Un duo de femmes pour une double gérance

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Nées avec un plateau à la main, Cécile Gaston et Annette Philippe sont passionnées, depuis leur arrivée dans la vie active, par le métier d’exploitante de brasserie. Après avoir travaillé de nombreuses années chez les autres, depuis trois ans elles sont devenues gérantes libres. Arrivées à La Place au début du mois, elles veillent désormais sur deux établissements.

Au 1er novembre, Cécile Gaston et Annette Philippe ont pris en main la gérance libre de La Place, place Péreire (Paris 17). Les deux jeunes femmes exploitaient déjà depuis deux ans le Bistro Les Quatre saisons, place des Ternes, où elles viennent de signer le renouvellement de leur gérance pour trois ans. Elles vont donc exploiter de front les deux brasseries, un défi de taille pour ce duo de femmes plutôt inhabituel dans un univers très masculin.

Elles se sont rencontrées par hasard et ont su jouer de leur complémentarité pour réaliser de belles performances dans les établissements dont elles ont pris le contrôle. Le tandem a pris forme il y a cinq ans. Leur rencontre s’est produite par le biais de leurs compagnons respectifs de l’époque. Cécile a alors rejoint Annette au Carmine Café (Paris 7) alors que celle-ci occupait un poste de responsable auprès du propriétaire de l’établissement, Emmanuel Laporte.

Théoriquement, leur histoire commune aurait dû s’arrêter là. Après avoir travaillé de brasserie en brasserie comme salariée depuis près de vingt ans, Cécile voyait enfin se concrétiser l’occasion de créer sa propre entreprise pour prendre en gérance une brasserie de choix, L’Étoile vénitienne, avenue Kléber. « J’en rêvais depuis des années, explique-t-elle, mais je ne voulais pas partir seule dans cette aventure. Le projet était de prendre cette gérance avec mon compagnon, mais comme nous avons rompu, je me suis retrouvée seule et je me suis naturellement tournée vers Annette. »

Parcours auvergnat

Cécile Gaston était encore à l’école quand elle a débuté comme serveuse au Vincennes, le café de sa tante. Bac en poche, elle ne souhaite pas s’attarder dans les études et n’a qu’un seul objectif en tête : travailler dans les brasseries parisiennes. Elle commence aux côtés de Marc Blavignac au News Café avant de poursuivre sa carrière auprès d’une autre figure de la profession, Alain Valentin, au Musset. Parmi les établissements qui ont jalonné son parcours, on peut citer le Rouge limé, les Deux Écus et le Prosper Café. Fille d’une Cantalienne et d’un Aveyronnais, cette professionnelle de 41 ans a été bercée sa vie durant dans le cercle des Auvergnats de Paris.

Enfant, elle était membre du groupe folklorique La Yoyette. Cécile Gaston fut élue pastourelle de l’amicale de Saint-Mamet dont son père était trésorier. Celui-ci était également un des emblématiques représentants parisiens de Cafés Richard et, à ce titre, fin connaisseur de la profession. Dans ces conditions, avec vingt ans d’expérience et une recommandation paternelle, Cécile Gaston n’a pas trop peiné à obtenir la gérance libre d’une brasserie bien située, en face de l’hôtel Raphaël.

« Chaque décision est prise en commun. »

Annette Philippe présentait elle aussi un profil susceptible de rassurer les propriétaires de l’Étoile vénitienne, M. et Mme Pic. Née dans le Var, dans une famille de traiteurs, elle a fait des saisons dans les brasseries dès qu’elle a été en âge de travailler. Même durant ses études de lettres à Paris, elle a poursuivi épisodiquement ce métier de serveuse. Alors qu’elle venait d’obtenir son master 2, elle a finalement décidé d’oublier la littérature pour faire carrière dans le zinc. Elle a ainsi travaillé au Petit Journal Montparnasse, d’abord avec André Damon puis avec l’équipe de Claude Perdriel. Elle a ensuite été embauchée au Bullier par les frères Garouste avant de demeurer trois ans au Carmine Café au poste de directrice. C’est ainsi qu’en 2015 le duo s’est installé à l’Étoile vénitienne. Cette première étape fut concluante grâce à la complémentarité du duo. Boule d’énergie, Cécile se définit comme une femme de terrain. De contact facile, elle n’est jamais aussi à l’aise que dans la salle, au milieu de son équipe. Annette apprécie également le contact avec la clientèle, mais c’est elle qui se charge parallèlement du travail administratif. Avec les deux établissements, elle doit actuellement gérer une vingtaine d’employés.

L’Étoile vénitienne

En 2016, le duo a quitté l’Étoile vénitienne pour prendre la gérance du Bistro Les Quatre Saisons, avenue des Ternes. Après une première aventure positive, les deux jeunes femmes ont décidé de poursuivre leur collaboration. « Cela fonctionne bien, confie Annette. Chaque décision est prise en commun, si l’une n’est pas d’accord on passe à autre chose. Nous avons une relation qui se déroule sans frictions. Je ne nie pas qu’au départ nous avons pu avoir une ou deux petites disputes, mais c’était la pression d’une première affaire. Aujourd’hui, nous sommes plus détendues. » C’est même pour continuer à travailler durablement ensemble que Cécile et Annette ont quitté l’Étoile vénitienne. Cette brasserie présente une activité essentiellement axée sur le service du déjeuner et ce profil n’est pas idéal pour deux gérants qui ont plutôt vocation à se relayer d’un service à l’autre. Au Bistro Les Quatre Saisons, les deux femmes ont pu mettre à profit cette complémentarité. Annette, en charge d’enfants, préfère veiller sur le service du déjeuner, et Cécile anime parfaitement les soirées avec son caractère enjoué. Finalement, les deux associées travaillent assez peu ensemble et, désormais à la tête de deux établissements, elles se croisent encore moins souvent.

À La Place, elles disposent d’un bel emplacement sur la place Péreire. En octobre, elles ont assuré un rafraîchissement de la brasserie. Elles ont également souhaité apporter des modifications à la carte pour dynamiser l’activité restauration.

Dans ce but, elles ont embauché un jeune chef, Stéphanie Badin. Cette Ardennaise, formée au lycée de Tain-L’Hermitage, a travaillé durant huit ans à l’étranger, en Belgique et en Irlande avant de s’installer à Paris il y a quatre ans. Elle a notamment travaillé dans le groupe Roulière, rue Guisarde, avant de poser sa mallette à ustensiles place Péreire.

Elle a proposé une carte simple, mais entièrement réalisée avec une cuisine fait maison. On y trouve la cocotte de rognons de veau façon beaugé, le suprême de volaille des Landes ou les saint-jacques simplement snackées.

Même si les hommes sont encore majoritaires dans les effectifs de la maison, qu’on se le dise, le contrôle de l’établissement, en salle comme en cuisine, est assuré par ces drôles de dames. Les femmes sont dans la Place.

La Place

5, place du Maréchal-Juin 75017 Paris Tél. : 01 47 63 40 93

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