Un champion du monde très discret

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Beaucoup se souviennent de son passage dans « Top Chef », car il était le premier traiteur à participer à l’émission. Cette médiatisation n’a pourtant pas entamé les valeurs d’artisanat et de simplicité défendues par ce chef, qui a fait ses gammes dans les palaces parisiens. Il est aujourd’hui installé à la tête de son premier restaurant.

«Je n’ai rien à affirmer à travers ma cuisine. Je suis cuisinier, je fais à manger : c’est tout. Nous sommes des artisans, pas des artistes, même si c’est ce que l’on essaye de faire croire aux gens depuis quelques années. » Ce rejet du star-système, Jean-François Bury le puise dans son parcours professionnel. Si ses racines familiales se trouvent dans le petit village de Fourmies, dans le Nord, il a grandi en Seine-Saint-Denis, loin du monde de la restauration. « Ce n’était pas vraiment une vocation, précise-t-il. J’ai des beaux souvenirs liés à la cuisine de ma grand-mère et mon frère est boulanger, mais ça ne va pas plus loin. En fait, un jour, ma mère m’a dit : “Comme tu es beau garçon, tu devrais faire serveur.” Je suis donc entré au lycée hôtelier, mais dès la première année, j’ai compris que c’était la cuisine qui m’attirait vraiment. J’avais l’impression que j’aurais plus de choses à y apprendre. » En 2001, à la sortie du lycée Albert-de-Mun, Jean-François Bury entre comme commis au George-V, où il va rester neuf ans. Il travaillera alors sous la direction des chefs Philippe Legendre, puis Éric Briffard, mais surtout, il s’essaiera à tous les postes, du room service au bar, en passant par le restaurant gastronomique et les banquets. Et c’est d’ailleurs grâce à cette dernière expérience qu’il a une révélation : « J’ai tout de suite adoré travailler sur les banquets, notamment pour la gestion et l’organisation que cela demande. » Dans la foulée, il est approché par le Shangri-La et devient alors chef, en charge du secteur événementiel de l’hôtel pendant cinq ans. Plus que jamais passionné par ce milieu, il est sacré champion de France des traiteurs, puis il s’inscrit à l’International Catering Cup en 2015 et décroche le titre de champion du monde.

LA PRESSION DU TITRE DE CHAMPION DU MONDE

Il quitte ensuite le monde des palaces et est recruté par le traiteur haut de gamme Butard Enescot. C’est à cette période qu’il est contacté par « Top Chef » pour participer à l’édition 2017. Il nous explique ses motivations : « Je me suis dit “si tu ne le fais pas, tu vas le regretter.” Et en effet, c’est un concours incroyable, mais aussi extrêmement difficile. Je me suis mis beaucoup de pression à cause de mon titre de champion du monde. J’avais envie de représenter fièrement la gastronomie événementielle. C’est un métier trop peu médiatisé, alors que l’on a tous besoin d’un traiteur une fois dans sa vie. De plus, on est souvent mal vus dans la profession, surtout dans les palaces. Si tu es au banquet, tu es un sous-cuisinier, selon les collègues du gastro. Sauf que si demain, on me demande de reproduire l’un de leurs plats, je pourrai, car j’ai les techniques. À l’inverse, je ne suis pas sûr qu’eux pourraient gérer les équipes, les stocks et l’envoi de 300 assiettes d’un coup. »

« Les traiteurs sont souvent mal vus dans la profession, surtout dans les palaces. »

L’après-« Top Chef » sera suivi d’une période de remise en question pour Jean-François Bury. Fraîchement marié à l’été 2017, il décide, avec sa femme Anaïs, d’acheter un restaurant à Nanterre, où ils résident. Ils jettent leur dévolu sur Le Coin tranquille, un restaurant traditionnel historique du centre-ville. « Un coup du destin, souligne le nouveau maître des lieux. J’ai toujours vu un potentiel énorme dans cet établissement. »

Après quelques mois de travaux entièrement gérés par Anaïs, peintre en décor, Cabane ouvre en mai 2018, positionné sur un créneau bistro-nomique alors inexistant en ville. S’implanter en banlieue est aussi un choix stratégique sur le long terme car, avec le Grand Paris, Cabane ne sera plus qu’à quelques minutes du métro : alors « autant être les premiers », souligne le chef.

Pensé comme un appartement chaleureux, le restaurant se divise en trois espaces : une partie restauration, une partie plus décontractée pour les afterworks et un coin table d’hôtes pour les dîners groupés. La décoration, elle aussi imaginée par Anaïs, est à l’image de la cuisine proposée : élaborée, mais jamais ostentatoire, mêlant mobilier scandinave et créations à partir d’objets de récupération. « C’est un endroit qui a une âme, résume l’intéressée. Un refuge. » Pour ce qui est de décrire la carte, le chef est plus avare en adjectifs : « J’essaye de faire une cuisine bonne, abordable, technique mais pas trop et avec des produits de saison. Pour le reste, je laisse les gens mettre les mots qu’ils veulent dessus. »

cabanerestaurant.com

01 47 25 22 51

8, 10 Rue du Dr Foucault, 92000 Nanterre

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