Devenir franchisé : bien choisir, c’est réussir

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À l’heure où 43 % des repas pris en restauration assise le sont dans les chaînes, nombreux sont les candidats souhaitant se lancer en franchise. Des tendances du marché au contenu du document d’information précontractuel, la franchise nécessite rigueur et introspection.

Les Français semblent peu enclins à admettre leur appétence pour les chaînes de restauration : seulement un sur cinq recommande leur fréquentation. Dans l’Hexagone -comme souvent, à contre-courant des tendances des marchés voisins -, l’indicateur de satisfaction (NPS 1) de la restauration chaînée est négatif (- 8 points), alors qu’il est positif en Angleterre (+ 9) et en Italie (+ 10). Ce désamour des chaînes de restauration n’empêche visiblement pas les clients de s’y restaurer : 7 Français sur 10 2 les fréquentent régulièrement. Près d’un repas sur deux pris en restauration à table l’est d’ailleurs dans ces enseignes. Dans cette course à la franchise, le développement des concepts est plus soutenu en restauration rapide : on peut notamment citer O’Tacos, devenu en quelques années le champion en la matière. La chaîne comptait 207 restaurants en 2018, contre 142 un an plus tôt ! Mais la restauration traditionnelle n’est pas en reste. « On revient à un équilibre entre les deux : la restauration rapide avait pris beaucoup d’ampleur, mais la restauration à table prend le pas, avec un fort succès des enseignes brasserie et bar » , souligne Carolina Gautron, directrice des ventes de Reed Exposition France, organisateur du salon Franchise Expo Paris. Au sein de ce grand rendez-vous de la Fédération française de la franchise, c’est la branche hôtellerie-restauration qui rassemble le plus grand nombre d’exposants : près de 90 pour cette édition. Cette année, les poke bowls débarquent sur le salon avec Island Poké. Cette enseigne anglaise est la première du genre à y faire son entrée. « C’est la tendance de demain en franchise : je pense qu’on en verra de plus en plus sur le salon » , affirme Carolina Gautron. Pour elle, ce plat hawaïen a matière à devenir une tendance de fond. « C’est un concept healthy, que les gens peuvent partager sur les réseaux. » Elle tempère, néanmoins : « Certaines modes passent : en 2006, 2009 et 2010, il y avait un énorme emballement sur le sushi. Aujourd’hui, cela c’est un peu essoufflé. Idem pour les diners à l’américaine. » Les enseignes de crêperie connaissent également un développement moins vigoureux qu’il y a quelques années.


« Le meilleur moyen de choisir sa franchise est de porter attention à la formation et d’échanger avec les franchisés existants : leur témoignage est précieux »

Carolina Gautron, Reed Exposition France. 


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Le choix de l’enseigne est donc capital pour le franchisé : « Il faut se demander si le concept est assez solide et innovant pour continuer à résonner dans les années à venir », affirme François Blouin, fondateur et PDG de Food Service Vision, cabinet d’expertise spécialiste de la consommation hors domicile. Il cite l’exemple de Del Arte, enseigne de restauration italienne et pizza, qui propose depuis peu, à la carte, un burger à l’italienne. La chaîne s’adapte à l’appétence forte des consommateurs pour le célèbre sandwich américain, sans pour autant perdre son identité transalpine. Pour bien choisir son concept et s’assurer de sa pérennité, il est important de cerner les raisons de son attractivité. Le cabinet d’expertise Food Service Vision a ainsi établi cinq modèles gagnants 3 de la restauration chaînée : l’emplacement d’abord, la livraison/VAE, la qualité au prix juste, l’hyperfonctionnalité et l’expérience 360. « Pour savoir si une marque va marcher ou non, on s’intéresse au consommateur et aux enseignes qu’il préfère ; puis, on essaye de relier ses goûts à un modèle de restauration » , explique François Blouin. Par exemple, le poke bowl coche plusieurs cases, ce qui explique son succès. Il est à la fois ex-périentiel, car s’inscrivant dans la tendance du bien manger, et fonctionnel, car facile à livrer et séduisant de par son visuel. À noter que l’emplacement reste le critère n° 1 pour le client. « L’arrivée de la livraison a changé le rapport entre le consommateur et la restauration. Celui-ci se demande d’abord s’il préfère se déplacer jusqu’au restaurant ou bien s’il souhaite manger chez lui. S’il recherche une restauration purement fonctionnelle, il va se diriger vers un restaurant proche de lui ou se faire livrer. En revanche, s’il recherche une expérience, il aura un vrai motif pour se déplacer jusqu’au restaurant », ajoute le PDG de Food Service Vision. Les enseignes qui fonctionnent le mieux en franchise sont celles qui réussissent à instaurer une expérience forte. François Blouin cite l’exemple de Ninkasi, concept rhônalpin alliant bière artisanale brassée maison, burgers et musique. « Cette enseigne se base sur un triptyque à base de sourcing local, d’expérience (notamment de par la signature musicale) et d’efficacité de service.


« L‘offre alimentaire représente en moyenne 40 % du succès des enseignes en France, contre 30 % en Angleterre, par exemple. C’est une caractéristique du marché français »

 

François Blouin, Food Service Vision.


