Une athlète pour porter le flambeau du zinc

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Après un accident et une reconversion dans le monde des assurances, Caroline Raymond a repris une des brasseries possédées par sa famille. Après une première année d’exercice, elle a permis à l’établissement de retrouver l’équilibre en dopant la fréquentation.

La famille Raymond, originaire de la région de Riom-ès-Montagnes, dans le Cantal, est présente à Paris depuis plu-
sieurs générations. La plupart des Auvergnats de Paris connaissent la Maison Raymond, avenue de Saint-Mandé (Paris 12e) qui, depuis des lustres, veille sur la transaction de fonds de commerce dans le secteur du CHR. En dépit du lien fort des Raymond avec le zinc parisien, personne dans la famille n’avait vraiment encore travaillé derrière un comptoir. Depuis près d’un an, ce n’est plus le cas. En novembre 2017, Caroline Raymond, 28 ans, fille de Michel Raymond, a pris en gérance l’une des affaires de la famille, jusqu’alors placée en gérance libre. Elle s’est ainsi installée dans le quartier des Halles, rue Coquillière, dans une brasserie achetée par son grand-père il y a plusieurs dizaines d’années. Depuis lors, son grand-père puis son père avaient confié l’affaire à divers gérants, avec des bonheurs variés.

L’adresse avait connu plusieurs enseignes : Chez Palo, en hommage à l’aïeul, le Bistrot du commerce, Donato et l’Acajou des volcans, en référence aux salers que la famille continue d’élever dans le berceau familial, sur les estives de Riom. En arrivant dans les murs, Caroline a souhaité adopter une nouvelle enseigne afin de créer un choc psychologique et marquer sa différence. « J’ai d’abord songé à l’As de Caro, mais c’était trop personnel, confie-t-elle, puis j’ai pensé à l’As de pique qu’on m’a déconseillé en raison du symbole. J’ai finalement opté pour l’As de trèfle. Comme l’affaire que je reprenais était en difficulté, ce nom évoquait la chance. C’était également une référence qui me plaisait de la chanson de MC Solaar portant mon prénom avec les paroles : “L’as de trèfle qui pique ton cœur, Caroline.” »


Un chiffre d’affaires en hausse de 30 %

En un an, à la surprise générale, la jeune femme a redressé l’établissement. Elle devrait clore son premier exercice avec un chiffre d’affaires en hausse de 30 % par rapport à ce qu’ont réalisé les précédents gérants« En premier lieu, j’ai voulu faire vivre la terrasse afin d’attirer le public, explique-t-elle. J’ai mis en place des happy hours qui ont apporté une nouvelle clientèle de jeunes. Pour cela, j’ai développé l’offre de bières, de cocktails et de tapas. Nous avons également joué la carte de l’animation avec des musiciens et bientôt un magicien. Pour relancer la restauration, ce n’était pas compliqué. Les prix moyens des plats réalisés avec des produits surgelés tournaient autour de 20 euros. Nous proposons désormais une cuisine entièrement réalisée avec des produits frais et avons baissé les prix. Nous servons certains jours jusqu’à 110 couverts, ce qui était impensable précédemment. »

Dans ces conditions, dans les jours qui viennent, Michel Raymond ne devrait pas trop se faire tirer l’oreille pour renouveler le contrat de gérance de sa fille désormais « mordue » pour ce métier. Ce n’était pas évident au départ. Ni Caroline, ni son frère qui travaille dans le BTP, ni sa sœur qui fait des études de lettres et de droit, n’ont jamais envisagé de se lancer dans la profession. Cependant, dès l’âge de 16 ans, Caroline avait pris l’habitude de travailler l’été dans des brasseries (La Tribune, Café Louise) afin de se faire de l’argent de poche que son père lui refusait dans un souci d’éducation. Mais cette sportive, footballeuse, tennis woman et nageuse accomplie, se destinait à une carrière de professeur d’éducation physique. Elle est entrée en formation en Staps, mais une rupture des ligaments croisés nécessitant neuf mois de rééducation l’a contrainte à interrompre son cursus.

« Comme je voulais gagner de l’argent rapidement, j’ai tenté un BTS en alternance dans les assurances, explique-t-elle. Je suis allée travailler trois mois au Mans chez MMA, mais cela ne me passionnait pas. J’avais besoin de stimulations physiques et intellectuelles. C’est à ce moment que mon père m’a proposé de reprendre cette gérance. J’ai d’abord refusé, je ne me sentais pas prête. Je manquais d’expérience et surtout ce n’était pas l’objectif que je me fixais dans la vie. Pourtant, j’ai confusément senti que je devais y aller. Après une semaine de réflexion, j’ai relevé le défi. »

Une équipe jeune

Il s’agissait véritablement d’un défi, et Caroline a vite compris que, dans ce métier, on ne pouvait pas tricher. Pour mettre en place son plan de relance, elle a choisi d’être présente en permanence, 7 jours sur 7, dans l’établissement de l’ouverture du rideau, à 11 heures à la fermeture vers minuit et 2 heures du matin en fin de semaine tout en trouvant encore du temps pour réaliser toutes les tâches administratives. « Cette omniprésence était indispensable pour maîtriser parfaitement le fonctionnement de l’établissement, fait observer Caroline. D’abord j’ai dû m’imposer et constituer une équipe de A à Z. Cela m’a permis d’obtenir un redressement rapide de la fréquentation et d’investir dans la terrasse, le mobilier et les stores pour préparer au mieux la Coupe du monde de football. Nous avons pu profiter de l’événement. »

Pour transformer en 2019 l’essai marqué en 2018, Caroline va se concentrer sur la restauration. Elle est conseillée dans ce domaine, par Jean-François Roque, exploitant des Cadets de Gascogne et ami de la famille Raymond. La carte joue la simplicité et mise sur les plats les plus populaires : entrecôte, tar- tare, burger saumon. Le ticket moyen se situe autour de 20 euros. Elle réfléchit actuellement à la mise en place d’une formule brunch, le dimanche, avec un buffet à volonté à 26 euros. Désormais, la jeune femme est plus confiante dans l’avenir. Elle a fait ses preuves et sait qu’elle est sur la bonne voie. Cette sportive est consciente qu’elle peut se reposer sur une solide équipe de 9 employés au sein de laquelle elle fait déjà figure d’aînée puisque la moyenne d’âge est de 24 ans. Parmi eux, on remarque quelques jeunes recrues d’origine cantalienne ou aveyronnaise. La tradition ne se perd pas.

Les palettes et coussins installés sur une partie de la terrasse sont très appréciés.

La reconquête de la clientèle s’est faite à partir de la terrasse.

Les mosaïques de l’As de trèfle date de 1930.

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