La valeur des fonds de commerces à la dérive

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Les CHR parisiens sont certainement les premières victimes économiques de la récession, due à la crise sanitaire. Fermeture des établissements, réouverture des terrasses puis des salles, restrictions horaires et nouvelle fermeture. En sept mois, les cafetiers et restaurateurs ont tout subi. La valeur de leurs fonds de commerce commence à pâtir.

chr fonds de commerce
Le marché des fonds de commerce en CHR est globalement freiné par la crise sanitaire et les prix des acquisitions sont pour l’instant revus à la baisse.

Le climat économique ne respire pas la sérénité. Et pour les professionnels de la restauration et les bistrotiers, c’est un euphémisme. Le marché des fonds de commerce de ces établissements semble de nouveau au point mort, depuis l’instauration du reconfinement. « Je fais ce métier depuis plus de vingt ans, mais aujourd’hui c’est tellement particulier… Nos clients ne savent pas comment faire : vendre ou pas vendre ? Nous ne savons pas comment rebondir. La profession du CHR est vraiment frappée de plein fouet », s’inquiète Bruno Marcillaud, directeur général du groupe Horeca de Century 21.

Cette conjoncture économique très fragile a également un impact négatif sur le financement des bars et des restaurants, particulièrement pour les primo-accédants. « Les banques sont davantage occupées par les PGE que par le financement des nouveaux projets. Le marché parisien a toujours été un marché dynamique, c’était le cas il y a encore un an. Mais nous sommes aujourd’hui sur un marché atone », constate le directeur de l’agence Century 21 Horeca Paris, qui réalise en moyenne 300 transactions par an dans des circonstances stables. L’alternance des périodes de fermeture, de restrictions, de réouverture, puis de nouvelle fermeture, semble avoir épuisé le marché des fonds de commerce CHR. « Après la réouverture des établissements, nous étions dans une période de doute, mais les professionnels avaient le souvenir d’un marché actif avec des acquéreurs qui voyaient peut-être une opportunité d’investir. Fin août-mi septembre, le confinement était fini et nous étions bien repartis, analyse Michel Belhassen, directeur de l’agence Mibelimmo, spécialisée dans la vente de bars, brasseries et restaurants à Paris. Mais la fermeture des bars et la nouvelle phase que nous vivons ont représenté un coup d’arrêt brutal. J’avais des signatures prévues entre octobre et décembre qui ne sont pas arrivées à terme, et des dossiers qui ne sont pas passés. Cette deuxième phase a anesthésié le marché, les acquéreurs sont dans l’expectative. »

Des disparités géographiques

La situation est tendue pour les établissements, mais les quartiers parisiens et de la petite couronne ne vivent pas la crise avec la même intensité. Avant la pandémie, certains arrondissements du centre et de l’est étaient devenus depuis quelques années le terrain de chasse de nouveaux acquéreurs. « Il y a des mutations par secteur : le 10e arrondissement était tendance il y a encore deux ou trois ans, maintenant nous observons une demande importante dans le 11e, autour d’Oberkampf et de Parmentier. En restauration, il y a un retour vers le Forum des Halles depuis six ou huit mois. La rue Rambuteau (4e), la rue de Bretagne (3e) et les rues Montmartre et Montorgueil (2e) fonctionnaient bien aussi. La rue du Faubourg-Montmartre (9e) est très demandée pour les restaurants et les bars de nuit », observe Éric Pitoy, responsable du développement réseau entreprises et commerces chez Proprietes-privees.com.

