse Chantal, l’Altiligérien règne ainsi sur le restaurant gastronomique Vidal (ticket moyen de 70 euros) et le bistrot de Justin (ticket moyen de 22 euros), en hommage à son père qui portait ce prénom. Les plats de ces deux établissements mitoyens sortent de la même cuisine. Le bistrot de Justin peut accueillir 50 à 60 couverts tandis que le restaurant Vidal, dont la salle communique avec le bistrot, peut accueillir entre 40 et 50 convives. En salle, c’est Chantal Vidal qui donne le La, épaulée d’une salariée. « Nous pourrions assurer une pointe de 110 couverts, restaurant gastronomique et bistrot confondus. Mais elles ne sont que deux en salle, donc dans l’immédiat ce n’est pas faisable », explique Aurélien Vidal, qui a rejoint ses parents dans la maison familiale en 2016. Le chef trentenaire évolue aujourd’hui avec son père en cuisine. Il est d’ailleurs amené à reprendre les rênes de l’établissement aux côtés de sa compagne Aurélie Moulin, chef pâtissière du restaurant.

De riches parcours

Si Jean-Pierre Vidal est un fin maître queux, son fils apporte une touche de modernité permettant aux deux hommes de déployer une carte qui ne manque pas de relief. Après l’école hôtelière du Puy-en-Velay, Jean-Pierre Vidal s’est formé aux côtés de Pierre Farge au Marcassin, Jean Troisgros à Roanne, Joseph Rostang à Antibes… Il y a appris une cuisine traditionnelle de haute volée, souvent adoubée par trois macarons. « C’était la grande cuisine française des années 1970 et 1980 », se souvient le chef de 58 ans qui dispose d’un BIB Gourmand depuis 1988. Jean-Pierre Vidal est longtemps resté dans l’antichambre de la première étoile. « C’est quelque chose qui me faisait rêver à une époque, mais c’est compliqué. Quand on fait 20 à 30 couverts, ce qui est souvent le cas chez les étoilés, il faut pouvoir en vivre… », commente l’Auvergnat. Le chef de la maison Vidal s’est toujours focalisé sur le produit. Peu adepte de fioritures, il privilégie le goût en toutes circonstances. Ce n’est pas un plat en particulier qui fait sa renommée du mais… une garniture : la purée aux cèpes. « On ne me parle que de ça, par moments je sature », s’amuse-t-il. De son côté, Aurélien Vidal peut lui aussi se targuer d’un parcours placé sous les étoiles. Après l’école hôtelière de Saint-Chély-d’Apcher, il a usé ses casseroles dans différentes maisons. D’abord au Ritz avec Michel Roth, grâce aux recommandations de Guy Legay. « J’ai été placé mais pas pistonné, précise Aurélien Vidal. J’ai commencé commis puis je suis passé par tous les postes. J’ai connu les entrées froides, mais aussi les bars de l’hôtel et les petits déjeuners, puis les plats chauds avant d’enfin arriver à L’Espadon avec Arnaud Faye ». Le destin le conduit ensuite en Bourgogne, chez Eric Pras, mais aussi chez Serge Vieira, à Chaudes-Aigues. Aurélien Vidal se souvient particulièrement de son passage chez l’inénarrable Michel Guérard, l’un des papes de la Nouvelle cuisine : « J’étais chef de partie au garde-manger puis à la viande auprès du MOF Olivier Brulard, un chef très impliqué. Michel Guérard était présent à tous les services. Un jour, nous préparions un canard aux agrumes. Il restait la parure que j’ai eue le malheur de jeter au moment où Michel Guérard a fait son entrée en cuisine. Pendant un interminable quart d’heure, j’en ai pris plein la tête. C’est comme ça qu’on apprend. » Avant de rallier Saint-Julien-Chapteuil, Aurélien Vidal a même eu l’occasion de travailler durant un an chez Daniel Boulud aux États-Unis.

Peu adepte de fioritures, Jean-Pierre Vidal privilégie le goût en toutes circonstances

Poursuivre l’aventure

Après le temps de l’apprentissage et de la transmission, la reprise de la maison Vidal est apparue comme une évidence Dans l’immédiat, Aurélien Vidal cohabite avec son père. Les deux hommes, bien que complémentaires, connaissent parfois de menus accrochages. Aujourd’hui, Jean-Pierre Vidal voit le retour de son fils comme un soulagement après des décennies d’intense labeur. Il sent que le passage de témoin approche. Alors, pas à pas, Aurélien imprime sa marque. « Nous mêlons modernité et tradition, comme le prouve mon entrée en trompe l’œil sur la tomate ou le plat de mon père à base de Fin gras du Mézenc », assure Aurélien. Ce dernier nourrit déjà de grands projets pour la maison Vidal : au 1er étage, de poussiéreuses salles de réception pourraient être transformées en chambres d’hôtel. Quant à l’étoile, elle n’apparaît pas comme une fin en soi, mais Aurélien Vidal ne verrait pas son arrivée d’un mauvais œil.

La tomate en trompe l’œil d’Aurélien Vidal

La tomate en trompe l’œil d’Aurélien Vidal

La tomate en trompe l’œil d’Aurélien Vidal

Restaurant Vidal

Place du Marché

43260 Saint-Julien-Chapteuil

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