Comment séduire son banquier

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Que l’on soit un jeune entrepreneur ou un chef d’entreprise expérimenté, la question du financement est un point crucial pour mener à bien la création d’activité, des travaux de rénovation ou la croissance d’une affaire. Savoir se faire conseiller et accompagner est tout aussi important que de présenter un dossier solide aux potentiels financeurs.

Au commencement

Cela fait un moment que vous y pensiez et voilà que vous avez enfin trouvé un restaurant à reprendre qui vous plaît. Vient alors l’heure de l’étude de marché, des formalités administratives, des rendez-vous avec les artisans et les fournisseurs, du choix du mobilier, de l’enseigne… La création ou la reprise d’une entreprise demande de l’énergie et de l’organisation et, pour mener à bien cette étape et amorcer l’avenir du mieux possible, le dossier de financement doit être monté avec toutes les précautions nécessaires. Plus qu’un simple business plan, le prétendant à un prêt bancaire doit mettre sur papier les tenants et les aboutissants de sa future entreprise, présenter son parcours professionnel et décrire l’environnement géographique où l’établissement sera implanté.

« Le dossier est le premier contact que l’on a avec un projet, décrypte Hakim Cheheb, directeur régional Normandie Ouest à la BRED Banque Populaire. Le porteur de projet doit se mettre dans la peau du banquier, expliquer, se montrer fiable. » Pour lui, on peut être un « très bon professionnel dans son domaine, mais avoir besoin de professionnels des chiffres » .

Côté purement financier, le prévisionnel doit permettre à la banque sollicitée d’avoir une vision globale sur la rentabilité et la viabilité de l’entreprise. Plus encore, il aide à estimer les capacités de paiement des dépenses courantes et à optimiser la politique d’achat et d’investissement. Le dossier doit comporter un plan de financement initial et à trois ans afin de répondre à ces questions : quelles sont les ressources nécessaires pour le démarrage ? Quel résultat espérer les trois premières années ? Quel sera le seuil de rentabilité ?

Le compte de résultat, le plan de trésorerie et les soldes intermédiaires de gestion seront aussi les composantes du prévisionnel financier qui permettront d’avoir une vue plus précise du fonctionnement de l’entreprise : marge, résultat avant impôt, excédent brut d’exploitation… Pour toutes ces données financières, même si ce n’est pas obligatoire, il est « très important d’être accompagné par un comptable », précise Hakim Cheheb, et même de « demander un deuxième avis ». Dans le cas d’une reprise, le cédant pourra fournir les bilans des années précédentes pour compléter le dossier.

Mais apporter un prévisionnel financier n’est pas suffisant pour qu’un prêt soit accordé. Les organismes bancaires vont jauger, en plus de la stabilité financière, des conditions globales dans lesquelles l’entrepreneur va exercer. L’emplacement est un critère important pour la banque : parking, évolution du quartier, entreprises voisines permettent d’évaluer les freins ou les potentiels. Le parcours du professionnel ou le type de produits proposés font aussi partie des points étudiés. En CHR, les banques ont « des références », explique Karim Che-heb. Idem dans le cas d’une reprise, où elles peuvent consulter « l’antériorité » . Dans le cas contraire, une étude de marché peut venir appuyer le dossier de financement.

« Le recours à un courtier peut se révéler déterminant : non seulement il assiste le demandeur dans la constitution de son dossier, mais il négocie pour lui les meilleures conditions financières du moment »

Les accompagnements

Prêt d’honneur, microcrédit, fonds régionaux, prêts croissance ou solidaire, exonérations fiscales… Pour ne pas se perdre dans la jungle des dispositifs financiers existants, il est important de se faire accompagner tout au long de la vie de l’entreprise. Si le directeur régional Normandie Ouest à la BRED Banque Populaire avoue volontiers que son métier a évolué et que le banquier a « un devoir de mise en garde et un rôle de conseiller » , pour autant, certains organismes ou interlocuteurs sont spécialisés dans l’accompagnement pour mener à bien son dossier et, plus largement, le dossier de création, de reprise ou de travaux de rénovation.

