Un an à l’épreuve du Covid avec Xavier Zeitoun, cofondateur de Zenchef

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Après une traversée du désert de plus d’un an, entre inactivité et réouverture sous contrôle, les cafés-restaurants voient le bout du tunnel. Cette période pénible a laissé des séquelles mais aussi ouvert de nombreuses opportunités. Nous sommes partis sur le terrain pour prendre le pouls de cette profession convalescente. Entretien avec Xavier Zeitoun, cofondateur de Zenchef.

Le pire moment de découragement ? Le meilleur souvenir ?

Je pense que le pire a été le 14 mars 2020 à 20 h 30 quand il y a eu l’annonce de la fermeture des restaurants lors du premier confinement. En 10 ans, c’était la première fois que nous vivions une telle situation, c’était vraiment unique. C’était un choc, une sidération sur l’instant. Nous sommes entrepreneurs et donc très vite nous avons commencé à réfléchir à ce que nous devions faire pour aider nos clients et notre entreprise. Ces premières 24 heures ont été un choc total, mais c’est le seul moment de découragement parce qu’après cela on n’a fait que se battre et innover. Mon meilleur souvenir est la réouverture des restaurants le 2 juin 2020 et observer finalement que les gens avaient autant, voire plus, envie de retourner au restaurant.

Qu’est-ce qui a changé chez vous durant cette parenthèse ?

Le secteur de la restauration a été complètement transformé en quelques mois. Il n’y a rien de nouveau mais il y a des tendances qui, peut-être, auraient pris cinq ans à émerger et qui sont aujourd’hui au cœur de toutes les préoccupations : la digitalisation des réservations, le click & collect, la diversification des modes de communication en ligne. Ce sont des choses sur lesquelles nous travaillons. Cela nous a mis un gros coup d’accélérateur et nous avançons beaucoup plus vite que ce que nous avions prévu initialement. Des projets à cinq ans doivent être réalisés dans les 12 prochains mois.

Avez-vous des regrets ?

Ce n’est pas une remise en question personnelle, il s’agit plus de regrets que le Gouvernement n’ait pas forcément suffisamment écouté les restaurateurs. Il faut reconnaître qu’il y a eu des aides qui ont été fondamentales et qui ont permis aux restaurants de survivre. En revanche, sur la communication, il y a eu beaucoup d’erreurs qui ont été faites, trop peu de temps laissé aux professionnels pour s’organiser lorsqu’il y a eu les réouvertures, ou encore les consignes n’étaient pas claires sur les normes sanitaires à respecter (les distances entre les tables, etc). Tout cela a créé pas mal de confusion.

On peut se féliciter d’avoir eu très peu de faillites à l’heure actuelle. A date, le Gouvernement a correctement fait le boulot. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de soutien aux restaurateurs et aux commerçants de façon plus générale. Maintenant, un restaurant diffère d’un autre en fonction de sa taille, de la capacité de sa salle, s’il a une terrasse. 

Et si la crise avait aussi du bon ? Finalement, quel(s) enseignement(s) tirez-vous de cette crise ? Sortez-vous plus fort de cette épreuve? A quel niveau ?

Nous avons d’abord été très fortement impactés dans notre croissance puisque tous les restaurants ont fermé. Nous avons eu une baisse de chiffre d’affaires importante l’année dernière. Mais ensuite, nous avons vécu une accélération très forte à partir de la réouverture en juin 2020 et là depuis le début de l’année. Même si les restaurants étaient fermés, il y a eu à nouveau un effet de boost parce que la digitalisation a poussé énormément de restaurateurs à venir nous voir. Si je devais faire la somme du positif et du négatif, pour nous il y aurait plus de positif parce que la crise a vraiment accéléré la digitalisation. Peut-être que l’on va grandir plus vite en un an que ce qu’on aurait grandi en cinq ans. Cela nous aura obligé à nous remettre en question et à aller plus vite dans notre développement. On avait encore 50 % des restaurants prenant des réservations qui n’utilisaient aucun logiciel et qui étaient encore au téléphone et au papier. A mon avis, au lieu que cela prenne peut-être trois ou cinq ans pour que tous les restaurants passent au digital pour leurs réservations, ils vont tous y passer en quelques mois. Par exemple, nous avions prévu de ne signer aucun nouveau client entre la période de fermeture à partir de novembre 2020, jusqu’au mois de juin 2021. En réalité, nous avons signé depuis le début de l’année plus de 700 nouveaux restaurants. Et tous les mois nous avons sorti des équipes du chômage partiel parce qu’il y avait trop de travail. Les restaurateurs se sont tous dit qu’à la réouverture ils devaient être prêts. Et être prêt veut dire avoir un outil pour mieux anticiper le taux d’occupation du restaurant, mieux gérer les flux de clients, mieux anticiper l’organisation de sa salle et de ses services. Comme notre outil répond à ces besoins, il y a énormément de restaurateurs qui sont venus à nous, même en étant fermés.

Comment entrevoyez-vous l’avenir ?

Nous sommes dans une période de transformation très importante du secteur de la restauration. Il va y avoir de grands gagnants qui vont savoir se réinventer et répondre aux nouvelles habitudes de consommation. Il y en a d’autres qui auront déjà été fragilisés par cette crise et qui ne vont pas réussir à se renouveler. Probablement qu’il va y avoir une sorte de nettoyage du secteur avec ceux qui ont compris ce que veulent les clients et qui ont saisi que le digital doit être mis au centre du mode de fonctionnement de tout restaurant quels que soient la taille, le concept, la localisation… Évidemment, les sociétés qui sont dans le digital pour les restaurants vont sûrement toutes connaître un développement rapide.

Je pense que pour la gastronomie, il y a aussi une remise en question qui est actuellement en cours sur les attentes des consommateurs, peut-être avec une simplification des offres.

Actions mises en place pour accompagner la reprise du CHR ?

Dans l’ADN de Zenchef, nous avons toujours été très proches des restaurateurs. C’est dans ce genre de crise que l’on voit sur qui on peut compter. Depuis un an, notre obsession a été de les aider à traverser du mieux possible la crise. D’abord en les informant, pendant le premier confinement. Ensuite, à l’approche de la réouverture, en développant des fonctionnalités pour le click and collect, le cahier de rappel numérique, les menus avec QR code. La troisième phase de soutien a été d’être présent, de paramétrer l’outil, de se remettre en marche. Nous avons travaillé 7 jours sur 7 pour qu’ils soient prêts pour la réouverture. C’est comme dans un couple, pendant les périodes de crise, soit on renforce les liens, soit on se sépare. Dans notre cas, cela a plutôt renforcé nos liens. Nous allons relancer les menus avec QR code. Nous allons aller vers de nouvelles fonctionnalités autour du click & collect et de la livraison pour nous adapter au fait que de plus en plus de restaurants vont maintenir ces nouveaux modes de consommation et de vente. Nous allons continuer à capitaliser là-dessus et à accompagner le restaurant de demain qui n’est peut-être pas seulement un établissement qui fait du service à table mais un restaurant qui est multicanal. Cela nécessite d’adapter nos outils à ces nouvelles pratiques.

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