Benjamin Calderon : un descendant des Gauchos sur la piste du zinc

  • Temps de lecture : 5 min

Fils du sommelier de Michel Bras, Benjamin Calderon, 32 ans, a choisi de devenir auvergnat de Paris. Son chemin dans la capitale l’a conduit à la tête du Général La Fayette et de deux autres établissements. Mais, aujourd’hui, le jeune entrepreneur parvient à diriger ses brasseries un pied à Paris, l’autre à Saint-Côme-d’Olt.

Benjamin Calderon
Benjamin Calderon

En septembre 2016, alors qu’il était dans sa trentième année, Benjamin Calderon est devenu propriétaire du Général La Fayette.

Cette institution de la brasserie parisienne réputée pour son décor Belle Époque fut agrandie en deux étapes par l’ancien propriétaire, Michel Planchon, aujourd’hui décédé et qui régna de nombreuses années sur cette maison. Ouverte sept jours sur sept, de 7 à 2 heures du matin, elle dispose de 120 places assises et emploie 19 personnes.

Les neuf becs pression constituent historiquement un des points forts de l’établissement. Le Général La Fayette fut par le passé, avec le Harry’s Bar, le premier établissement à proposer de la Guinness en fûts en France. Cette acquisition de choix n’est pas passée inaperçue et représente une belle performance pour ce jeune Laguiolais, arrivé douze ans plus tôt dans la capitale avec sa future épouse, Canelle, originaire de Saint-Côme-d’Olt. Le couple disposait alors d’un très maigre baluchon, mais leur désir de croquer la vie était tel qu’ils sont parvenus à réaliser leur rêve et à se construire la vie dont ils avaient rêvé, entre leur Aveyron natal et Paris.

Un pied à Paris, l’autre dans l’Aveyron

Également propriétaire de la brasserie Marcel et Clémentine (Paris 9e ), créée en 2015 et associé à Frédéric Cassado, patron de Mademoiselle Raymonde, dans la pizzeria provençale, Chez Marinette rue Marcadet (Paris 18e ), le couple a pu prendre du recul.

Canelle Calderon habite à Saint-Côme-d’Olt et y élève ses deux enfants. Le vendredi soir, Benjamin les rejoint pour passer le week-end au pays. Le lundi matin, il reprend l’avion pour Paris afin de conduire ses entreprises. Le jeune restaurateur entretient un rapport fusionnel avec la région de Laguiole où il a grandi. Le comptable et l’assureur de ses établissements parisiens officient dans ce village. Adolescent, Benjamin fit les heures de gloire du RCENA (rugby club Espalion Nord Aveyron) au poste d’ailier. L’un des piliers de cette équipe était Casimir Conquet, le fils du célèbre boucher charcutier du village dont les produits donnent aujourd’hui du relief à nombre de tables parisiennes. Surtout, Benjamin appartient à une autre famille en vue de Laguiole. Il est le fils de Sergio Calderon, sommelier du restaurant Bras. Ce professionnel réputé fut même élu par ses pairs, en 2010, meilleur sommelier de France. Né en Argentine, il est arrivé en France à l’âge de 21 ans avant de travailler un peu par hasard dans la restauration, puis de gravir tous les échelons du métier. Adolescent, Benjamin s’est légèrement écarté des traces laissées par son père.

Comme lui, il s’est intéressé au vin, mais davantage sur le versant de la production, en pour suivant des études de viticulture à Cahors.

Pourtant, après avoir obtenu son baccalauréat professionnel, il monte à Paris. Son épouse, diplômée de l’école hôtelière de Souillac, l’accompagne dans cette aventure. « À partir de l’âge de 16 ans, raconte-t-il, durant les vacances, je travaillais comme garçon de café pour Daniel Marion, au café de l’Olympia. Le métier me plaisait.

Lorsque j’ai eu 19 ans, on m’a proposé une embauche dans ce café et j’ai accepté. »

Directeur de trois brasseries à 22 ans

Séduit par les qualités professionnelles du jeune homme, Daniel Marion lui confie progressivement des responsabilités. À 22 ans, Benjamin Calderon se retrouve à la direction de trois brasseries de son mentor : la Belle Ferronnière, le café de l’Olympia et le Victor-Hugo. L’année suivante, il choisit de prendre son indépendance en acceptant la gérance libre du Victoria, rue Pierre-Charron, en association avec Franck Astruc.

Les bons résultats obtenus à cette adresse lui permettent, l’année suivante, de prendre seul la gérance libre de la Tour Maubourg, durant trois ans. Il enchaîne en occupant durant six ans celle du Petit Suisse. Pendant toutes ces périodes de gérance libre, il va placer ses bénéfices dans l’achat d’affaires plus modestes. Il s’agit d’abord du café Jean, avenue Jean-Jaurès, un petit bistrot endormi qu’il parvient à réveiller en quelques mois.

Plus récemment, en 2015, il rachète un vieux restaurant égyptien de la rue de Dunkerque, pour y créer une brasserie pimpante dans l’air du temps, Marcel et Clémentine. Avec la complicité du Cantalien Mathieu Laporte, qui assure la gérance libre, il conquiert très vite une large clientèle.

« Dans la vie, nous avons une seule fois la possibilité de faire bonne impression. »

La Fayette nous voilà !

Pour racheter Au Général La Fayette, il a dû céder en 2016 le café Jean. Son rêve était de racheter une institution parisienne pas trop personnalisée et de réaliser ainsi un placement patrimonial avisé. Pendant toute son ascension, il a été soutenu par ses fournisseurs et reconnaît « qu’André Recoul de chez Tafanel, Manu Martin de chez Michel Raymond et André Richard ont toujours cru en mes projets ». Il admet également qu’être le fils de Sergio Calderon lui a ouvert des portes dans la communauté du Massif central, mais il assure qu’il a toujours su mériter la confiance placée en lui : « Dans la vie, nous avons une seule fois la possibilité de faire bonne impression. » Il rappelle qu’il a atteint la position qu’il occupe à la force du poignet.

Pendant plus de dix ans, il n’a jamais compté ses heures et ne prenait jamais de vacances. « Si je compare à mon frère qui a choisi une autre profession, indique-t-il, à 28 ans, il a déjà sillonné le monde entier. » Arrivé à la tête du Général La Fayette, Benjamin Calderon s’est bien gardé de tout révolutionner. Il a fait évoluer la politique de l’établissement par petites touches. Il a réfléchi à deux fois avant de retirer les Francfort-frites de la carte pour les remplacer par le poulet fermier et sa purée de céleri. Il s’agit pour lui d’affirmer le niveau de qualité de l’adresse. Il y a déjà pourvu en introduisant dans les cuisines plusieurs fournisseurs réputés du Massif central, à commencer par la viande de chez Conquet ou la charcuterie Mas, mais aussi les légumes d’Alexandre Puech, à Espalion. S’il a bien sûr mis son père, sommelier, à contribution pour construire sa carte des vins, ce dernier a dû opérer ce choix à l’intérieur de l’offre de Richard vins. Car, en bon Aveyronnais, Benjamin Calderon tient absolument à maintenir un lien de fidélité avec ceux qui l’ont aidé.

PARTAGER