Faire appel à un courtier, par exemple, peut être un moyen de se faire assister pour les démarches bancaires. « Bien construire son dossier n’est pas à la portée de tous, que ce soit par manque de savoir-faire ou de temps, explique Véronique Gentilhomme, directrice de réseau CrediPro, spécialisé dans les prêts pour les professionnels. Le recours à un courtier peut se révéler déterminant : non seulement il assiste le demandeur dans la constitution de son dossier, mais il négocie pour lui les meilleures conditions financières du moment. »

La CCI propose également des outils pour mener à bien ses projets. Un accompagnement sous forme d’un stage ou d’une formation de plusieurs jours aide à faire les premiers pas dans le monde de l’entreprenariat, notamment à monter son « business mo-del » et à concevoir sa stratégie financière. Les CCI disposent aussi d’un catalogue en ligne des aides possibles pour financer son projet, à toutes les étapes de la vie d’une entreprise (les-aides.fr) : développement à l’international, innovation, investissement matériel, croissance d’activité, etc. Les aides disponibles sont répertoriées en fonction de chaque profil et de la situation géographique : subventions, fonds régionaux, accompagnements locaux, prêts des CCI… Le Réseau Entreprendre, quant à lui, est une association d’entrepreneurs qui offre la possibilité d’être assisté et conseillé dans les différentes démarches, ainsi que d’obtenir un prêt d’honneur.

Financer son développement

Améliorer son outil de travail, se mettre aux normes ou refaire une beauté à son établissement fait partie des projets qui induisent également un financement. « Le suivi est aussi important que la création et le financement », commente Hakim Cheheb. Demander un prêt pour des travaux, par exemple, doit, à son sens se faire « assez facilement » quand le banquier connaît bien son client, d’où « l’intérêt de se voir deux à trois fois par an » . En règle générale, le financement se fait sur mesure, ainsi que le remboursement, qui peut être décalé en fonction du temps de travaux : c’est la « période de franchise ».

La banque publique d’investissement, Bpifrance, est spécialisée dans les prêts pour les entreprises et dispose de solutions à destination du secteur de la restauration et du tourisme, quels que soient l’ancienneté de l’établissement ou son chiffre d’affaires. Elle propose notamment le prêt hôtellerie, pour des travaux de mise aux normes, d’extension ou l’achat de mobilier et d’équipement, qui arrive en complément (25 %) d’un prêt bancaire classique, pour un montant de 30 000 € à 1 M€. Le prêt éco-énergie est destiné à l’amélioration de son efficacité énergétique (éclairage, meubles frigorifiques), et le prêt à long ou moyen termes, à l’extension des locaux, à la rénovation ou à l’acquisition de nouveaux équipements.

BPI

Les alternatives

Le crédit-bail, également appelé leasing, est utile pour renouveler son matériel tout en préservant sa trésorerie. Il s’agit d’un contrat de location à durée déterminée qui est établi entre trois acteurs : le fournisseur de matériel, le chef d’entreprise CHR et l’établissement financier en charge du financement (banque, établissement de crédit ou société de crédit-bail). Ce dernier reste propriétaire du bien jusqu’à la fin du contrat de leasing. Le crédit-preneur, c’est-à-dire l’établissement CHR, paie un loyer mensuel. Bien que ce mode d’acquisition de matériel coûte généralement plus cher qu’un emprunt classique, il présente l’avantage de ne pas nécessiter de caution solidaire ou de dépôt de garantie. Le préfinancement de la TVA est assuré par le crédit-bailleur et le paiement de celle-ci est échelonné sur la durée du contrat.

Le financement participatif, ou crowdfun-ding, est aussi possible pour un projet en CHR ; il intervient le plus souvent en complément d’un prêt bancaire. De l’achat de matériel au financement de la trésorerie, du stock ou des recrutements, cette solution alternative est de plus en plus plébiscitée : en 2018, le seuil du milliard d’euros a été franchi, tous projets confondus, et ce montant a été multiplié par quatre depuis 2015. La moitié des projets sont portés par des entreprises (49 %, soit 31 % de plus qu’en 2017) et les commerces et services ont mobilisé 124 M€ en 2018. L’argent issu d’une campagne de financement participatif peut prendre la forme de dons (reward crowd-funding) ou de prêts avec ou sans intérêts (crowdlending), ou encore d’une rémunération sur le chiffre d’affaires lorsque l’intervention prend la forme d’une participation au capital de l’entreprise (crowdequity). Le site tousnosprojets.fr est le portail de référence du crowdfunding, créé par Bpifrance, la Banque des territoires et l’association Financement participatif France (financeparticipative.org). Grâce à un questionnaire en plusieurs étapes, chaque entreprise en recherche de financement pourra trouver la plate-forme adéquate à son projet parmi les 32 solutions répertoriées.

Tous nos projets

Les conseils d’Hakim Cheheb

– Ne pas sous-estimer l’importance de l’emplacement (facteurs locaux de commercialité)

– Vérifier la validité et la durée du bail commercial

– Acheter au juste prix, en fonction du chiffre d’affaires du cédant

– Préférer demander un prêt plutôt que de puiser dans la trésorerie

– Savoir attendre si les meilleures conditions ne sont pas réunies

Hakim Cheheb

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