Yoann Conte, des étoiles en pause pour mieux se retrouver

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Après des séjours aux États-Unis et dans toute la France, le chef Yoann Conte fête cette année ses 10 ans de reprise de l’ancien étoilé Marc Veyrat sur les bords du lac d’Annecy. L’homme qui a rapidement redonné deux étoiles à l’établissement les met aujourd’hui entre parenthèses, opérant une vraie réflexion sur sa cuisine et sur sa décennie à Veyrier-du-Lac.

« Je ne me voyais pas sortir du confinement normalement et reprendre comme si de rien n’était. J’avais besoin de tourner une page. » Assis sur la terrasse de l’embarcadère de la Maison bleue, qu’il a reprise à la suite du chef Marc Veyrat le 1er juin 2010, Yoann Conte revient sur sa décision de fermer son restaurant deux étoiles jusqu’en septembre. Triskel celte cousu sur la veste Relais & Châteaux, il fixe les eaux calmes du lac d’Annecy, le regard perdu entre mer et montagne. « Il fallait déconfiner le restaurant, c’était sûr, mais on ne savait pas comment. » Après le choc et la brutalité de la fermeture obligatoire, puis les doutes concernant la date de réouverture des restaurants, il a finalement pris la décision de rouvrir son restaurant éphémère d’été plutôt que son établissement gastronomique. Faire fonctionner les deux établissements aurait nécessité 70 employés, soit 20 de plus que les effectifs de l’équipe permanente qu’il mobilise durant toute l’année. De nombreux problèmes rendaient l’exercice difficile : « On n’avait plus le droit aux chariots de fromage, on devait porter un masque : l’expérience gastronomique était abimée, énumère le chef, et puis, on nous a dit qu’il n’y aurait pas d’avions, que les frontières seraient fermées. » S’il salue l’accompagnement gouvernemental de la profession, « une chance que n’ont pas eu d’autres pays », Yoann Conte voulait prendre le temps de souffler, de se recentrer et de poursuivre sa réflexion entreprise de force avec le confinement. « Le confinement nous a été imposé, alors je me suis dit pourquoi imposer la fermeture du restaurant gastronomique. J’ai prévenu Michelin : je leur ai dit en âme et conscience que je fermerai cet été.»


UN BRETON À SA PLACE EN HAUTE-SAVOIE

Pour autant, le chef « n’arrête pas, ne renonce à rien » et a même visé juste : le confinement de son gastronomique lui permet de ménager ses équipes ; le fonctionnement du restaurant d’été nécessitant moins de monde que celui du gastronomique. « Grâce à la fermeture, observe- t-il, je peux être ouvert sept jours sur sept en respectant les deux jours de congés hebdomadaires de mes salariés. » 

« Être des cuisiniers avant d’être des chefs ! »

Le restaurant éphémère lui permet également de sortir de sa cuisine habituelle : à la carte du restaurant (disponible en QR code), on retrouve notamment la célèbre pizza margarita, inventée pour la reine Marguerite de Savoie en 1889, mais aussi des grillades, des pâtes. « On s’est dit qu’on allait faire de bons plats et être des cuisiniers avant d’être des chefs. » Cette cuisine plus simple lui permet d’augmenter sa marge et également de commander de plus gros volumes à ses fournisseurs, comme le boucher charcutier Maxence Baud, basé à Villaz. Le restaurant extérieur permet d’accueillir jusqu’à 92 couverts. « J’ai fait le bon choix, il a beaucoup de tables de deux et de quatre. Parfois ça monte à six ou huit, mais nous n’avons pas eu de grande tablée de dix. » Ce choix stratégique, « certains l’ont fantasmé : un potentiel trois étoiles qui arrête, il y a de la place ». sourit le chef. Mais plus qu’une lubie, sa décision de fermer son restaurant gastronomique était « une envie très personnelle ». Arrivé à 10 ans à Chamonix pour suivre ses parents, le chef est tombé amoureux du territoire. Cette année, il fête ses 10 ans de reprise de la Maison bleue. Sa pause gastronomique lui donne l’occasion de repenser son restaurant : changement de nappages, nouveaux rideaux et nouvelles assiettes. « On va garder les plats phares de la maison, en leur insufflant un nouveau souffle, plus simple. » Un jour avant de rouvrir, il partira faire l’ascension du mont Blanc avec sa femme, le 15 septembre. Une date symbolique, qui marque à la fois sa date d’anniversaire et celle de leur mariage. Et une pause symbolique pour ce Breton « citoyen du monde », qui a trouvé ici un véritable équilibre. « Dans le monde actuel, nous sommes toujours dans la marche en avant, faire plus de rendement avec moins d’employés : trouvons ce moment pour décroître. »


La Maison bleue Yoann Conte Annecy
La maison bleue.

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