Le poivre, une épice aux multiples facettes

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Piper nigrum, moulus, poivre gris… il existe tant de variétés que le poivre peine à se faire connaître aussi bien que son homologue, le sel. Pour décortiquer la baie, nous avons échangé avec le chef Johan Thyriot, qui le met à l’honneur dans sa cuisine.

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Poireaux aux truffes avec le poivre Muntok blanc. Crédit Jordan Favin.

Le poivre est souvent méconnu et délaissé au profit du sel. En France, seuls les fruits du piper nigrum – qui donnent le poivre vert, blanc, rouge et noir – peuvent être appelés « poivre ». Car il existe trois autres espèces, piper longum ou poivre long, piper cubeba ou poivre cubèbe, et piper borbonense ou poivre de voatsiperifery. Pourtant, d’autres épices, ou plutôt d’autres baies provenant de plantes différentes, peuvent obtenir le titre de « faux poivres ». Elles font ainsi grimper le nombre d’espèces.

Autant d’espèces avec lesquelles s’amuse le chef Johan Thyriot, du Domaine du Colombier à Malataverne (Drôme), pour emmener ses convives dans un voyage poivré. Dans sa collection, on trouve une quarantaine de « vrais » et « faux » poivres. « Il n’y a pas longtemps, j’ai une dame qui me disait avoir une vingtaine de poivres chez elle depuis sa première venue. C’est rare d’en avoir autant. » Mais ce qu’il préfère, c’est convaincre ceux qui ne supportent pas le poivre : « Ils ont souvent l’image du poivre Ducros qui vous fait éternuer. »

Une image à refaire

Autour du poivre, il existe plusieurs idées reçues. Le poivre gris, par exemple, n’existe pas : il s’agit d’un mélange du poivre blanc, noir et vert. C’est un produit purement transformé. On peut y ajouter le poivre moulu, qui est à proscrire selon le chef : « Il est très volatil et il perd tous ses arômes. Le mieux c’est d’acheter du poivre en grains et de le conserver dans des pots, comme le café, à l’abri de l’air et de la lumière. De cette manière, il peut être gardé des années. » Quand bien même Johan Thyriot préconise l’utilisation d’un mortier pour concasser et faire ressortir tout le potentiel du poivre, il ne néglige pas l’utilisation du moulin, qu’il pratique lui-même.

Johan Thyriot
Le chef du Domaine du Colombier, Johan Thyriot. Crédit Jordan Favin.
Pigeonneau Butternut Voatsiperifery
Pigeonneau au butternut avec le poivre Voatsiperifery rouge. Crédit Jordan Favin.

Entre toutes les espèces et les préjugés, on peut facilement s’y perdre dans son utilisation. À ce titre-là, il faut se rappeler que le poivre est un produit de finition. « Le poivre n’aime pas trop la cuisson, au-dessus de 70 degrés, on perd toute la fraîcheur du produit. Le mieux c’est au moment d’envoyer l’assiette, c’est un exhausteur de goût, il va relever tout le plat. » Chaque poivre, chaque baie, à son propre goût. À titre d’illustration, les baies de Sansho offrent des notes d’agrumes. Le poivre voatsiperifery libère des saveurs mentholées.

Le poivre blanc comme point de départ

Mais nul besoin de griller les étapes. Pour commencer, un poivre blanc fait amplement l’affaire pour la cuisine du quotidien. Car n’oublions pas que toutes ces espèces ont également un prix. « C’est la seule épice que je fais venir en dehors de mon potager. Cela me coûterait plus cher de le faire moi-même », déplore le chef du Domaine du Colombier. En effet, entre le climat de l’Hexagone qui n’est pas adapté, et l’énergie qu’il demande, Johan Thyriot préfère travailler avec des serres tropicales, dont La Ferme aux Crocodiles, à Pierrelatte (Drôme).

Finalement, même si le prix du poivre au kg se révèle très élevé (99 € pour 1 kg de poivre de Kampot IGP noir chez Terre Exotique), les quantités utilisées sont tellement minimes que la balance s’équilibre : « En moyenne, sur une saison et une carte de printemps, je dois utiliser au maximum 1 kg et il faut inclure toutes les variétés », souligne le chef.

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