Un duo pour un bistrot

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Les deux restaurateurs constituent un tandem singulier. Après que le destin les a réunis au Nord Sud (Paris 18), Boris Desmons et Luc Negroni ont tissé des liens d’amitié qui les a conduits à prendre la gérance du Manoir, un établissement de quartier qu’ils ont relancé. Bien que trente ans les séparent, les deux hommes sont complémentaires.

Luc Negroni, 60 ans, n’en est pas à son coup d’essai. L’homme a piloté un restaurant italien, Pinocchio, durant vingt ans, à Levallois-Perret (92). Il était propriétaire du fonds de commerce, qu’il a vendu il y a quatre ans. « L’affaire tournait très bien, avec 80 couverts par jour, mais je voulais m’attaquer à un nouveau défi », confie-t-il. Si son établissement se situait à Levallois, son QG n’était autre que le Nord Sud, célèbre brasserie située au métro Jules Joffrin. À l’époque, c’est l’Aveyronnais Boris Desmons, 29 ans, et ses deux associés, qui président aux destinées du Nord Sud. Bien que Luc Negroni affiche trente ans de plus que Boris Desmons au compteur, les deux restaurateurs se sont tout de suite entendus.

Le parcours et la précocité de l’Aveyronnais forcent le respect. Lui qui n’avait connu que la plonge a quitté le pays natal à 22 ans pour porter le plateau. Il intègre alors un bar à vins dans le 3 arrondissement durant plus de trois ans, avant d’obtenir la gérance du Nord Sud en 2015. « Cela m’a permis d’engendrer de l’expérience », glisse-t-il modestement. « Ils étaient en fin de gérance, complète Luc Negroni. Et Boris et moi avions souvent l’habitude de parler des affaires. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire et j’avais repris du travail chez des amis. De fil en aiguille, on nous a proposé la gérance du Manoir, un établissement appartenant à Eddy Santini ». Ce dernier, qui possède également Le Village (Paris 17), leur a finalement accordé la gérance du Manoir en 2017.

Esprit bistrot

« Nous n’avons pas fait de travaux à notre arrivée, hormis un grand coup de propre. Nous avons simplement restauré une âme qui s’était perdue, celle des bistrots », explique l’Aveyronnais. Les habitués ne venaient plus et l’affaire était en perte de vitesse. Le plus gros défi pour les deux tenanciers a donc été de séduire de nouveau une clientèle de quartier et de recréer du lien social. « Il n’y a pas de recette miracle, il faut simplement bâtir un établissement à son image », ajoute Boris Desmons. Ce dernier, comme beaucoup de compatriotes, entend mettre son terroir à l’honneur. En outre, Le Manoir est un véritable temple de la viande d’Aubrac. Entrecôte, côte de bœuf, bavette, hamburger : tous les plats sont confectionnés grâce à la viande de cette race emblématique. Elle provient notamment de l’élevage des Raynal, à Saint-Urcize. C’est ensuite la maison Conquet qui découpe les morceaux avant de les fournir au Manoir. Luc Negroni et Boris Desmons constatent un bel engouement pour la côte de bœuf d’Aubrac, maturée six semaines, facturée 35 euros par convive. Ils ont conçu ensemble la carte des vins et mettent à l’honneur des vins corses et aveyronnais (la cuvée 78), ainsi qu’une sélection proposée par Le Vin du moment, la société du patron du Bistrot du peintre, Hervé Bonal. Les vins ne dépassent pas 37 euros la bouteille et la majorité des prix oscille autour de 30 euros. Le premier prix, un chardonnay blanc, coûte 22 euros aux convives. Les deux restaurateurs parviennent à réaliser un ticket moyen de 25 euros. Le midi, ils proposent une formule (entrée + plat ou plat + dessert) à 14,50 euros. Elle ne concerne toutefois que les plats du jour : bavette à l’échalote, rosbif d’Aubrac ou un poisson, qui revient deux à trois fois chaque semaine (églefin, thon, lieu, etc.). L’hiver venu, ils mettent à l’honneur les plats d’antan, à l’instar du bœuf bourguignon ou de la blanquette de veau. « C’est une cuisine de grand-mère, résume Boris. Nous avons d’ailleurs mis à la carte un plat de coquillettes jambon. Cela me rappelle mon enfance, la cuisine familiale. J’ai toujours aimé le métier de restaurateur et je crois que j’ai toujours voulu faire ça. En Aveyron, j’étais maçon la journée et plongeur le soir ».

« Il n’y a pas de recette miracle, il faut simplement bâtir un établissement à son image. »

Le décor mêle univers bistrot et rétro.

Le décor mêle univers bistrot et rétro.

Profils complémentaires

Le succès est tel que Le Manoir accueille une centaine de couverts chaque jour, pour une capacité de 42 places à l’intérieur et d’une quarantaine à l’extérieur. Les acolytes caressent déjà l’idée de diriger une seconde affaire : « Cela serait l’évolution naturelle des choses ». Tout en consolidant le succès du Manoir, ils gardent un œil sur l’évolution du marché parisien. Ils envisagent l’avenir à deux, en conservant la complémentarité qui assure leur succès : Boris s’affaire en salle et derrière le bar tandis que Luc est davantage axé sur les tâches administratives. « Il a trente ans de moins ! », sourit l’ancien propriétaire de Pinocchio. Les deux gérants peuvent tout de même compter sur six salariés, en cuisine et en salle. Les week-ends, ils renforcent l’équipe en recrutant des extras. Si les vins et les plats attirent les clients, la retransmission des matchs de rugby et de football permet également de remplir l’établissement. Les mouvements sociaux liés aux Gilets jaunes et les dégradations commises par divers autres groupes n’ont pas affecté l’activité du Manoir.

« Ils se sont arrêtés à 200 mètres et il n’y a pas eu de problème quand ils se sont ensuite approchés de l’établissement. Mais d’autres collègues souffrent », déplore Luc Negroni. Tout semble sourire à ce tandem gagnant.

Autre vue de l’intérieur.

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