Terrasses estivales : des installations très demandées
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Les terrasses estivales sont ouvertes aux clients des bars et restaurants parisiens depuis le 1er avril. Elles représentent un gain de chiffre d’affaires pour les exploitants du CHR. Si toutefois une autorisation leur est accordée. La mairie de Paris étudie encore des demandes pour ces terrasses, qui embelliront les rues et les places de la capitale jusqu’au 31 octobre.

Si la météo est plutôt maussade en ce début de saison printanière à Paris, les exploitants de débits de boissons, les restaurants, les glaciers et les salons de thé peuvent installer des terrasses estivales depuis le 1er avril. Et ce, jusqu’à la fin du mois d’octobre. Cette possibilité est ouverte à plusieurs types de commerces – dont les hôtels, les fleuristes, les librairies ou les disquaires – depuis la réforme, en juin 2021, du Règlement des terrasses et étalages (RTE). Mais ces aménagements éphémères sont soumis à des autorisations de la Ville de Paris. Ils peuvent être mis en place dans différents endroits de l’espace public, comme des places de stationnement, des trottoirs, des terre-pleins, des placettes ou des rues temporairement piétonnisées. Néanmoins, il existe « des limites d’implantation et des restrictions », précise la municipalité. Sur le trottoir, ces terrasses estivales peuvent être implantées « face aux immeubles mitoyens » des commerces concernés, ou encore le long des immeubles « uniquement devant les murs aveugles et devant les commerces qui auront donné leur autorisation ». Concernant les places de stationnement, la terrasse peut s’établir « au droit du commerce plus une place de stationnement de part et d’autre, mais avec interdiction d’installation sur le stationnement réservé (place de livraison, place personnes handicapées, taxis, motos, scooters, station de vélos…) ».
Une réglementation plus complexe
Aujourd’hui, les dispositions relatives aux terrasses et contre-terrasses estivales s’avèrent plus compliquées à saisir, en comparaison avec celles en vigueur durant la sortie de la crise sanitaire. En effet, en 2020, l’installation d’une terrasse éphémère s’appuyait sur un système déclaratif. Un modèle pratique, qui avait permis une réouverture graduée des restaurants et des bars, offrant ainsi une fraîcheur inédite aux rues de la capitale. « Depuis le nouveau règlement des terrasses et étalages de juin 2021, c’est un système d’autorisation », note maître Philippe Meilhac, avocat pénaliste à Paris. Si les refus ou retraits d’autorisation des terrasses sont souvent explicites (avec des motifs précis des services municipaux), « les motifs peuvent interpeller et paraître parfois assez subjectifs », ajoute Maître Meilhac. Une première demande d’autorisation est une démarche lourde pour les exploitants. « Nous voulions profiter de cette opportunité que la mairie de Paris nous offre, à savoir construire un petit endroit éphémère et sympa, pour que les gens de la rue puissent profiter de notre intérieur et aussi d’être dehors, explique Victorien Deshayes, gérant du bistrot Frangins (Paris 11e), ouvert à la fin de 2022. Mais c’est un dossier assez conséquent, il fallait fournir la taille, le type de bois… Nous avons fait la demande en mars, et nous avons eu une réponse positive la première semaine d’avril. » Grâce à sa terrasse fixée sur deux places de stationnement, l’établissement de la rue de la Fontaine-au-Roi dispose donc de 16 places supplémentaires. « Le temps n’est pas trop au rendez-vous, mais dès qu’il y a un rayon de soleil, les gens en profitent bien. Surtout que le soleil est assez bas dans cette rue », remarque Victorien Deshayes. En remontant vers le quartier de Belleville, le restaurant spécialisé en nouilles chinoises, Lim Sept (Paris 19e), n’a pas obtenu une décision si favorable concernant sa terrasse d’été. « La première année, c’était juste un formulaire à remplir. Mais la deuxième, il a fallu une autorisation. Et avec l’autorisation que j’ai, je ne peux mettre que quatre places en plus. Sans respecter la dimension, je peux mettre au moins 20 