The Place To…Valérie et Benoît Kistler : une vétérinaire et un ingénieur derrière le comptoir

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The Place to… est sans doute la seule brasserie française dirigée par une ancienne vétérinaire et un ancien ingénieur.

Benoît Kistler et Valérie Kistler
Benoît et Valérie Kistler.

Dans le nom de notre enseigne The Place to…, ce sont les points de suspension qui sont importants. On pourrait y écrire : pour manger, écouter, rencontrer, boire un verre, travailler sur un ordinateur… détaille Benoît Kistler. Lorsqu’il est arrivé fin 2014 dans ce vaste établissement de l’avenue Wagram, il a souhaité morceler l’espace pour proposer différentes ambiances destinées aux différents moments de la journée : un patio proche de la terrasse, un club canapés, un bar convivial réalisé avec du bois de récupération de vieux wagons et un lieu plus orienté vers la restauration. La clientèle peut ainsi choisir l’espace qui lui convient le mieux et cinq cartes adaptées se succèdent au cours de la journée pour rythmer les instants : petit déjeuner, déjeuner, après-midi, happy hours et dîner.

Grâce à cet aménagement de l’espace et du temps, Benoît et sa sœur, Valérie, parviennent à remplir quotidiennement cet établissement qui offre 250 places sans la terrasse. Il y a quelques années, cet emplacement abritait un des restaurants Chez Clément. Valérie et Benoît Kistler l’ont racheté à Stanislas Dewynter. Ils ont aussitôt investi 900 K€ dans des travaux pour totalement trans former le décor et créer l’établissement dont ils rêvaient depuis des années. C’est Bruno Louvrier, qui réalisait au même moment la Brasserie Barbès, qui a signé ce décor industriel d’inspiration new-yorkaise.

Maître restaurateur

Benoît et Valérie souhaitaient franchir une nouvelle étape dans leur carrière de restaurateurs en créant The Place to… Ils étaient également animés par la volonté de monter d’un cran le niveau de la prestation culinaire qu’ils proposaient. Dans leur précédente expérience, dans le restaurant L’Annexe, sur l’île de la Cité. Valérie et Benoît proposaient une carte plus sommaire, largement orientée vers le snacking. Pour proposer une restauration plus sophistiquée, avant l’ouverture de The Place to…, Benoît a suivi une formation professionnelle à l’Atelier des chefs, avant de passer un CAP cuisine en candidat libre : « Il n’était pas question pour moi de prendre les commandes de la cuisine, explique-t-il. Pour cela, je me repose entièrement sur mon chef, Nicolas Perrot. Mais j’avais besoin de comprendre ce qu’il se passe pour manager l’équipe. Ensuite, nous nous sommes aperçus que nous travaillions exclusivement avec des produits frais et qu’il serait bon de le faire savoir à la clientèle. C’est dans cet esprit que je suis devenu Maître restaurateur en 2016 ».

Les recettes proposées par ce restaurant, restent simples. Le chef met en avant des produits d’origine que lui fournissent son boucher ou son poissonnier et les travaille avec des touches orientales ou asiatiques. Il propose en outre une sélection de burgers. Jusqu’au 19 mai dernier, le Rouergat burger figurait à la carte au prix de 26 €. Cette recette créée par le second, Maxime Fabry, avait remporté au mois d’avril le titre de meilleur burger d’Île-de-France à l’occasion du Sandwich & Snack Show.

Les racines aveyronnaises

La recette décline du pain aux noix, de la tome d’Aubrac, de la sauce aux morilles, de la viande d’Aubrac et même du thé d’Aubrac. Des produits chers à ce jeune cuisinier originaire d’Aveyron, mais aussi à Benoît et à Valérie, dont de patronyme alsacien cache les origines rouergates. Si leur père est Alsacien, les deux jeunes patrons ont une mère aveyronnaise. Le berceau de la famille est à Lacam, où elle possède encore une maison où elle se retrouve régulièrement pendant les fêtes ou au mois d’août. Même si les parents des deux patrons n’ont jamais travaillé dans le secteur de la CHR, Benoît reconnaît qu’il a grandi dans ce milieu : « Mon grand-père était représentant chez Richard. Enfant, l’été, je passais mes vacances en Aveyron, où je jouais avec des fils de restaurateurs parisiens. Pour moi, ce métier ne représentait pas une abstraction.

Après des études, Benoît est devenu ingénieur chez Veolia, mais il gardait à l’esprit de reprendre un jour une brasserie. « Aujourd’hui, les carrières ne sont plus linéaires, explique-t-il. Je m’étais dit que la quarantaine venue, je créerai mon entreprise dans ce secteur. Les opportunités ont fait que ce tournant s’est produit à la trentaine ». Valérie fut l’élément déclencheur de ce tournant de carrière. Elle aussi avait suivi de brillantes études et exerçait comme vétérinaire équin en Normandie. Ses conditions de travail de l’époque ne la satisfaisaient pas pleinement. Elle a décidé de s’engager dans une autre voie et c’est ainsi que le frère et la sœur se sont lancés en 2006 dans l’acquisition du Tabac du Palais, sur l’île de la Cité. « Comme nous n’avions pas d’expérience, nous avons porté notre choix sur un bar-tabac, résume Benoît. C’est plus contraignant, mais moins risqué financièrement. Cela nous a aussi permis de nous initier au métier ».

De l’humilité

orsque les deux associés ont maîtrisé leur activité, ils ont racheté un magasin voisin pour y délocaliser le tabac et y adjoindre un point de vente de souvenirs. L’ancien commerce est ainsi devenu un bistrot parisien baptisé L’Annexe. Cette division a permis d’optimiser les deux activités et a offert à Benoît et Valérie un tremplin pour créer une grosse brasserie comme The Place to… En 2016, tous deux ont cédé leur tabac, mais ils conservent L’Annexe, désormais placée en gérance libre. En faisant preuve d’humilité dans leur démarche entrepreneuriale, le frère et la sœur ont montré qu’il était possible de réussir sans expérience dans ce métier. S’ils ne nourrissent aucun regret par rapport à leur ancienne vie, Valérie et Benoît n’estiment pas pour autant que leurs longues études furent inutiles. Ils affirment même que cette formation leur a été précieuse pour résoudre les nombreux problèmes administratifs auxquels est régulièrement confronté un chef d’entreprise.

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