Dernier concept en restauration à table à être rentré à la Fédération de la franchise, Ninkasi est positionné depuis sa création sur la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) mais a annoncé début janvier son développement à l’échelle nationale. « En 2019, 60 % des demandes de potentiels franchisés provenaient de l’extérieur de la région : il y avait donc du sens à élargir notre développement », souligne le président de Ninkasi, Christophe Fargier. Pour la suite des ouvertures, toutes les candidatures seront donc désormais considérées. Une fois le choix de l’enseigne arrêté, les discussions entre franchiseurs et franchisés engagées, la question des investissements, nombreux, se pose. Outre l’apport personnel, les franchiseurs demandent des droits d’entrée. Généralement autour de 50 000 €, ils peuvent inclure uniquement de l’immatériel, par exemple le droit d’utiliser le nom de l’enseigne, comme du matériel : une formation, une assistance à l’aménagement du local, des plans, du mobilier. « Le franchiseur se doit dans tous les cas de transmettre son savoir-faire au franchisé : mais le coût de la formation est parfois à verser en plus du droit d’entrée. Il faut donc se faire préciser ce que le droit d’entrée comprend ou non » , souligne Cécile Peskine, avocate spécialisée dans la franchise, du cabinet Linkea-Avocats. Cette formation, à la fois théorique et pratique, est essentielle pour assurer la pérennité du point de vente et concerne généralement tout le personnel de l’établissement.

Au moment de s’engager, le document d’information pré-contractuel ou DIP, mentionné dans le Code du commerce, offre un délai de réflexion nécessaire au candidat pour mesurer ses futurs engagements. Sorte de « CV très détaillé du franchiseur » , il présente l’enseigne, les comptes annuels des deux dernières années, le réseau d’établissements en propre et en franchise, l’histoire, l’équipe dirigeante et celle d’animation, et le futur contrat du franchisé. Il doit être remis au candidat vingt jours minimum avant la signature du contrat et vingt jours avant tout investissement de sa part. Le DIP n’est pas contraignant : le potentiel franchisé n’est tenu à aucun engagement une fois qu’il l’a reçu . « C’est une photo à l’instant T du réseau : il n’est pas modifiable. En revanche, le contrat qu’il comprend peut-être négocié, notamment chez les jeunes réseaux en recherche de candidats. » Ce document peut également comprendre un état du marché national et local des restaurations rapide et assise, en France et autour du futur lieu d’implantation du franchisé. Attention néanmoins, ce n’est pas une étude : les juges considèrent qu’un franchisé est un commerçant indépendant et que l’étude du marché local lui incombe. Le « nœud des contentieux » entre franchisés et franchiseurs est d’ailleurs souvent lié à cette relation : le reproche le plus courant en justice est la validation du business plan du premier par le franchiseur. Dans ce cas, la justice tient compte de l’implication : si l’enseigne a explicitement validé le plan ou une partie des chiffres, la faute lui incombe. En revanche, si le franchisé a lui-même établi et fait valider son business plan par un comptable, il ne touchera pas d’indemnisation en cas d’échec.

Pour un candidat à la franchise, les banques requièrent un apport de 30 % du montant total du projet. Photo Ⓒ Stéphane Laure 


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Pour repérer un réseau de franchise sain, plusieurs solutions existent. La Fédération française de la franchise (FFF) travaille notamment à « vérifier l’équilibre entre les franchiseurs et les franchisés, et que chaque partie respecte à la fois ses droits et ses obligations », explique Rose-Marie Moins, directrice du développement de la fédération. « Le fil rouge de cette relation de partenariat, c’est le respect de la déontologie. On s’assure que le franchiseur apporte son savoir-faire, sa capacité à développer son réseau et à le manager, ainsi que des ressources, tant financières qu’humaines. On regarde aussi comment le franchiseur gère la circulation de l’information au sein de son réseau : conventions, comités, commissions de travail. » Un réseau membre de la FFF est donc une bonne garantie de sa fiabilité. Mais le plus important demeure le travail d’enquête du candidat entrant. « Il faut demander au franchiseur les chiffres de ses unités en propre et, aussi, aller enquêter auprès des franchisés », affirme l’avocate Cécile Peskine. Le DIP doit d’ailleurs comprendre les coordonnées de tous les franchisés. L’ancienneté du réseau est également primordiale. « On dit qu’il faut deux années de recul et deux exploitations en propre » , appuie l’avocate. Jeter un coup d’œil sur les sorties du réseau et le renouvellement ou non des contrats par les franchisés apporte aussi un éclairage.


« Le franchisé est sur le terrain et peut avoir des idées que le franchiseur n’aura pas, car moins dans l’opérationnel : leurs échanges et la vie de réseau permettent de créer une intelligence collective »

Rose-Marie Moins, Fédération française de la franchise. 


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« Le Code de commerce stipule que la mention des sorties de réseau se limite à l’année précédente dans le DIP : certaines enseignes vont aller plus loin et mentionner les cinq années passées, mais ce n’est pas le cas de la majorité d’entre elles »,
ajoute Cécile Peskine. Enfin, la présence d’un manuel opérationnel détaillé, appelé « bible » dans le jargon, est également courante, du fait que la transmission de savoir de la franchise est obligatoire et doit pouvoir être prouvée. Son contenu est étudié par la FFF lors de ses admissions. La bible détaille les opérations de lancement, l’exploitation, les marges, le discours clientèle… Ce condensé doit faire du restaurateur un expert de la marque. Il est toujours remis après la signature du contrat, généralement à sa signature ou durant la formation. Pour mieux comprendre et rencontrer un franchiseur avant de se lancer, le salon Franchise Expo Paris, organisé du 24 au 27 mai, permet de prendre la température et de sonder cet univers subtil. « Le potentiel franchisé sait que lorsqu’il vient au salon, il peut contracter dans les mois qui suivent avec une enseigne, car il a tous les éléments en main », conclut Carolina Gautron.

« Dans la franchise, l’investissement personnel du franchisé est capital »

Cécile Peskine, cabinet Linkea-Avocats

notes
1 NPS = Net Promoter Score est l’indicateur de satisfaction qui permet de déterminer la fidélité des consommateurs.
2 et 3 Étude Food Service Vision sur les modèles de la restauration chaînée, 2018.


Photo de Une : Ⓒ Sebastian Hermann/Unsplash 

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