personnes », précise Xue Chen, la propriétaire du restaurant, appelée Viviane par ses clients habitués. Une décision étonnante au regard de l’espace vacant devant son enseigne. Celle-ci donne sur la rue Hector-Guimard, piétonne, et semblable à une petite place. Mais « Viviane » ne s’interdit pas de dépasser les limites de l’autorisation « quand il fait très beau », ce qui lui a valu des contraventions l’an dernier : « J’ai dépassé d’une table des deux côtés, et j’ai eu quatre amendes en seulement un mois ». Le nouveau Règlement des étalages et des terrasses accorde notamment « une importance particulière à la qualité esthétique », un problème déjà évoqué par la mairie de Paris concernant Lim Sept. Ce RET repose également sur un équilibre associant – entre autres – « la tranquillité des habitants, le non-encombrement de la chaussée afin de garantir l’espace suffisant aux piétons, aux familles et personnes à mobilité réduite ». Pour limiter les nuisances causées par une terrasse, les contrôles de la police municipale ont été renforcés. Les policiers municipaux sont habilités à procéder à des sanctions pénales immédiates : une amende forfaitaire de 68 €, en cas de nuisances sonores, ou 135 € pour défaut d’entretien ou irrégularité. Des sanctions plus lourdes peuvent aussi être prononcées, comme une mise en demeure de démonter la terrasse, des amendes de 500 €, le démontage à la charge des exploitants ou encore la demande officielle d’une fermeture administrative par la préfecture de police.
Bénéfices d’image et financiers
Malgré la difficulté que peuvent rencontrer les restaurateurs et les cafetiers pour obtenir une autorisation de terrasse, les gains apportés par celle-ci sont loin d’être négligeables pour les professionnels du CHR. « Cela nous rapporte une vingtaine de couverts supplémentaires, confie Hind Hasnaoui, directrice d’exploitation des trois restaurants italiens du groupe All’angolo (Pastificio Norma, La Massara et Rusidda), dans le 3e arrondissement de Paris. Chacun de ces établissements a pu bénéficier d’une reconduction tacite de ses terrasses éphémères. Elles disposent respectivement de 24, 10 et 14 places supplémentaires, entre Arts et Métiers et Temple. Outre une hausse du chiffre d’affaires bienvenue – après une période où les manifestations récentes ont réduit l’activité des restaurants du quartier –, les terrasses présentent « un Paris un peu plus sympathique, estime Hind Hasnaoui. Les voitures ne restent pas devant et cela change de l’aspect parisien un peu froid. L’idée est aussi de rendre plus jolie une terrasse et d’améliorer la qualité de vie autour ». Selon les informations du site de BFM TV, « près de 3 800 autorisations de terrasses estivales ont été attribuées. Il y a plusieurs centaines de dossiers qui ont été déposés très tardivement et qui sont en cours d’étude par nos services », indiquait la Ville de Paris, jeudi 20 avril. Un chiffre stable par rapport à l’année précédente, où environ 4 000 autorisations avaient été accordées, sur les 11 000 demandes des exploitants parisiens. Un traitement des demandes qui avance timidement. « Il y a un problème au sein du service d’urbanisme, il n’a pas suffisamment d’agents. Ce service est un peu sous-dimensionné », considère Maître Meilhac. Par ailleurs, les autorisations sont imbriquées dans un contexte politique local, propre à chaque quartier de Paris. « Dans le centre, cela devient extrêmement compliqué. Les services de l’urbanisme essaient de suivre l’avis du maire d’arrondissement, qui n’est pas souvent très fondé en droit. Et depuis le nouveau RET, il y a des chartes qui fleurissent dans les arrondissements », ajoute l’avocat. Ces chartes limitent la possibilité d’aménager des terrasses. C’est le cas dans le quartier de la rue Montorgueil (Paris 1er et 2e), la place du Marché-Sainte-Catherine (Paris 4e), la place Turgot (Paris 9e), le canal Saint-Martin (Paris 10e) et les quartiers festifs du 11e arrondissement. Afin de déposer un dossier solide lors d’une demande de terrasse estivale, Maître Meilhac conseille aux CHR de « se faire entourer par un conseiller ou un architecte ».