Tel père, telle fille

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Morgane Alzérat est la digne descendante de Serge Alzérat, le restaurateur qui a fait de L’Opportun (Paris 14e) un bouchon lyonnais à succès au pied de la tour Montparnasse. La jeune cheffe préside désormais aux destinées de l’établissement, même si son père n’est jamais bien loin pour la seconder.

Déjà présent dans le 14e arrondissement de Paris avec le Millésimes 62, un restaurant qu’il a depuis revendu, Serge Alzérat avait pris la barre de L’Opportun en 1993. De l’ancienne affaire qui trônait là avant son arrivée, il n’a conservé que le nom. « Il s’est dit qu’il était opportun de garder ce nom-là », sourit sa fille, Morgane Alézat, qui œuvre dans le restaurant familial depuis 2016. La jeune femme a pris ses marques et pilote aujourd’hui la cuisine, tout en assurant la gestion du restaurant. Petit à petit, elle s’est imposée comme la nouvelle « patronne », même si Serge Alzérat, 70 ans, accueille encore, de temps à autre, les habitués comme les clients de passage. Cette belle histoire de famille a été mise à l’honneur lors de la sortie du guide Pudlo Paris 2020, où Morgane Alzérat a reçu le prix de la transmission de l’année. La cheffe de 26 ans s’inscrit, à l’instar de son père, dans la pure tradition des bouchons lyonnais. Cet héritage est sans nul doute à mettre au crédit des origines roannaises de la famille Alzérat. Avant de se lancer dans la restauration, la cheff e évoluait dans l’événementiel. « Un jour, j’ai eu un déclic. Je me suis dit que si je ne reprenais pas L’Opportun, personne ne le ferait », se souvient-elle. Rares sont le femmes à assurer la continuité d’établissements de cette nature, ancré dans le terroir et proposant une cuisine traditionnelle qui a inspiré les plus grands chefs, Paul Bocuse en tête. « Dans un contexte où la cuisine se veut tendance, je préfère la cuisine de souvenirs que nous développons à L’Opportun », explique-t-elle. Si la cheffe a appris le métier sur le tard, via une formation accélérée dispensée par l’école Ferrandi, elle a grandi dans l’établissement et en connaît ainsi les rouages : « L’Opportun, c’est un peu comme un grand frère ou une grande sœur. La patte de Morgane Alzérat est perceptible. Sans trahir l’essence de l’établissement, elle s’est employée à dépoussiérer le dressage des plats dans le but d’attirer une clientèle plus jeune, notamment. Il s’agit de réveiller le goût des jeunes consommateurs pour la cuisine d’antan et de privilégier le fond sur la forme.

« L’Opportun, c’est un peu comme un grand frère ou une grande sœur »

« Nous ne souhaitons pas envoyer des plats de cantine, mais cela se sert à rien de faire de beaux plats si le goût ne suit pas », tranche la restauratrice. Secondée par un cuisinier qui était là depuis l’ouverture de L’Opportun, Morgane Alzérat a procédé par étapes, sans brusquer l’équipe ou révolutionner les méthodes de travail. Outre la vaisselle, qui a été renouvelée, la cheffe présente aujourd’hui le fameux saucisson lyonnais de façon plus esthétique : les tranches de saucisson sont davantage mises en valeur et de la pistache concassée a été ajoutée au plat, pour apporter du croquant et de la couleur. Parmi les plats emblématiques de la maison, on peut citer le pavé de bœuf au poivre, la côte de bœuf pour deux personnes, facturée une centaine d’euros, l’entrecôte de 400 grammes ou encore le duo d’onglets de bœuf et de veau. On ne trouve en revanche pas de poisson à la carte, mais de l’andouillette et des tartares. Côté desserts, le baba géant au rhum semble bénéficier d’un beau succès. La cheffe reçoit des carcasses de Limousine ou de blonde d’Aquitaine maturée, en fonction des arrivages, qui sont ensuite découpées en cuisine. Concernant la cervelle de canut, autre composition culinaire typiquement lyonnaise, Morgane Alzérat a opté pour du sumac, une épice libanaise légèrement acidulée. « J’essaye d’apporter de la créativité et de modernité à des plats déjà bien définis. Le but n’est pas de changer la carte, mais de la faire évoluer », ajoute-t-elle. Pour l’épauler, la cheffe de L’Opportun peut compter sur deux salariés en salle et un second en cuisine. Le succès est toujours au rendez- vous : L’Opportun parvient à faire le plein tous les jours et affiche un ticket moyen de 35 euros le midi et 50 euros le soir. En plus de la carte et de ses plats immuables, une ardoise du jour, composée de trois entrées, trois plats et trois desserts, est  à la clientèle. Bien que Morgane Alzérat souhaite se consacrer corps et âme à L’Opportun, elle caresse déjà l’idée d’ouvrir une seconde adresse dans laquelle elle parviendrait à conjuguer cuisine traditionnelle et touche féminine. Elle entend surfer sur l’intérêt des clients pour le contenu de leurs assiettes et sur le retour en grâce dont bénéficient ces plats d’antan. Une chose est sûre, Morgane Alzérat continuera d’entretenir la proximité avec la clientèle, un credo que son père a largement embrassé.

L’Opportun, 62, boulevard Edgard-Quinet – Paris 14e

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