Pertes d’exploitation : décrypter son contrat

  • Temps de lecture : 4 min

Depuis le début de la crise, les restaurateurs s’interrogent sur la possibilité de faire appel à leur assureur pour les indemniser des conséquences de la fermeture de leurs établissements. Baptiste Robelin, avocat associé chez DJS avocats, livre ses conseils pour analyser son contrat d’assurance.

« Dans ce contexte inédit, il est nécessaire tout d’abord de se pencher sur son contrat d’assurance perte d’exploitation, afin d’en saisir les subtilités. Cette assurance est une garantie ayant pour objet d’indemniser la perte de marge brute d’une entreprise qui subit une interruption ou une réduction temporaire de son activité. Pour savoir si un contrat d’assurance a vocation à jouer dans le contexte des fermetures administratives liées au Covid-19, il faut observer les dispositions du contrat. En premier lieu, il est nécessaire de vérifier s’il existe dans le contrat une garantie pour perte d’exploitation, et le cas échéant, ses conditions de mise en œuvre. Bien souvent les clauses prévoient l’indemnisation de telles pertes quand elles résultent d’événements déterminés, comme la survenance de dommage aux biens. Plus rarement, la garantie est étendue à la fermeture administrative de l’établissement. Si tel est le cas, il faut dans un second temps s’assurer que des clauses exclusives de garantie ne viennent pas limiter l’application du contrat. En l’occurrence, les assureurs prennent généralement le soin d’exclure par des dispositions particulières les conséquences d’une épidémie-pandémie. Toutefois, même en présence de clauses exclusives de garantie, il faut s’interroger sur leur validité et leur applicabilité : certains principes légaux ou jurisprudentiels peuvent être envisagés pour les contourner. »

Baptiste Robelin DJS Avocats
Baptiste Robelin, avocat associé chez DJS Avocats.

CONTOURNER DES CLAUSES EXCLUSIVES DE GARANTIE

L’article L113-1 du code des assurances dispose que : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. » Sur ce fondement, la jurisprudence a dégagé quatre conditions pour qu’une clause exclusive de garantie soit jugée valable. En premier lieu, la clause doit être précise et claire, sans interprétation possible. Concrètement, elle doit se référer à « des faits, circonstances ou obligations définis avec précision de telle sorte que l’assuré puisse connaître exactement l’étendue de sa garantie.1» Une clause exclusive de garantie pourra ainsi être attaquée chaque fois qu’elle nécessite un effort particulier d’interprétation ou quand il n’existe aucun lien évident entre elle et l’événement pour lequel l’assuré sollicite une garantie. En deuxième lieu, elle doit être écrite dans le contrat en des termes apparents, de manière visible et non équivoque2. Généralement, cette obligation se traduit au sein du contrat par une mention de l’exclusion en caractères gras et dans des encadrés visibles. En troisième lieu, elle ne doit pas avoir pour effet de priver de substance la garantie, c’est-à-dire de faire disparaître une garantie promise et pour laquelle l’assuré paye une prime. Ainsi la clause pourra être considérée comme sans effet lorsque « par leur nombre et leur étendue, les exclusions aboutissent à priver de tout effet la garantie souscrite.3 »

Enfin en quatrième lieu, notez que dans le doute, les tribunaux interprètent toujours les clauses exclusives de garantie contre l’assureur, dans le sens le plus favorable à l’assuré. Ces différents principes sont autant de moyens de tenter de contester ou contourner l’application d’une clause exclusive de garantie dans un contrat d’assurance. 


Notes :

1 Cass. 1re civ., 10 décembre 1996.
2 Cass. 2e civ., 15 avril 2010, Resp. civ. et ass. n° 7, juillet 2010, comm. 202.
3 Cass. civ., 1re, 15 décembre 1999.


Photo de Une : ©Scott Graham sur Unsplash

PARTAGER