Benjamin Suchar (Worklife) vient jouer les trouble-fête sur le marché des titres-restaurant

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Solution de gestion des avantages salariés, Worklife est le nouvel acteur sur le marché en ébullition des titres-restaurant. Arrivé au moment propice, alors que la défiance des restaurateurs envers les acteurs historiques du secteur n’a jamais été aussi forte, Benjamin Suchar, fondateur et propriétaire majoritaire de l’entreprise française, revient sur les détails de sa solution : quels avantages pour les restaurateurs, et comment ces derniers peuvent-ils être certains d’y gagner ?

Qui est Worklife, quand et où a été créée cette société et quelles sont ses activités principales ?

Worklife vient d’une entreprise qui s’appelait Yoopies et qui a changé de nom et de mission fin 2020. Elle s’est créée comme une solution pour gérer, animer, et financer les avantages salariés, dont le titre-restaurant. Nous travaillons déjà avec 130 entreprises sur des avantages salariés divers. Worklife est une entreprise française, détenue en majorité par ses fondateurs dont moi, et nous avons fait une levée de fonds en 2017 auprès de fonds d’investissement. 

Quelle est la solution de titres-restaurant que vous développez ? 

Nous avons lancé la carte de paiement il y a un mois. La carte worklife sert non seulement aux titres-restaurant, mais aussi au forfait mobilité durable (transports en commun et vélos, véhicule électrique et covoiturage), financement de services à la personne comme la garde d’enfants, et l’indemnité de télétravail. La carte, en fonction du type de dépense, va allouer la somme et l’avantage correspondant pour le salarié. C’est une carte dotée du réseau visa et mastercard. Elle peut être utilisée sur les TPE qui acceptent les cartes visa et mastercard. A l’inverse, la carte ne fonctionne pas auprès de marchands qui ne seraient pas des restaurateurs (ou des GMS).

On a une limite de 38 euros en restaurant (19 euros en GMS) avec la possibilité de pouvoir payer en une fois des dépenses qui vont au-delà, et worklife fait la répartition entre les titres-restaurant et le paiement personnel du salarié, parce qu’il peut adosser à sa carte worklife son moyen de paiement personnel. On ne bloque pas les fonds du salarié, il n’y a pas d’immobilisation d’argent auprès du collaborateur. Il faut noter aussi que la carte virtuelle avec le smartphone sera également utilisable sans problème. Tout cela est lié à une solution en ligne qui donne une vision des avantages au salarié, et lui permet d’ajouter son rib ou sa carte bancaire personnelle à son compte d’entreprise.

Alors qu’un vent de révolte souffle chez les restaurateurs contre les acteurs traditionnels des titres-restaurant, l’annonce arrive à point nommé, ce n’est pas un hasard ?

La réflexion autour de la mise en place de cette solution date d’avant. Mais la crise covid est passée par là, et les avantages salariés sont en train de se transformer aujourd’hui. Les cantines d’entreprise par exemple sont en perte de vitesse. Après, pour revenir à ce vent de révolte chez les restaurateurs contre les acteurs classiques des titres-restaurant, ce n’est pas nouveau, ça fait quelques années que ça enfle, et nous le savons. Oui, nous avons fait cette annonce à ce moment là, car oui bien évidemment il y a ce contexte particulier. Pour nous ce n’est pas normal de faire un business modèle sur le dos des restaurateurs sans apporter de réel service. 

Qu’est-ce qui vous différencie de ces acteurs classiques ?

Nous avons travaillé avec le réseau visa pour notre carte. Quand un client paiera au restaurant avec la carte Worklife, il n’y aura donc aucun délai de paiement, ni aucune commission, hormis les frais bancaires classiques qui s’appliquent pour tout paiement par carte de crédit. On va avoir un large réseau d’acceptation car les restaurateurs vont pouvoir encaisser des titres-restaurants sans commission. C’est un point très marquant pour nous. On est finalement comme n’importe quel carte bancaire d’entreprise. Ce qui nous différencie beaucoup, c’est aussi la valeur qu’on amène aux entreprises. Le titre-restaurant est un moyen de mettre en lumière tout ce que l’entreprise fait pour ses salariés et de mettre en valeur toutes les autres initiatives. Avec notre solution, le salarié sait à quoi il a droit, tous les avantages sont réunis sur un seul support. Le salarié y gagne, l’entreprise y gagne car elle valorise ses employés, et les restaurateurs y gagnent car l’encaissement se fait plus simplement, les délais de paiement sont les mêmes que pour une carte classique, et il n’y a pas de commission.


