Le Club des poètes cultive poésie et paradoxes

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Ce vestige bien vivant des cafés poétiques d’antan n’exige aucune carte de membre. Le Club des poètes est aussi le restaurant le meilleur marché du 7e arrondissement.

Le Club des Poètes
Marcelle Rosnay Moustaki, maîtresse des lieux. Crédits : Pierrick Bourgault.

« C’est un endroit où l’on dit des poèmes à 21 h. Pour manger, c’est maintenant ! », annonce une jeune femme au couple, étonné, qui découvre les sombres poutres rustiques, les guitares accrochées au mur, les pianos, les petites tables serrées. Le concept est aussi simple que le menu : bœuf bourguignon, saucisse de Montbéliard ou quiche-crudités pour 9 €, verre de vin à 4 €. Des tarifs inattendus entre galeries d’art luxueuses, cavistes et restaurants chic. Autre surprise, l’âge du public : tandis que le Marché de la poésie est fréquenté par des cheveux gris, le Club rassemble des gens de 20 ans…

Au fil des conversations, on apprend qu’ils étudient littérature, philo ou théâtre. Les auteurs de chansons françaises rêveraient d’un tel public. L’ambiance évoque une soirée entre amis dans une maison de vacances qui aurait été rénovée avant 1960. Un lieu modeste, mais dont une simple recherche sur Facebook révèle la formidable popularité : 128 K likes et 170 K followers. À 21 h, de petites bougies éclairent les tables, la lumière baisse et oriente les regards vers le comptoir. Blaise quitte les fourneaux – mais pas sa casquette : « Quelqu’un a envie de dire un poème ? » Dire, pas lire, il faut connaître par cœur. Lui aussi participe à ces séances et partage des œuvres de Musset, Baudelaire et de son père Jean-Pierre Rosnay.

Le verrou tiré, car on n’interrompt pas Verlaine, les nouveaux venus attendront la dernière strophe pour entrer. Des convives chantent leurs textes, s’accompagnent à la guitare. « Maman » se lève et nous offre une poésie, appuyée au comptoir.

L’âme du lieu

Jean-Pierre Rosnay (1926-2009) naît à Lyon, s’engage dans la Résistance dès 1941 et combat au mont Mouchet, entre Haute-Loire, Lozère et Cantal, puis dans le Vercors. Il écrit poèmes et chansons de marche pour les maquisards, repris par Radio Londres. À la Libération, il se veut « activiste de la Résistance poétique » et anime des émissions à la radio, puis à la télévision en prononçant son éternel « Amis de la poésie, bonsoir ! »

En 1951, il rencontre Marcelle Moustaki, sœur de Georges : « Mon père était libraire à Alexandrie et je suis venue étudier à Paris. Avec Jean-Pierre, on voulait créer un lieu de la poésie et on a repris en 1961 un restaurant – car il fallait en vivre. On a longtemps cherché à Saint-Michel et Saint-Germain, mais les bougnats ne voulaient pas vendre, à l’époque. Une pharmacienne qui connaissait les émissions de mon mari nous a confié son affaire – je crois qu’elle était auvergnate. On a acheté les murs après. » Marcelle évoque les soirées avec Georges Moustaki, Georges Brassens, Raymond Queneau, Pierre Seghers, Louis Aragon et Elsa, Pablo Neruda… L’âme des poètes vibre toujours entre ces murs.

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