Selon ce dirigeant du réseau précurseur de l’immobilier sur Internet, « les acheteurs attendent un peu, mais ils seront toujours présents à Paris ». Néanmoins, selon Éric Pitoy, la Covid-19 pourrait laisser des traces dans un quartier de l’ouest du Grand Paris : « Cela risque d’être compliqué pour La Défense. D’importantes sociétés y sont installées et beaucoup de restaurants à gros loyers ne peuvent pas se rattraper avec le service du soir. Il n’y a pas eu de rebond dans ce secteur comme à Paris cet été. »

Le marché des fonds de commerce en CHR est globalement freiné par la crise sanitaire et les prix des acquisitions sont pour l’instant revus à la baisse. Un phénomène ponctuel qui pourrait être critique si la baisse d’activité liée à la pandémie se prolonge. « Avant la Covid, il y avait une valorisation des brasseries autour de 1,5 fois le montant du chiffre d’affaires. Mais maintenant, nous sommes plutôt autour de 1,2 fois le montant du CA », remarque Éric Pitoy. À la tête de son réseau parisien de vente de brasseries, bars et restaurants depuis 2013, Michel Belhassen relève également cette dépréciation. « Je gère la vente de petits bars, mais certaines grosses affaires peuvent atteindre 1,80 M€. Actuellement, des vendeurs sont dans l’attente, ils sont excédés par ces fermetures et cette impossibilité de travailler. Les prix sont souvent revus à la baisse. Un bar classique à Paris avait une valeur vénale située entre 120 000 et 150 000 €. Aujourd’hui, j’ai des propriétaires dont les établissements sont fermés depuis plusieurs mois et qui souhaitent vendre rapidement. Les prix de vente oscillent désormais autour de 100 000 € voire 90 000 €, des baisses qui vont de 20 % à 30 % », révèle le directeur de Mibelimmo.

L’activité d’une brasserie ou d’un restaurant détermine, en partie, la valeur du fonds de commerce. Mais celle-ci est tronquée désormais ou parfois même inexistante, notamment pour les bars à cocktails ou spécialisés en mixologie. « La présence clientèle sur laquelle on pouvait compter – et qui permettait aux acquéreurs de se projeter – est aujourd’hui interdite. Et si la Covid demeure, est-ce que les clients auront envie d’aller dans des petits établissements ? », s’interroge Michel Belhassen. Dans un tel contexte, les lieux trop exigus pourraient avoir mauvaise presse. À cet égard, les agencements « de type Covid » et les établissements disposant d’une terrasse semblent davantage convoités.

Liquidations judiciaires et autres possibilités

Il est difficile d’envisager un avenir radieux dans l’immédiat pour les propriétaires de fonds de commerce en CHR. Certains se posent des questions, d’autres attendent que ce terrible orage passe, et quelques-uns ont déjà placardé la mention « À céder » sur leur devanture. « En restauration, il n’y a pas vraiment de baisse de prix, sauf s’il y a des problèmes de trésorerie. On peut trouver des prix cassés dans des dossiers compliqués avec des fortes charges, certains attendent alors les mises en liquidation et d’autres se protègent » , explique Éric Pitoy du réseau entreprises et commerces de Proprietes-privees.com. Mais du côté des acquéreurs, l’enjeu est tout autre. « Certains d’entre eux pensent que le marché de la liquidation sera un eldorado demain, avec des acquisitions à 40 % ou 50 % du prix de base. Mais j’ai peur que cette of f re pléthorique anesthésie le marché », s’inquiète le directeur de l’agence Mibelimmo.

Pour les futurs propriétaires de fonds de commerce, la possibilité se trouve peut-être de l’autre côté du périphérique. « Des acquéreurs sont désormais ouverts à l’étude de dossiers en petite couronne, dans le 94, le 92 et des villes qui jouxtent Paris. Certains clients souhaitent même vendre leur bien à Paris et acquérir en province, pour des raisons de mise au vert, cadre de vie ou loyers trop élevés », confie Michel Belhassen. Néanmoins, dans ce marché parisien en crise, un type d’établissements bénéficie encore d’une certaine cote : « Les bars-tabacs continuent à très bien se vendre à Paris comme en banlieue. Nous avons notamment une clientèle asiatique qui recherche toujours ce produit », reconnaît Bruno Marcillaud.

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