Un homme de challenges

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Propriétaire depuis cinq ans de la Ferme de Charles, Pascal Barret a transformé ce vaste restaurant en adresse à succès, malgré un emplacement plutôt médiocre.

Il est des restaurateurs qui, tels des boxeurs, se lèvent chaque matin en savourant à l’avance le plaisir de se colleter aux deux services quotidiens de leur établissement et ne cherchent jamais à se ménager au moment du coup de feu. Pascal Barret, propriétaire de Ville du Nord (Paris 10) et de la Ferme de Charles est de ceux-là, et cela dure depuis sa sortie de l’école hôtelière de Pontivy. À 49 ans, il reste animé par cette soif d’entreprendre et une farouche volonté de relever ses défis. Dans la conduite de ses établissements, il se montre perfectionniste, toujours à l’affût du détail à corriger, toujours à la recherche de l’astuce qui va lui permettre d’attirer de nouveaux clients. Après plus de trente ans de carrière, il assure ne nourrir aucune certitude sur son métier, n’hésite pas à se remettre en question. Il y a quelques mois, alors que la Ferme de Charles, l’établissement qu’il dirige directement, fonctionnait à un rythme soutenu, il a eu le sentiment que sa clientèle vieillissait un peu.

Ce n’était même pas une certitude, mais une vague impression qui l’a poussé à faire le branle-bas et à modifier radicalement sa manière de travailler. Estimant que sa cuisine était trop classique, Pascal Barret, n’a pas hésité à prendre conseils auprès du jeune chef Christophe Dovergne, l’animateur du site culinaire 750 Grammes. Celui-ci a joué auprès de la Ferme de Charles un rôle de conseil. Il a aidé le patron à refaire la carte en introduisant des recettes, comme l’œuf parfait ou le fish and chips. Pendant deux mois, Christophe Dovergne a accompagné les cuisiniers deux ou trois fois par semaine durant le service afin de faire évoluer durablement la manière de travailler du restaurant.

« J’avais besoin de peaufiner certaines techniques culinaires pour réaliser une cuisine plus en phase avec la clientèle actuelle, explique le restaurateur.

Nous avons mis en place des fiches techniques rigoureuses et travaillé sur la régularité des recettes. »

Inspiré par le locavorisme

Cette évolution concerne également l’approvisionnement de plus en plus inspiré par le locavorisme.

Ainsi, la plupart des fruits et légumes proviennent de producteurs franciliens réunis à Rungis par le biais de Terrazur. Les résultats étaient au bout de l’effort. Grâce à cette évolution, Pascal Barret a enregistré un net frémissement de la fréquentation et surtout la présence de nouveaux clients jeunes. Remplir les 114 places assises de ce restaurant situé au bout de la cour des Petites-Écuries n’est pas chose aisée. Malgré la présence dans la zone de plusieurs restaurants, cette voie n’est pas une zone passante. Pourtant, la Ferme de Charles fait régulièrement le plein de clientèle sur les deux services et, le dimanche, l’établissement rencontre un immense succès avec son brunch dominical (25 euros). Il faut réserver plusieurs semaines à l’avance pour participer à ce moment très apprécié. Le jambon cuit sur place et les nombreuses spécialités généreusement proposées attirent une importante clientèle depuis quelques années.

Pour asseoir ce temps fort, Pascal Barret a d’abord largement misé sur le site oubruncher.com. Il est ainsi parvenu très vite à se faire connaître et la réputation de ce brunch dépasse aujourd’hui les frontières parisiennes, attirant de nombreux touristes français et étrangers de passage à Paris.

Pascal Barret est d’abord un cuisinier. Ce Normand est arrivé à Paris à l’âge de 18 ans. D’abord commis, à la Grange aux écureuils, il a vite rejoint le cercle des brasseries aveyronnaises où il devient serveur. Il se souvient notamment d’un passage au café Les Fontaines, Porte de Saint-Cloud : « J’y ai passé un moment extraordinaire et j’y ai beaucoup appris. C’était le temps où toutes les rencontres avaient lieu au Parc des Princes, et l’activité était considérable.

C’est là que j’ai vraiment décidé de faire ce métier. La vie du patron, M. Rigal, me faisait rêver. À l’époque, il possédait une Mercedes, une Porsche et un 4 x 4. »

Vers une première gérance

Mais lorsqu’il s’éloigne des brasseries aveyronnaises, Pascal découvre une face moins reluisante du métier.

Il est embauché par Abdelhamid Siad, un homme d’affaires qui vient alors de prendre le contrôle de nombreuses brasseries à Paris.

Adjoint du directeur des établissements, il occupe un poste de choix, mais lorsqu’un scandale financier rattrape son patron, les brasseries ferment les unes après les autres.

Plein de ressources, il retrouve vite du travail comme directeur au Café de l’Opéra. Il quitte pourtant ce poste pour redevenir serveur au Falstaff. « C’était la création de cette chaîne de pubs, se souvient le restaurateur. Ce travail de chef de rang était mieux rémunéré que mon poste de directeur. Cela m’a permis de mettre de l’argent de côté pour prendre quelques années plus tard, avec mon ancienne épouse, la gérance libre de la Méthode, une petite brasserie de la rue Descartes. Douze candidats avaient visité l’affaire, personne n’a accepté de reprendre cette gérance qui semblait peu prometteuse.

Pourtant, en quelques mois, la brasserie a connu un gros succès. Chaque soir, nous avions 10 à 15 mètres de queue devant la porte. Nous ne faisions rien d’exceptionnel. Nous travaillions simplement avec des produits frais. J’avais repris ma veste de cuisinier et je ne lâchais rien. Nous avions eu une demi-page dans le Parisien . Je me souviens de la visite d’un client venu du Kentucky qui était arrivé avec la coupure de l’article… »

La Ville du Nord

Ce succès lui vaut la considération des distributeurs de boissons qui commencent à lui proposer la reprise d’autres affaires et, en 2000, Pascal Barret rachète la Ville du Nord, face à la Gare du Nord. Il va y rester pendant treize ans avant de mettre l’affaire en gérance et de relever un nouveau challenge. Julien Emerlinger, créateur des Fils à maman, lui propose de reprendre un de ses restaurants, La Petite Maison dans la prairie, un concept inspiré de la série télévisée pour enfants. Pascal s’installe alors cour des Petites-Écuries en 2013 et, conformément à l’accord signé lors de la vente, conserve le principe du concept, mais rebaptise le restaurant La Ferme de Charles. La salle intègre un mobilier dépareillé et offre un décor à mi-chemin entre une ferme et une école ancienne.

« J’avais repris ma veste de cuisinier et je ne lâchais rien. »

Deux îlots de tables ont été installés dans des boxes de chevaux.

L’établissement propose des recettes classiques, parfois un tantinet régressives, comme le cordon bleu-coquillettes. Au déjeuner, il fonctionne essentiellement autour d’une formule entrée-plat ou plat-dessert à 13,90 euros. Non content de relancer ce restaurant, Pascal Barret a jeté son dévolu il y a deux ans sur le petit bar voisin qu’il a racheté et rebaptisé Les Petites Poules. En commercialisant largement ce lieu autour de soirées événementielles, le bar de 25 places assises offrant une restauration légère attire certains soirs près d’une centaine de personnes.

Dans ce quartier qui abrite de nombreuses start-up, ce bar qui est un des seuls à Paris à proposer de la bière Chimay à la pression, accueille de nombreux after-work. Une fois de plus, Pascal Barret est parvenu à changer le zinc en or.

La Ferme de Charles

9, cour des Petites-Écuries, 75010 Paris

Tél. : 01 48 24 11 11

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