Un bistrot à dimension humaine

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Après avoir passé le confinement en Aveyron, Laurent Cayla est revenu le 12 juin à Paris afin d’épauler sa fille dans la réouverture complète du Perroquet. Rassuré par un PGE, il nourrit cependant une inquiétude sur une reprise fortement perturbée par le maintien en télétravail de certains de ses clients.

Laurent Cayla
Laurent Cayla

Après une trentaine d’années passées dans le circuit des brasseries parisiennes, Laurent Cayla a décidé de bifurquer vers le bistrot en créant le Perroquet, 25, avenue des Gobelins à Paris 13e. Plusieurs raisons expliquent cette évolution de carrière. À la suite de trois années comme gérant d’une vaste brasserie parisienne, Aux Trois Obus, ce professionnel voulait conduire un projet plus personnel. En outre, en 2006, il avait obtenu avec son cousin, Vincent Delpuech, la Bouteille d’or décernée par Tradition du vin au Réveil samaritain. Déjà passionné par les vins et les produits de terroir, il avait toujours rêvé de diriger un bistrot de quartier. Au Perroquet, il travaille désormais avec sa fille Émilie. La jeune femme avait déjà fait ses preuves précédemment à la gérance du Franc-Tireur. Ce travail dans un établissement à taille humaine de 30 places assises ravit Laurent Cayla, qui a su mettre en place une équipe très soudée. Il s’agit d’une véritable création, puisque le restaurant s’est installé dans une ancienne librairie. En cuisine, Laurent Cayla se repose sur son jeune chef aveyronnais, Hugo Tarral, arrivé dans la maison après sa formation à l’école hôtelière de Chamalières. La façon de travailler a totalement changé, désormais, le patron mise davantage sur une relation directe avec les producteurs. Il participe notamment à un groupement de cinq restaurateurs qui achètent de la viande de bœuf fermier en Aveyron*. A tour de rôle, ils convoient des carcasses entières vers Paris en camion frigorifique. Laurent Cayla adore ces expéditions. Adolescent, il rêvait d’être agriculteur et détient encore une ferme de 60 ha en Aubrac.

Cet homme qui garde un réel attachement à l’Aveyron est pourtant né à Clichy.

« Avant de monter à Paris, raconte-t-il, ma mère travaillait avec ma tante au camping des Tours à Saint-Amans-des-Cots, propriété des frères Costes. »

Il a ainsi grandi dans le milieu des brasseries parisiennes et de l’amicalisme. Il a évolué dans l’équipe de rugby de Clichy où sa carrure respectable lui a valu un poste de 2e ligne. Il a même joué au Racing et aurait pu entrevoir une carrière professionnelle. Mais la restauration l’a vite accaparé. Contrairement à beaucoup d’Auvergnats de Paris, il est arrivé dans ce métier par la cuisine, et cela par la grande porte. Il a en effet intégré l’École des métiers de table et est devenu apprenti dans le restaurant étoilé de Michel Rostang. Bien noté, il aurait pu envisager une carrière dans la restauration gastronomique, mais il a préféré se tourner vers le secteur des brasseries. « Dans les grands restaurants, les jeunes cuisiniers sont généralement très mal payés, explique-t-il. Ils travaillent généralement pour leur CV. Dans les brasseries, en revanche, on gagne correctement sa vie. J’avoue que j’ai préféré gagner vite un vrai salaire. »

Pendant quelques années, il poursuit son métier de cuisinier, mais en 2003, son cousin, Vincent Delpuech, lui propose de reprendre en gérance la brasserie de ses parents, le Réveil samaritain. Le tandem solide, et complémentaire, dure six ans, au bout desquels ce passionné de l’ovalie s’installe sur Toulouse pour racheter une brasserie, le Péri. Il reprend le chemin de Paris quelques années plus tard pour revenir dans sa ville natale, Clichy, afin d’y reprendre la gérance de l’Arvern’Store. Il faut savoir que cette adresse qui dispose d’une belle superficie fut le premier drugstore de France. L’enseigne fut créée par un Auvergnat du nom de Boissonade, bien avant les drugstores de Publicis. Rapidement, Laurent Cayla est parvenu à relancer cet établissement en lui redonnant son caractère auvergnat. Mais ne parvenant pas à en négocier le rachat avec son propriétaire, il a abandonné Clichy pour Saint-Germain-en-Laye où, de nouveau associé à Vincent Delpuech, il devient gérant du Café de l’industrie et en 2015, lorsque Daniel Le Bars propose aux deux hommes la gérance des Trois Obus, ils ont relevé le défi.

Les Trois Obus, porte de Saint-Cloud, fait partie des importantes brasseries parisiennes et Laurent Cayla reconnaît que dans ce contexte, un gérant est totalement absorbé par la gestion et le management. « Nous devions gérer chaque mois entre 35 et 40 fiches de paie », raconte-t-il. S’il ne se plaint pas de ces trois ans passés porte de Saint-Cloud, Laurent Cayla préfère un exercice du métier plus humain, en contact permanent avec ses clients. Il apprécie aussi aujourd’hui d’avoir un petit « chez soi » plutôt qu’un grand « chez les autres » .

Ses clients ne viennent pas par hasard avenue des Gobelins. Ils savent qu’ils trouveront au Perroquet, moyennant un ticket moyen de 20 € au déjeuner et 30 € au dîner, une cuisine de bistrot réalisée dans une démarche authentique et des vins issus de petits producteurs. C’est grâce à cette fidélisation importante que Laurent Cayla connaît presque tous ses clients et qu’il affiche souvent complet à chaque service. »


* Franck Rolland – le Café La Place (Vincennes), Michel Gineston – Au Veau qui tète (Rungis), Jean-Michel Fournier, Le Parisien (Paris 6e), Laurent Delpuech – Au Réveil Samaritain (Paris 14e), Jorge Da Costa – Chez Irène et Bernard (Paris 17e)

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