Comment comptez-vous convaincre les entreprises de faire appel à vous pour les titres-restaurant de leurs salariés ? Et les restaurateurs ?

Les 130 entreprises qui nous ont rejoints sont des grandes entreprises, comme la société générale, la SNCF, la RATP (pas encore sur les titres-restaurants mais sur le reste de la solution). Et nous serons capables d’ici quelques semaines de faire des annonces sur de belles entreprises de plus de 10 000 salariés. Nous allons directement convaincre les entreprises et leur expliquer que c’est important en termes de responsabilité sociale de choisir un acteur qui ne prend pas de commission pour les CHR.

Le deuxième point est de communiquer auprès des restaurateurs. C’est tout un travail à mener auprès d’eux afin de pouvoir les sensibiliser et leur expliquer pourquoi notre solution est meilleure. On a ouvert le partenariat avec l’Umih, on est ouvert à l’ensemble des organisations professionnelles. On espère pouvoir donner de bonnes idées aussi à la concurrence.

Enfin, c’est auprès des salariés qu’on souhaite communiquer, et c’est aussi à ces derniers d’aller demander à leur employeur pour avoir droit à ces avantages. On compte vraiment sur le bouche-à-oreille aujourd’hui, on n’a pas les moyens de gros mastodontes pour créer une importante force commerciale.

Si vous ne percevez aucune commission de la part des restaurateurs sur l’encaissement des titres-restaurants comment comptez-vous rendre cette affaire rentable ? Qui devra payer ?

On ne prend pas de commission du tout en direct, le restaurateur a toujours à payer les frais bancaires, ce ne sont pas des frais qu’il paie à Worklife mais à sa banque. Il y a donc toujours la commission bancaire d’entreprise classique, comme n’importe quelle carte de paiement, mais nous ne prenons pas de commission directe auprès du restaurateur. Les concurrents prennent autour de 5 % eux. Ce qui n’est pas rien quand on connaît les marges en restauration.

Nous faisons payer l’entreprise. Il faut bien se rendre compte que les émetteurs de titres-restaurants vendent gratuitement aux entreprises, voire mettent des remises en fin d’année. Nous on prend le problème à l’envers : on propose de la valeur aux entreprises avec notre solution, et que les entreprises acceptent donc de payer pour deux raisons : participer à une démarche RSE et participer à la valorisation de la marque employeur. On fait payer entre 1 et 5 euros par mois et par salarié en fonction de la taille de l’entreprise et du nombre d’avantages réunis dans le package. Le principe est basé sur une économie de marge, plus l’entreprise est importante et a de salariés, plus on baisse le prix, car nous avons des coûts fixes.

Forcément, à l’arrivée, nous serons moins rentables que les acteurs professionnels, mais on peut très bien faire une belle entreprise (aujourd’hui nous avons 75 salariés) et grossir de manière importante sans attendre les taux de rentabilité des autres acteurs, mais c’est une croissance plus juste et plus équitable.

On sait que, outre le prix, beaucoup de restaurateurs se plaignent de la complexité comptable des titres-restaurants. Qu’avez-vous envisagé pour répondre à ce problème ?

La comptabilisation des titres restaurants est exactement la même que pour les paiements en carte bancaire d’entreprise, il n’y a plus de comptabilité spécifique, plus de commissions, et c’est simple et limpide.


Aujourd’hui, vous ne percevez aucune commission au niveau des restaurateurs, aussi pour vous différencier. Quelle assurance pouvez-vous donner pour que les choses restent ainsi à moyen – long terme ?

Pour l’instant les restaurateurs doivent me croire sur parole, je ne leur demande pas un chèque en blanc. Si un jour une décision contraire à cet engagement fort venait à être prise, qu’ils n’acceptent plus la carte worklife. Acceptez la carte à partir du moment où elle respecte ses engagements. Ce sont nos valeurs, c’est notre ADN.

Un dernier mot ?

Nous en appelons aux pouvoirs publics pour réguler la commission titres-restaurant et la plafonner, que la commission bancaire soit le maximum (soit 1,5 % au lieu de 5 en moyenne), ce qui permettrait de mettre tous les acteurs sur un pied d’égalité.

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